Le train roulait à vive allure au travers des Alpes. Cela faisait 4 mois déjà que la guerre était finie, et un an que ma mission avait commencée, et c'était la première fois que je revenais sur Terre. C'était à nouveau l'hiver, mais aucun neige ne couvrait les sommets des montagnes : le réchauffement planétaire en avait eu raison. Bien calé dans mon siège de ce train luxueux, spécialement affrété par les Nations-Unies, je lisais les dernières nouvelles.

En première page, l'actualité la plus brûlante bien entendu : "La Princesse Luna d'Equestria attendue à Venise pour la réunion des Alliés". Je baissai mon journal pour croiser le regard de Luna, qui me sourit :

"Vous semblez préoccupé Ambassadeur
- C'est parce que j'ai toujours des problèmes en tête Princesse. Il paraît que c'est mon plus grand atout.
- Vous ne vous détendez jamais ?
- Je me détendrai quant mon travail sera achevé.
- Vous risquez d'être tendu pendant longtemps !
- C'est possible oui", répondis je en souriant et revenant à ma lecture.

En première page, le journal rappelait les faits des derniers mois : la prise de Sharped Maw au bout de 15 jours d'engagements, la fin de la guerre, la capture des chefs hommes-loups et leurs transferts à la Haye, la paix signée avec de grandes concessions territoriales à Equestria, et surtout la décision du maintien temporaire des troupes en Equestria le temps que la situation soit stabilisée. Je saisis ma tasse de thé et en pris une gorgée, tout en fronçant les sourcils : le journal ne parlait même pas du principe de l'interdiction des conquêtes militaires dans la charte des Nations Unies.

Je m'étais opposé à ces concessions, et la Princesse Celestia n'y voyait aucun intérêt. Mais les Alliés avaient insisté. La raison en était simple : de grands gisements de minerais précieux. Les premiers contrats venaient d'être signés pour leur exploitation par des sociétés terriennes. Les principes quant à eux ? Les juristes de l'armée avaient estimés que les conventions, n'ayant pas été spécifiée autrement, avaient un champ d'action limitée à la Terre. Exactement le même principe pour la non application des Conventions de Genève durant la guerre. Maintenant, l'UNMAS, l'Agence Anti-Mines avait été déployée en toute discrétion sur le terrain.

"Dis moi Victor ? m'interpella t'on sur ma gauche
- Oui Twilight ?
- Qu'est-ce qu'un Pays Ennemi ?
- Pardon ?
- Là, c'est marqué ici, me dit elle en me montrant la charte des Nations Unies qu'elle étudiait.
- Mmh... c'était les pays opposés aux forces alliées durant la Seconde Guerre Mondiale.
- Je croyais que la charte avait été signée après la fin de la guerre ?
- Oui, mais elle a été élaborée pendant.
- D'accord"

Alors qu'elle retournait à sa lecture, je la regardais, songeur. Ca avait été de longues nuits, de longues discussions, mais j'y étais arrivé. Le regard qu'elle m'avait lancée après l'incident à la forteresse de la Griffe Noire m'avait glacé. Nous étions revenus à la base militaire, où j'avais obtenu la démission du général à la tête de l'opération, en menaçant les membres du Conseil de Sécurité de tout révéler à la presse. La réaction n'avait pas été longue, et plus aucune de ces armes n'avaient été déployées sur le champ de bataille, et je m'étais assuré de ce fait en demandant aux Wonderbolts d'effectuer des patrouilles.

Mais le plus long du travail avait été avec Twilight. Le soir même, alors que Rainbow avait réussi à dormir, je m'étais installé dans la bibliothèque avec elle et je lui avais parlé de notre histoire. Je ne lui ai rien caché : nos guerres, nos horreurs, nos crimes et nos massacres. Mais je lui ai parlé de notre art, de notre philosophie, du pacifisme, de la démocratie et de la liberté. Je lui ai parlé de l'esclavagisme mais aussi de la révolution américaine, de la Seconde Guerre Mondiale, des camps de concentration à la résistance. Je lui ai parlé de Nations Unies, de leurs rêves, de leurs échecs et de leurs succès.

