Résumé :

Se déroulant dans l’univers de The Conversion Bureau, 27 Ounces raconte l’histoire de quelques vies affectées par un simple Erlenmeyer rempli de Sérum de Ponification du Bureau de Conversion. Chaque chapitre explore quelques uns des aspects de l’humanité perdue ou conservée, et l’impact d’une réalité où le changement d’espèce est l’affaire la plus importante jamais présentée au genre humain.

CHAPITRE 1 : La boîte rouge

Ceci est une histoire tirée de l’univers de The Conversion Bureau, univers alternatif de MLP :FiM créé par Blaze. (http://www.ponychan.net/chan/fic/res/42999.html pour plus de détails, historiques et ressources). L’univers part du principe qu’Equestria est une poche émergeante du sub-cosmos localisée au-delà de la côte Ouest des Amériques, son énergie magique étant fatale aux humains, la nature humaine étant fatale à Equestria et à la Terre toute entière, la seule solution étant la ponification totale, par tous les moyens, de l’espèce humaine entière.

Le Dr. Roselyn Pastern pouvait seulement distinguer la courbure brillante de la Barrière, et elle pensa que celle-ci ne ressemblait à rien d’autre qu’à l’une de ces gigantesques et improbables lunes croissantes sur les illustrations des médias de science-fiction. Le vent hurlant de l’ouragan avait dégagé l’épais brouillard glacial sur toute l’Aire de la Baie, et c’est ce qui rendit Equestria visible.

L’ouragan Misha avait été mis sous contrôle avant qu’il ne puisse atteindre les terres, et avait impliqué quelque chose comme des engins volants, ou peut-être était-ce des missiles tactiques – Le Le Dr. Pastern ne pouvait plus s’en souvenir, et franchement, elle n’y avait pas vraiment fait attention. Il lui était suffisant que le ciel soit assez dégagé pour qu’elle puisse voir l’énorme et scintillante bulle, s’élevant au-dessus de la courbure de la Terre. Un an et demi après son apparition, la grande Barrière, qui s’étendait lentement mais sûrement, avait touché le bord même de l’espace. Le bouclier qui entourait Equestria faisait des centaines de kilomètres de diamètre, parfaitement sphérique, et tout à fait impénétrable sauf pour les Equestrians. Les orbites des satellites eurent besoin d’être réajustées pour s’accommoder à ce nouvel agencement de la planète.

Le Dr. Pastern termina son café du matin et se détourna de la rambarde. Dans une heure, il serait huit heures et les portes s’ouvriraient. C’était un autre jour au Bureau de Conversion de San Francisco, situé dans le Complexe Westcorp Presidio, juste à côté du Lombard Maglev, dans ce qui restait du campus d’AppleSoft, qui une fois, il y a longtemps, fut un bâtiment nommé comme Palais des Beaux Arts.

Le complexe Presidio était presque vide maintenant, sans industrie ou affaires pour l’entretenir. Dans les ruines de San Francisco, une vaste favela – plus qu’un simple quartier misérable, mais moins qu’une véritable ville – s’était élevée, les plaques de métal et les cabanes en plastique empilées les unes sur les autres parvenant toutefois à réfugier presque deux millions et demi de personnes. Ils étaient maintenus en vie grâce à la puissance de la nanotechnologie ; leur ration quotidienne d’eau et de nourriture fournie par le gouvernement était produite à partir de la restructuration moléculaire de déchets humains.

Les escaliers qui descendaient du vaste toit étaient longs et tortueux, et plusieurs fois Roselyn dut enjamber et contourner les parties de la structure qui s’étaient effondrées, encombrant les couloirs. Le gigantesque et ancien bâtiment d’AppleSoft était considéré comme sûr, à ce qu’on lui avait dit, mais les poutres à terre suggéraient un autre point de vue. Le Dr. Pastern entra finalement dans le hall de la clinique, juste à temps pour voir deux agents armés, gardés par quatre soldats en armure, faire une livraison attendue.

Une boîte rouge blindée attendait sur le guichet des inscriptions. Volumineuse et conçue pour résister aux balles et aux bombes, la boîte devait d’abord être déchaînée du poignet de l’un des agents. Le Dr. Pastern signa plusieurs formulaires électroniques et contrats de livraison, puis plaça finalement son pouce sur la tablette digitale qu’on lui tendit, laissant également le même appareil scanner sa rétine.

« Bien à vous, passez une bonne journée ! » dit le plus grand des deux agents du Bureau. Les soldats grognèrent et suivirent les agents vers le sombre véhicule blindé par lequel ils arrivaient tout le temps. Dr. Pastern posa sa tasse de café et donna à la boîte un vif roulement de tambour avec ses mains.

« Pas mal, Doc – je crois que j’ai presque entendu un peu de rythme la dedans. » Bethany, la réceptionniste au guichet, travaillait dans la clinique depuis son ouverture il y a seulement six mois. « Peut-être que je devrais passer Poney aujourd’hui, t’en penses quoi ? » Beth disait ça à chaque fois qu’une boîte rouge était livrée ; encore fallut-t-il qu’elle eût l’air sérieuse. « Ça s’occuperait certainement de ces trucs – ils sont devenus dingues aujourd’hui ! » Beth souffrait de plusieurs carcinomes verruqueux au niveau de ses os temporaux. Comme la plupart des gens dans le monde, ses divers cancers étaient mis sous stase. Il était trivial d’arrêter un cancer, mais très cher de le guérir.

Presque chaque être humain souffrait d’une forme de malignité, c’était normal. Chaque être humain prenait régulièrement de la Malignostat ou l’une de ses variantes. Ce traitement dérivé de la nanotechnologie était omniprésent et vendu en distributeur un peu partout. Ouvrir un « ‘stat » était fondamental lors du lever au matin. Cela stabilisait tout cancer, et rapportait énormément d’argent. Certains voyaient la Malignostat comme une taxe universelle appliquée sur tout le genre humain. Se faire soigner, cependant, n’était pas un bon plan. Il était inévitable qu’un autre cancer apparaisse peu après, il fallait alors coupler cette dépense avec un traitement de chirurgie esthétique contre la défiguration, étant lui-même incroyablement coûteux.

Beth gratta les grossiers renflements présents sur le côté gauche de son cou et de sa tête. « Ils me démangent vraiment aujourd’hui, Doc. »

Dr. Pastern fit pivoter la boîte rouge clair, de manière à ce que la poignée lui fasse face « Eh bien viens Beth ! Tu peux être ma première ponification aujourd’hui ! Les Equestrians n’attrapent jamais de tumeurs. Ils ne tombent jamais malades, à ce que je sache. Échange cette vieille chair usée pour un jeu de sabots tout neufs ! Qu’est-ce que t’en dis ? » Pastern se pencha et lorgna la réceptionniste. Elle savait très bien que dès que Beth parlait de la Conversion, elle adorait se plaindre encore plus.

« Peut-être qu’un jour je me lèverai et je le ferai… » Beth commença à pianoter sur son « holotouch », effectuant des mises à jour d’applications. « … mais peut-être que je vais garder ces doigts un peu plus longtemps. »

Roselyn Pastern tira la lourde boîte blindée hors du comptoir et se plia sous son poids. « Tôt ou tard, tu sera mienne ! »

« Bien sur. Quand tu veux. » répondit Bethany.

Le Dr. Pastern poussait des petits gémissements pendant qu’elle descendait le long du couloir menant à la Salle de Conversion. Beth lui retourna un « Humpf ! »

Une fois dans son sanctuaire, la « Salle à Poney » comme elle aimait bien l’appeler, Roselyn posa la lourde boîte rouge sur un plateau en acier inox. Elle entra un code unique sur la partie tactile près de la poignée, et la boîte s’ouvrit poliment d’elle-même.

Roselyn se débattait avec précaution pour enlever les protections à l’intérieur de la boîte, révélant finalement la chose la plus précieuse de tout le bâtiment – y compris sa vie.

Tendrement emballé dans une mousse grise résistante aux chocs, se trouvait un unique Erlenmeyer capuchonné. Le flacon était gradué et étiqueté avec la silhouette d’un Equestrian, et un texte était imprimé directement sur le flacon, décrivant son contenu.