Je lui ai appris le français, qu'elle maîtrisa très vite grâce à sa magie. Je lui ai fais lire Platon, Pascal, Descartes, Rousseau, Voltaire, Montesquieu et tant d'autres philosophes. Je lui ai conté les histoires de l'Antiquité, l'Illiade, l'Odyssée, les Milles et Une Nuits. Passant son temps dans la bibliothèque, elle a découvert Hugo, Zola, Carroll, Lovecraft, K. Dick, Murakami et tant d'autres.

Je lui ai fais écouter les grands compositeurs : Wagner, Mozart, Bach, Beethoven, Schumann, Berlioz, mais aussi d'autres plus récents, que ce soit Queen, les Beatles, les Rolling Stones (ce fut d'ailleurs un grand moment que de la voir danser sur Paint it Black), et tout ce qu'elle voulait écouter sur la base de données fournies par les Nations Unies.

Elle a découvert avec également beaucoup d'intérêt le cinéma, peut être la meilleure fenêtre sur notre race. Et c'est ainsi qu'au bout de longs mois de discussions quotidiennes, de lectures, qu'un soir, alors que nous discutions de la vie de Winston Churchill :

" Churchill, vois tu, était un chef de guerre, un leader en temps de crise extrême, l'homme providentiel pour combattre une tyrannie affreuse. Mais ce n'était pas un bon homme politique, l'histoire l'a prouvé d'ailleurs.
- Mmh, c'est étrange tout de même. Cet homme a résisté contre un ennemi supérieur en tout, en s'accrochant à des convictions et des valeurs, mais pourtant il avait des positions extrémistes, presque racistes, non ?
- Nous sommes des êtres imparfaits.
- C'est ça ! Vous n'êtes pas des monstres, mais vous pouvez vous comportez comme tels. Vous n'êtes pas des anges, mais vous avez des idées et des valeurs qui s'en rapprochent. Comment vous faites ?
- Je ne sais pas Twilight. Nous essayons de vivre selon nos valeurs, même si parfois nous nous trompons. L'harmonie dont tu m'as tant parlée n'existe pas chez nous. Mais j'espère qu'un jour nous y arriverons.
- Je sais que tu y arriveras. Merci de me montrer tout ça...
- ..., ne pouvant rien répondre, je souris
- Victor... je suis fière de t'avoir comme ami.
- Moi aussi Twilight. Et bien au delà de ce que tu pourrais le penser."

Depuis, j'avais entrepris de la former au droit et aux pratiques des Nations Unies. Le travail avançait bien, et je savais que dans quelques mois, elle serait capable de représenter Equestria auprès de l'ONU. Tandis que je finissais de lire un article sur la recrudescence de la violence au Moyen-Orient contre les représentations des Nations Unies, le train arrivait en gare de Venise. M'étirant en me levant, je pris ma veste de costume, l'enfilait, et descendit du train, accompagnant la Princesse Luna et Twilight. Rainbow était partie prendre du repos chez elle à Ponyville. Accueillis par des employés des Nations Unis, entourés de gardes du corps, nous prîmes place dans un bateau qui s'engagea rapidement sur le grand canal. La ville de Venise, malgré son extrême vulnérabilité aux montées des eaux, avait pu être sauvée au travers d'importantes politiques de préservations, notamment la création de barrages en aval de celle-ci.

Accoudé au bastingage, Twilight à mes cotés, je lui contais l'histoire de la ville et lui montrait les lieux remarquables. Je possédai en effet un petit pied à terre à Venise, que je surnommais mon pied-à-l'eau. Nous passâmes sous le pont du Rialto, devant l'Académie des Beaux Arts et enfin accostâmes à la place Saint Marc. La réunion devait avoir lieu dans le palais des Doges, réunion au cours de laquelle les accords de paix seraient officiellement signés et où Equestria exprimerait sa reconnaissance officielle aux Alliés pour leur aide. Ca c'était la version officielle. L'officieuse, c'était que les négociations sur les sommes qu'Equestria devait verser au titre du remboursement des frais engagés pour sa protection devaient avoir lieu.

Mais avant cela, la Princesse devait donner un grand discours public sur la place, premier discours d'un représentant d'Equestria sur Terre, retransmis en direct sur toutes les chaînes du monde. L'humanité allait vivre un évènement historique.