Dans le flacon tournoyait un fluide violet translucide, visqueux et brillant. Il avait l’air presque l’air carbonisé, ce qui n’était pas le cas ; les « bulles » que l’on voyait étaient en fait le reflet de particules de métal microscopiques et de petits éclats de lumière. C’était un nanofluide, bien sûr, composé de milliers de milliards de minuscules machines moléculaires qui pouvaient rompre et joindre la matière.

Mais le liquide violet était bien plus ; il était imprégné complètement de ce qui faisait la ‘Magie’, une étrange énergie extraterrestre venant d’un cosmos entièrement étranger, l’univers émergeant qu’était Equestria. A l’intérieur de cette sphère de mille cinq cents kilomètres enchâssée dans le Pacifique, un ensemble de lois physiques différentes opérait. D’une manière ou d’une autre, ces lois avaient été fusionnées à la technologie terrestre, créant un hybride des deux univers, un plasme nanotechnologique, un lien de sang entre Equestria, et la Terre.

Certains l’appelaient le Sérum Transmogrifique de Ponification ou plus simplement « Potion ». Car en effet, c’était une potion magique, une notion qui donnait encore quelques vertiges au Dr. Pastern. Mais finalement, il y avait tant de choses mystiques et légendaires qui avaient été rendues possibles grâce à la technologie, d’une manière ou d’une autre, alors pourquoi n’existerait-il pas de substance qui fut presque un véritable élixir ?

Le pouvoir du sérum était formidable. Appliqué même à l’humain le plus gravement blessé, le résultat serait une régénération complète et totale de touts des membres. Les yeux crevés se reformeraient, les membres perdus repousseraient, les organes internes détruits seraient remplacés. Même si la tête entière manquait, tant que les cellules du corps ne souffraient pas d’apoptose, le sujet vivrait – bien que dans ce cas, le patient serait vidé de toute mémoire, de la même façon qu’un bébé naîtrait.

Ou plus précisément, un poulain. Pour toutes les vertus curatrices que le sérum pouvait offrir, le résultat final était toujours le même ; un sujet humain devenait un Equestrian pur-sang. Le prix de la vie et de la survie était l’humanité elle-même.

Il fallait trois onces entières pour effectuer une Conversion ; même si il y avait eu des rumeurs de Conversions réussies avec seulement deux onces, Pastern n’y croyait pas. Un Conversion ratée était un évènement affreux ; les deux biologies parfaitement dissimilaires, Equestrianne et Humaine, ne pouvaient pas exister dans le même corps. La mort venait au cours d’une agonie hurlante où le sujet, se contorsionnant, se battait entre ses deux morphologies. Il était plus que conseillé d’utiliser l’once supplémentaire.

Le flacon contenait vingt-sept onces, 798 millilitres (et quelques), ce qui signifiait qu’un Erlenmeyer pouvait transformer neuf êtres humains en Equestrians. Tous les trois jours, le Bureau de San Francisco envoyait une boîte rouge par clinique, et neuf autres êtres humains cesseraient alors d’être humains. Mille neuf cents quatre-vingt quinze humains par an, trois par jour, sans jour de repos. Il y avait au total 100 cliniques dans le gigantesque bâtiment du Bureau de Conversion de San Francisco, éparpillés sur tout le campus d’AppleSoft, chacune de ces cliniques de fortune servant le même but que celle ou travaillait le Dr. Pastern.

La course était lancée. La course pour sauver ce qui pouvait être sauvé de la race humaine.

Roselyn remua doucement le flacon. Il étincela à la lumière. Puis elle le reposa prudemment dans son étui. Ce n’était pas sûr de tenir cet Erlenmeyer pendant trop longtemps ; il générait des quantités considérables de radiations thaumatiques, la distance entre elle et le flacon était un souci. Cela dit, Roselyn savait qu’elle se faisait contaminer jour après jour juste en restant à proximité de cette matière, et que si son exposition durait assez longtemps, la « Pestemage » finirait par la tuer. La ‘Magie’, telle qu’elle apparaissait, était hostile à la vie humaine. Il y avait un seul traitement disponible ; la Conversion. Les Equestrians étaient plus qu’immunisés aux radiations thaumatiques – leur vie reposait sur celles-ci.

Dr. Pastern mit en place sa routine matinale. Elle remplit les formulaires hypernet requis, sortit les ampoules d’anesthésiant, chacune groupée en fonction de son sous-type d’allergène, et mit sa blouse de laboratoire propre. La blouse n’était pas vraiment nécessaire, mais Roselyn pensait qu’elle ajoutait ainsi du professionnalisme à ses procédures. Aussi, elle n’avait franchement pas envie de mettre quoi que ce soit sur son nouveau pantalon. Les pantalons étaient chers.

Il était huit heures. A partir de maintenant le personnel de sa clinique – numéro quarante-deux sur cent- était occupé à faire le petit déjeuner pour les candidats. Les candidats à la Conversion restaient à la clinique pour environ deux semaines, dormant sur place dans des simples dortoirs. Ceci était fait de telle sorte qu’on puisse leur donner une orientation complète et adaptée. On passait divers médias et lectures aux postulants, et ils participaient à divers exercices physiques spécialisés, ainsi qu’un entraînement pour les préparer à leur nouvelle vie.

Chaque jour, trois candidats ayant effectué leur orientation, seraient appelés dans la Salle de Conversion, et transformés. Une fois éveillés dans leur nouveau corps, ils retournaient à leurs dortoirs pour une dernière orientation, avant de choisir soit de sortir de la clinique en trottant, soit d’opter pour le transfert vers Equestria. La plupart choisissaient simplement de sortir par la porte. Pratiquement la moitié de la population de San Francisco était composée de poneys. Bientôt, ce serait la population entière.

Et c’était le plan. Les radiations thaumatiques tuaient les humains, et la grande bulle brillante et grandissante qu’était Equestria les diffusait de partout sur la planète. Elles s’accumulaient n’importe où, créant des pièges mortels. Elles circulaient le long de canaux invisibles, créant des couloirs dont l’exposition était létale. Et par-dessus tout, il y en avait de plus en plus, s’étendant tout comme Equestria elle-même s’entendait, et rien ne pouvait les arrêter, rien ne pouvait les bloquer, et il n’y avait même pas un seul moyen de les détecter, mis à part l’effet qu’elles avaient sur la chair humaine.

Cela commençait par des distorsions de la perception. Le sujet voyait les couleurs comme si elles étaient plus claires, et les odeurs plus intenses. Le mental se retrouvait affecté petit à petit, certains reportaient des visions ou des hallucinations. Puis des bouts de peau commençaient à mourir, laissant des cicatrices dues à la nécrose. Finalement, les organes du corps commençaient à lâcher, pendant qu’encore plus de tissus substantiels périssaient. La mort s’en suivait, à moins que l’on mette fin à l’exposition, ou que l’on offre la Conversion.

Rien ne pouvait arrêter l’émergence d’Equestria. Pas même tout l’armement de la ‘World Corporation’ ; ils avaient remué le Pacifique pendant trois jours entiers, qui bouillonna encore des semaines durant, sans aucun effet.

A la fin, il n’y avait simplement pas d’autre choix. La Terre était déjà en train de mourir, Equestria offrait au moins une forme de survie, pour ceux qui le désiraient. Et une fois que l’éclatante Princesse Celestia offrit un refuge à tous ceux qui souhaitaient être Convertis, virtuellement chaque humain lui devait son salut.

Là où la Terre était une ruine noircie et brûlée de forêts éteintes, d’océans radioactifs, un ciel universel de fumée noire, où dix-neuf milliards de personnes erraient dans des bidonvilles sans fin qui recouvraient les étendues terrestres, Equestria rayonnait comme un paradis verdoyant de ciels bleus et de champs fleuris à perte de vue. Au-delà de l’impénétrable et brillante Barrière se trouvait un pays parfait débordant de vie et d’opportunités, mais le seul moyen de traverser cette barrière était à quatre pattes.

Une courte et brutale vie faite de désespoir, de pauvreté et de crasse en tant qu’humain, ou une vie saine d’abondance, que l’on passe à courir a travers les champs en tant qu’équinoïde coloré ? La décision prise par la plupart des êtres humains n’en était pas une. Même si, il y avait quelques hommes de pouvoir qui trouvaient que l’option Equestrianne était un blasphème contre l’Humanité, et pour eux, tous les moyens étaient bons. Des cliniques avaient été bombardées, des Bureaux entiers vaporisés. C’était un risque que chaque Bureau prenait.