La place était noire de monde, sauf sur un corridor vers la scène qui avait été dégagé par la sécurité. Luna en tête, nous nous rendîmes vers l'estrade, où nous attendaient les dirigeants des pays "alliés". L'accueil fut bien entendu cordial et d'une chaleur toute diplomatique, avec des sourires de circonstances. Quelques photos, puis Twilight et moi-même nous installèrent aux places qui nous avaient été attribuées, tandis que la Princesse, non sans nous jeter un regard un peu anxieux, se dirigeait vers le pupitre. Nous avions passé tous les trois beaucoup de temps ensemble pour la préparer à ce discours. Je commençais à réellement apprécier Luna tout autant que Twilight.

Luna s'éclaircit la gorge, puis débuta son discours :

"Terriens,

Je suis ici porteuse d'un message d'amitié de la part de mon peuple et de mon pays, au nom de ma soeur, la Princesse Celestia. La reconnaissance qui est la nôtre pour l'aide et le soutien que vous nous avez apportés sans délai face à une menace qui aurait pu tous nous annihiler ne saurait être exprimée avec des mots.

Durant les heureusement courtes semaines de ce conflit, nous avons pu compter sur votre support sans faille, et soyez assurés que nous, Equestriens, n'oublierons jamais ce que vous avait fait pour nous. Au nom de tout Eq..."

Luna fut coupée par un bruit sourd, un bruit que je ne connaissais que trop bien. Tout en me levant, je sus que ce saurait trop tard. Déjà, la Princesse commençait à être projetée en arrière par la violence de l'impact. Me jetant sur elle, la prenant dans mes bras, je regardai son visage, et je vis ce que je craignais. La Princesse était morte. Assassinée.

"Non...non... Luna, je t'en prie, non...." dis-je, perdu, des sanglots dans la voix et les larmes commençant à me monter aux yeux. Levant le regard, je vis que Twilight, elle aussi, défaillait et pleurait. Et tandis qu'autour de nous le chaos rugissait, nous étions tous les deux prostrés, en nous demandant quel futur nous attendait....

PS : Vous vous attendiez à ça ? Juste pour voir si je suis prévisible....

Et oui, c'étais un peu prévisible la mort de Luna ^^

Et oui, la mort de Luna etait tres prévisible.
Le Solar Empire ne recule devant rien pour se débarrasser des "éléments perturbateurs"

Cela faisait 8 mois que les évènements de Venise avaient eu lieu. Et leurs conséquences n'en finissaient pas de se dérouler.

L'enterrement de la Princesse Luna avait été un des spectacles les plus durs auquel il m'a été donné d'assister. C'était un soir de printemps, au moment du crépuscule. Il faisait incroyablement beau, un soleil plongeait derrière les montagnes, éclairant la scène d'une lumière annonçant une douce nuit. Derrière le château, un mausolée avait été élevé en l'honneur de la Princesse.

La cérémonie fut silencieuse. Pas un bruit, pas un mot, pas même de discours. Le deuil ici se fait dans le silence et le recueillement.

La plus marquée par cette mort fut bien entendu la Princesse Célestia. Et la conséquence ne s'est pas faite attendre. A peine un mois après l'enterrement, elle abdiqua, laissant sa place de dirigeante au Prince Blueblood, puis se retirant quelque part, loin de Canterlot. Son départ se fit au coeur de la nuit, sans bruit.

Je suis resté représentant de l'ONU auprès d'Equestria. Nous avons choisi de soutenir le pouvoir naissant du Prince, notamment dans le cadre d'un programme de formation et d'équipement d'une vraie armée Equestrienne. Des armes, des véhicules et des armures de combats ont été développées pour nos alliés, leur permettant de tenir en respect n'importe lequel de leurs voisins. Mais le Prince Blueblood n'est pas Célestia, et sa popularité au sein de la population était de plus fluctuante. Cependant, la nouvelle garde royale, l'élite de la nouvelle armée, s'occupait de sa protection et du "maintien de l'ordre". Des rapports de violation des droits fondamentaux affluaient de tout le pays, mais étaient, sous pression du Conseil, passés sous silence.