Le Dr. Pastern sortit trois simples gobelets blancs en plastique. Elle vérifia la liste des postulants d’aujourd’hui. Le premier était listé pour la ponification à dix heures pile. La transformation du matin était un évènement que tout le monde appréciait, dans presque tous les Bureaux. Les candidats adoraient acclamer la première Conversion de la journée, et le rituel Premier Repas En Tant Que Poney ressemblait à un spectacle universel. Personne ne semblait se lasser de demander au premier Converti le goût du foin et de la luzerne, maintenant qu’il est un Equestrian. Le goût de l’étrange, supposa Pastern.

Dr. Pastern expédia un message, et bientôt sortirait des haut-parleurs de la clinique le nom de celui qui serait Converti ce matin.

Roselyn souhaita avoir assez de temps pour un deuxième café.

CHAPITRE 2 : Une coupe de contrition

Ceci est une histoire tirée de l’univers de The Conversion Bureau, univers alternatif de MLP :FiM crée par Blaze. (http://www.ponychan.net/chan/fic/res/42999.html pour plus de détails, historiques et ressources). L’univers part du principe qu’Equestria est une poche émergeante du sub-cosmos localisée au-delà de la côte Ouest des Amériques, son énergie magique étant fatale aux humains, la nature humaine étant fatale à Equestria et à la Terre toute entière, la seule solution étant la ponification totale, par tous les moyens, de l’espèce humaine entière.

Quand Carmine Rosalita Guadalupe Vasquez entra pour la première fois dans la clinique 042 du Bureau, Bethany la réceptionniste n’a pu s’empêcher de se prendre d’affection pour elle. Elle était timide, presque douloureusement. Elle avait la voix douce d’une petite fille même si elle avait clairement la vingtaine, et elle était aisément la postulante la plus polie que Beth n’ait jamais vu.

Carmine eut besoin d’aide pour remplir son inscription, mais Beth se trouva heureuse de l’aider – comme quasiment tout le monde dans la zone Nord Américaine, elle était suffisamment familière avec l’espagnol pour la comprendre. On attribua à Carmine une chambre qu’elle partageait avec un autre candidat, on lui montra son lit, on lui fournit des draps et un coussin, puis on lui fit faire le tour de l’établissement. Elle montra de grandes hésitations lorsque le Dr. Pastern lui fit faire un scan allergénique et un examen physique – mais mis à part quelques tatouages anormaux qui contrastaient avec sa nature retenue, elle était remarquablement intacte.

Pastern avait remarqué quelques cicatrices, une qui devait provenir d’une incision latérale au sternum avec probablement un pneumothorax. La blessure n’avait pas été recousue par un professionnel, mais elle était guérie complètement, malgré quelques développements kéloïdiques. Roselyn se sentit triste pour cette fille timide qui avait été balafrée au couteau dans sa jeunesse, mais encore une fois, de telles blessures n’étaient pas rares dans la favela planétaire.

«On dirait que tu as eu pas mal de moments difficiles avant de venir nous voir, Mme Vasquez » Le Dr. Pastern palpita le sombre kéloïde qui s’était formé à partir de la cicatrice.

Carmine gardait ses yeux fermés et ne cessait de baisser la tête, comme si elle devait avoir honte. « La vie est difficile de partout, Dr. Pastern » La voix de Carmine était douce et presque glapissante.

« Bien, toutes ces cicatrices disparaitront après la Conversion. Vous aurez nouveau corps, tout frais, sans blessures, sans maladie, sans cicatrices, juste sain et parfait. J’ai vu des candidats venir ici avec mes membres en moins, et ils ont simplement repoussé. » Le Dr. Pastern se retourna et retira ses gants avec précaution. « Okay, c’est fini. Vous pouvez remettre vos vêtements. »

« Docteur .. ? » Si la salle n’est pas si silencieuse, il aurait été difficile d’entendre ses questions.

« Oui, Mme Vasquez ? » Le Dr.Pastern avait fini d’enlever ses gants d’examination

« Pourquoi… si tout est réparé par la Conversion… pourquoi vous fatiguez vous à nous examiner ? » La fille leva discrètement son regard vers Roselyn, à travers ses longs cheveux foncés.

« Je suis censée chercher aussi les implants et les améliorations. La ponification rejette aussi les appareils technologiques, et il peut y avoir des complications si un des candidats possède un organe ou une valve de remplacement. De plus, le FLH est de sortie, et il y a eu quelques cas de Bureaux détruits par des pseudo-postulants qui avaient des explosifs installés dans leur corps. »

« F – L – H ? » Carmine n’en avait apparemment jamais entendu parler.

« Front de Libération Humaine. Ils croient que la Conversion est un mal, et ils feront tout pour l’arrêter. Ils pensent qu’il vaut mieux mourir humain, plutôt que de vivre en tant qu’Equestrian. Je suppose qu’ils s’imaginent aussi qu’ils vont trouver un moyen d’arrêter l’expansion d’Equestria, alors que même l’organisation mondiale n’a pas pu le faire. Mais essayez de ne pas trop vous faire de souci – nous avons une plutôt bonne sécurité ici, même si les choses ont pas l’air très élaborées. »

« Je ne suis pas un FLH ! » Carmine avait l’air d’une petite fille ayant peur d’être mal comprise.

« Je n’ai jamais pensé le contraire ! » Dr. Pastern donna à Carmine un sourire rassurant. « Je fais juste mon boulot. Tout cela fait partie de la procédure. Tout va bien, et je n’ai pas trouvé aucun implant, donc il n’y a pas de problème là non plus. »

« Que faites vous si vous trouvez des implants ? » Carmine remettait son blouson.

« Si ils sont petits, on les laisse. Ils sortent tout seuls pendant la Conversion. Mais avec les gros implants, parfois il est recommandé de les enlever, juste pour être sûr. Personnellement, je n’ai jamais vu de problème même si on les laissait, mais c’est dans les directives du Bureau. La Conversion s’occupe d’à peu près tout d’elle-même. Les implants se décomposent tout simplement, s’ils ne sont pas rejetés pendant la ponification. Mais... nous faisons de notre mieux pour suivre les directives. »

« Merci, Dr. Pastern. »

Roselyn donna un autre sourire bref à la fille. « De rien, Carmine. Je suis sûre que tu feras un joli poney. »

Carmine Vasquez s’intégra rapidement dans la Clinique 42. Elle avait toujours un sourire ou un mot joyeux à offrir, et tout le monde, à la fois le personnel et les candidats, l’appréciait. Un évènement, bien assez tôt, démontra sa nature aimable. Cela se passa durant l’unique rituel du Bureau qu’était le Premier Repas En Tant Que Poney.

Il avait choisi son nom de poney avant même de rentrer au Bureau. Son nom humain était connu seulement par Bethany et le Dr. Pastern, il leur avait demandé cette courtoisie. C’était ainsi que le jeune homme noir de 19 ans, grand et musclé, scarifié par d’innombrables combats dans les rues, à qui il manquait un œil, trois doigts et la moitié de ses dents, était connu depuis son arrivé sous le simple de nom de ‘SilverBell’.

Silverbell ne voulait pas dire pourquoi il avait choisi ce nom, mis à part que cela signifiait quelque chose pour lui. En dépit de son apparence quelque peu effrayante, Silverbell était doux, et étonnamment cultivé. Il avait énormément de bonnes manières, et fut bien aimé à partir du moment où il rejoignit les postulants. Il était peu courant pour la plupart des gens de savoir plus que ce qu’on pouvait grappiller des holokiosques de l’organisation ; dans un monde horriblement surpeuplé, sans opportunités, sans travail, l’éducation était strictement vue comme un luxe réservé à l’élite. Mais Silverbell était différent.

Le jeune homme citait souvent Shakespeare, il avait mémorisé plusieurs pièces. Il s’imaginait comme un acteur de rue, et la nuit avant sa Conversion, il avait amené presque toute la clinique dans sa chambre. Excité par sa transformation qui aurait lieu le lendemain matin, il avait commencé à réciter des poèmes d’un air dramatique pour divertir son compagnon de chambre à peine adolescent, Joshua. La performance était grandiose, et bientôt un bon nombre de postulants se tenaient derrière la porte pour écouter, suivis par le personnel de la clinique. Tous étaient fascinés par la version largement modifiée à la volée par Silverbell de « A Fairy Song ».