Ce jour-là, j'étais dans mon bureau, en train de rédiger un énième rapport sur l'état d'instabilité politique du pays et sur mes inquiétudes grandissantes vis à vis du pouvoir du Prince, qui se dirigeait lentement mais sûrement vers une dictature violente, quant les portes de mon bureau furent ouvertes en grand. A ma grande surprise ce fut, Ilienko , la secrétaire générale de l'ONU, qui entra. Fermant la porte derrière elle, elle s'assit à mon bureau, puis :

"Ah, Thaergan, j'ai une bonne nouvelle pour vous !
- Réellement ? répondis-je, dubitatif
- Nous avons arrêtés l'assassin de la princesse Luna !
- Qui était t'il ?
- Oh, personne en lui même. Un pauvre fanatique chrétien qui a été manipulé et à qui on a donné les moyens d'accomplir sa tâche.
- Qui est ce "on" ?
- Oh, vous êtes un cachottier Thaergan !
- Que voulez vous dire Ilienko ? Je n'ai pas le temps pour vos jeux !
- Allons, vous savez bien qui est derrière, puisque c'est vous !
- Je vous demande pardon ?
- Enfin, non, ce n'est pas vous. Ca, c'est la version officielle. Votre amour des droits de l'homme et des philosophies des Lumières ont conduit à rendre insupportable pour vous l'existence d'un pays dirigé par un monarque. Alors, las de ne pouvoir entraîner les Nations Unies dans votre plan, vous avez pris les choses en main, recruté et manipulé cet homme, espérant que la mort d'une Princesse écarterait l'autre du pouvoir, comme ce fut le cas. Puis, une fois que le Prince arrivé au pouvoir, vous avez joué les agitateurs pour qu'il soit renversé et une démocratie établie. Plan intelligence, j'en conviens !
- Vous n'avez tout de même pas osé faire une chose pareille Ilienko ? Dites moi que vous n'êtes pas derrière sa mort !
- Evidemment que si Thaergan. Je vous aurai cru plus intelligent que cela ! Nous avons déjà communiqué toutes les preuves aux autorités équestriennes, les aveux de l'assassin, les rapports que vous nous avez envoyé, les virements des fonds. Saviez vous que leur code prévoit encore la peine de mort ? Bien sûr, elle n'est quasiment jamais appliquée !
- Vous ne gagnerez pas Ilienko.
- Non, vous avez raison. J'ai déjà gagné. Nos troupes sont présentes pour longtemps, le Prince est un faible qui écoutera le nouvel ambassadeur sans faille, les contrats sont signés et nos entreprises exploitent ce nouveau monde sans problème. Les territoires lupins seront bientôt colonisés et de nouvelles villes apparaîtront pour fournir un nouvel abri à l'humanité. C'est fini.
- Que non. Une armée d'occupation ne gagne jamais Ilienko. Indochine, Algérie, Viet-nâm, Irak. Ils se révolteront et vous vaincrons. Et ce jour là, je me contenterai de vous dire : "Je vous avais prévenu"
- J'en doute fort."

Se levant, elle frappa à la porte, trois soldats entrèrent et me saisir, puis me passèrent les menottes. Sans rien dire, je me laissais conduire vers la sortie, quant nous rencontrâmes Twilight :

"Qu'est-ce qu'il se passe ? Victor, où est-ce qu'ils t'emmènent ?
- Mademoiselle, veuillez ne pas gêner le travail des forces de l'ONU, dit un des soldats, sans la regarder.
- Le contrat social a été rompu on dirait !" dis je à Twilight, avant d'être amené.

J'avais confiance en Twilight pour qu'elle comprenne le message. J'avais caché un message entre les pages du Contrat Social de Rousseau. Un message pour le cas où je serai tué ou empêché pour une raison ou pour une autre. Le message révélait l'existence d'une cache, un peu à l'extérieur de Canterlot, où Aalis et moi avions placé une malle. Dans celle-ci, des livres. Des livres qui expliquaient comment mener une guérilla. Comment fabriquer une bombe. Des témoignages de résistants, de rebelles. Mon dernier cadeau à Twilight, la dernière vérité que je n'avais pas eu le temps de lui enseigner.

Face à qui ne comprend que la force, il faut être prêt à l'utiliser. J'espérais seulement que Twilight saurait utiliser ce matériel du mieux possible. Mais j'avais confiance en elle.