« Over hill, over dale, Thourough bush, thorough brier, Over park, over pale, Thorough flood, thorough fire ! I do wander everywhere, Swifter than good Luna’s sphere ; And I serve the Fairy Queen, Whose name, Celestia, doth warm my heart ! » Silverbell se tenait au centre de la petite pièce, entre les deux lits, et le petit Josh de 15 ans, le regard fixé vers lui, était assis sur la couchette la plus à gauche. Derrière la porte, le personnel et les postulants s’étaient tassés autour, fascinés par la puissance de la récitation inattendue.

SilverBell était en pleine forme, ses longs bras faisaient de grands gestes, la lumière était rejetée par son cache-oeil fait-main, et sa voix était profonde et mélodieuse. « To dew her orbs upon the green ; four cowslips tall her ponified be ; In their cutie mark you see ; Those be rubies, fairy favours ; In those symbols live their favours ; I must go seek some dewdrops here, And hang a pearl in every pony's ear. » Silverbell fit un grand salut, et reçut un tonnerre d'applaudissements.

« Hey, tout le monde ! C'est la nuit de la poésie de poney pirate gay ! » Josh rit bruyamment à sa propre blague.

Le mouvement fut à la fois vif et instantané. Le cou de Joshua était immobilisé contre le mur, bien au dessus du lit, par une main incroyablement forte. Sa trachée gargouillait pendant qu'il tentait de respirer. Du sang jaillissait à chacun de ses halètements, venant de ce qui restait de ses dents de devant. Chutant comme des grains de blé, plusieurs incisives et au moins une canine étaient tombées sur le sweat de Joshua, sur ses genoux ou dans les pliures de ses couvertures. En face du visage de Joshua, se tenait en l'air un sombre poing luisant aux phalanges traumatisées.

Pendant plusieurs secondes il n'y eut plus aucun bruit, la clinique était figée dans le temps.

Silverbell lâcha Josh. Le garçon s'effondra sur le lit, toujours incertain de ce qui venait de se passer. Il cracha inconsciemment une dent pendante, comme il aurait craché un moucheron.

« Pardonnez-moi. » dit Silverbell dans une voix calmé et complètement dénuée d'émotions. Il s'assit sur son propre lit, le corps raide et la tête baissée. Ses mains allongés sur ses côtés, ouvertes, paumes vers le bas.

Josh fut précipité vers l'infirmerie, en bas du même couloir que celui de la Salle de Conversion, mais une porte avant sur la gauche. Le Dr. Pastern appliqua ses techniques de médecine plus conventionnelles à la situation. Elle pensa pendant un court instant à récupérer les dents manquantes pour les réimplanter, mais elle mit de côté cette idée. C'était sans interêt. La Conversion de Joshua était programmée pour se dérouler dans seulement deux jours ; il aurait une bouche totalement neuve et pleine de dents saines et fortes immédiatement après.

Une fois que Josh fut traité, il aurait besoin qu'on lui assigne un nouvel endroit pour dormir. Bethany s'occupait de ce souci pendant que le Dr.Pastern partit pour avoir une conversation avec Silverbell.

L'homme n'avait pas bougé depuis l'incident, assis sur son lit, sa tête toujours baissée. Roselyn chassa de la chambre la foule de candidats choqués et effrayés, entra et s'assit sur l'autre lit, faisant face à Silverbell.

« On raconte que la Conversion soigne toutes les maladies terrestres. Est-ce vrai, sage physicienne ? » Silverbell parla sans lever la tête.

« Dans la mesure de ce que les recherches actuelles ont pu démontrer. » Pastern n'était pas sûre de ce qu'elle pouvait dire d'autre.

« Elle soigne l'esprit et soulage le cœur, c'est aussi ce qu'on dit. »

Le Dr. Pastern comprit. « La magnificence de la Conversion réside dans le fait qu'elle peut calmer deux rois ennemis. »

Silverbell releva la tête à ce moment. « Pas mal docteur, pas mal du tout. »
(ndt : Pastern utilise une expression alambiquée dans sa dernière réplique, je n'ai pas pu restituer un tel effet. Suggestions bienvenues)

« Je n'ai jamais vu un nouveau-poulain afficher le moindre comportement violent, Silverbell . La Conversion à l'air d'emporter toute l’agressivité humaine, pour toujours. A sa place réside une paix intérieure et une joie que... j'envie énormément. » Roselyn ne pouvait pas se détendre, mais elle sentait que la situation était stable.

« Eh bien, comment se fait-il que le bon docteur n'a pas rejoint la noble race chevaline, alors ? » un vague sourire se formait sur les lèvres de Silverbell .

« Pour le moment, du moins, c'est mon boulot de conduire les autres à travers le Styx. Mais un jour, chacun de nous le devra. Il y a des jours où je ne pense qu'à en finir avec, et j'envisage alors sérieusement de préparer la prochaine dose pour moi. Je suis trop responsable, je suppoe. »

« Me ferez-vous tout de même traverser, dans la matinée, Dr. Charon ? » Le visage de Silverbell était devenu un masque dans lequel il était impossible de lire.

« Si tu le souhaites, nous pourrions le faire tout de suite. » Une Conversion immédiate mettrait à l'aise les nerfs de tout le monde.

« Ça ira pour demain matin, si vous le voulez bien. » Silverbell la fixa avec son unique œil, son visage toujours masqué. Pastern sentit un frisson parcourant sa colonne vertébrale. Derrière cet œil elle ne ressentit aucune ni pitié humaine ni compassion, et elle réalisa à l'instant à quel point Silverbell était véritablement un bon acteur.

La lendemain matin, Silverbell fut converti comme prévu, et dans l'espace de la cafétéria du midi, trébucha un poney terrestre bleu ciel. Mais la célébration et les cris de joie habituels n'étaient pas présents, car tout le monde était toujours traumatisé par la nuit dernière. Le poney Silverbell était considéré avec crainte et suspicion ; les postulants n'étaient pas sûrs si tout les maux étaient vraiment soignés par la Conversion.

Silverbell baissait la tête tristement, et retournait d'un pas tranquille vers sa chambre. Carmine Vasquez l'avait remarqué et quitta la cafétéria. Finalement, elle et Silverbell retournèrent dans la cafétéria. La salle fit le silence, tout les candidats et le personnel fixaient la paire.

« Allez, Silverbell ! » La voix de Carmine était douce mais posée.  « Tout va bien se passer. Tout va bien. »

Le nouveau-poulain trotta jusqu'à son ancien compagnon de chambre, Joshua, qui laissa tomber ses mâchoires édentées, grandes ouvertes, ne sachant pas comment réagir.

« Joshua, l'homme qui t'a fait du mal la nuit dernière est mort. Il est mort comme si il n'avait jamais vécu. Il n'aurait jamais du vivre du tout. Cet humain était un homme tout cassé. Il était incapable de faire preuve d'amour, de compassion, ou de vrais sentiment pour qui que ce soit. » Le nouveau-poulain se mit à pleurer, ses larmes se déversant le long de ses énormes nouveaux yeux. « Je te prie d'accepter mes excuses à la place des siennes, et pardonne-moi de ne pas avoir cessé cette horrible vie plus tôt. » En entendant ces paroles, le poney bleu s'effondra sur le sol ,aux pieds de Joshua, pleurant comme une poulain, incapable de s'arrêter.

Carmine se tenait maintenant à côté de Silverbell maintenant. « Joshua, je sais que la nuit dernière fut difficile. Je sais que tu as été blessé, gravement. Mais nous sommes tous ici pour la même chose : une vie meilleure. Tu comprends ce que j'essaie de dire ? »

Joshua regarda l'Equestrian pluernichant. La version poney de Silverbell leva son regard avec des yeux innocents remplis de tristesse et de regret.

« Ch'est pas graffe Chilverbell. Ch3'aurai des noufelles dents après demain de toute fachon. » Silverbell serra fortement la jambe de Joshua entre la sienne et vint mettre son museau contre le genou de Josh, un calin de poney.

Josh se baissa et gratta les oreilles de Silverbell. « Hey, allez fiens, allons te chercher de quoi décheuner. Ch'est ton Premier Repas En Tant Que Poney, pas frai ? »