Franchement, vous vous êtes déchaînés. Trixie en prend vraiment plein la face (au propre comme au figuré, hurr durr ). Vous avez même du censurer la scène où elle se fait violer par deux gardes, tellement c'était horrible. Avec un oeil crevé en prime. Si vous, vous en venez à zapper des scènes, c'est que ça doit dépasser l'entendement. Ou que vous avez eu la flemme d'écrire un truc encore plus cru et plus ignoble.

Platine et RD ré-accouplent de force l'arrière du train à la partie avant en faisant exploser les chaudières?

ils avaient prévu d'abandonner le train à distance respectable de poulichedelphie et de se barrer en douce. A cause d'un défaut de conception du train (qui est blindé de défauts de conception, au fond ), cette solution-là n'est pas envisageable, mais Platine peut encore voler, alors ils sautent du train et disparaissent dans la nature. L'histoire s'achève là.

ben, le train était vide, à la fin. ils se sont simplement volatilisés. cette histoire-ci a probablement été vue, justement, comme une introduction, une description froide et précise, en temps réel, d'événements très graves, à même de perturber le fonctionnement d'un système tout entier. pour ce qui est des conclusions, justement, Soleil Couchant peut être vue comme le petit bout de l'histoire qui te manque.

Assise devant sa table, Etincelle du Crepuscule regardait le vide. En d'autres circonstances, Pointe, qui attendait la plume à la main, aurait fini par s'impatienter, mais au fur et à mesure qu'ils digéraient lentement l'histoire que Luna venait de leur raconter, ils avaient de moins en moins envie de briser le silence. Luna avait été battue par sa grande soeur Celestia, battue sans retenue. La bête a demi vivante qui traînait devant leur porte deux jours auparavant et qu'ils avaient eu toute les peines du monde à charger dans le lit de la pouliche rose n'etait plus l'alicorne qu'ils avaient connu. Etincelle du crepuscule ne lui avait jamais vraiment pardonné le piège qu'elle lui avait tendue, même si elles avaient finit par se réconcilier, mais à présent ce n'etait plus qu'une anecdote. Luna avait été purement et simplement massacrée.

-Je ne sais pas quoi écrire, Pointe, bredouilla la pouliche. Je ne sais pas quoi écrire.

Pointe regarda ses pieds. Après une vie passé à rédiger les lettres pour sa maîtresse, il ne faisait même plus attention à mettre l'en-tête, cela se faisait par automatisme. En haut du parchemin se trouvaient les mots "Chère princesse Celestia,", mais cette fois ci, cela sonnait terriblement faux.

-Comment a t'elle pu faire une chose pareille? poursuivit la licorne d'un ton lanconique. Elle est sévère, mais elle est aussi juste, avec tout le monde. Ce qu'elle fait, elle le fait pour le bien de tous. Elle est notre déesse et notre reine..

La certaine vénération qu'entretenaient les poneys envers leur souveraine échappait quelque peu au dragon qu'etait Pointe, mais il avait cessé de se poser des questions à ce sujet. Il compris qu'il n'y aurait aucun espoir d'arracher la dictée de la lettre à Etincelle du Crepuscule, abandonna et reposa la plume et la feuille. Ils restèrent silencieux pendant quelque seconde, et le claquement maladroit de fins sabots sur le plancher leur apprirent que Luna venait de sortir de son lit. Elle arpenta maladroitement les lieux, observant son environnement, s'arretant vers un objet, regardant dans des récipients, et les deux autre occupants de la maison entendirent la fenêtre couiner lentement sur ses gonds. Brutalement, Etincelle du crepuscule sursauta, comprenant ce qu'il allait se passer, se redressa en piétinant Pointe et se rua dans l'escalier.

-Princesse, non! hurla t'elle à l'alicorne perchée sur le rebord de la fenêtre, croupe tournée vers l'exterieur, qui la regarda avec etonnement. Avec toute la douceur possible dans la précipitation, Etincelle du crepuscule fit descendre Luna, qui manqua de perdre l'équilibre et raya le bois ciré.
-Etincelle du crepuscule! Que se passe t'il? demanda Luna, affolée.
Pantelante, la licorne violette constatait que les rumeurs étaient vraies.
-Les choses.. Ne se passent plus comme ça, Princesse, grommela t-elle.
Luna regarda ailleurs. Les choses ne se passent plus comme ça. Plus rien ne se passe comme ça.
-Venez avec moi, lui intima doucement la licorne en lui tirant la patte.


-Nous savions qu'un jour, ils viendraient, dit le sergent Menthe en caressant sa tasse à thé. Il se trouvait dans un poste de garde, en compagnie d'autre poneys en armure brillante, ou habillés des frusques du dortoir. Tous regardaient quelque part dans la pièce, de préférence des objets inintéressants, voire rien du tout. Mais surtout pas la tasse à thé reglementaire du sergent Menthe, vétéran du corps de garde, aimé, respecté, et alcoolique, qui avait depuis bien longtemps appris à accomplir le miracle du thé transformé en rhum sans que personne ne sache comment il y parvenait. Nul ne regardait cette tasse car ç'aurait pu etre perçu comme une accusation ou une remarque déplacée. Le rebelle en habit noir attrapé la veille croupissait dans une profonde geole du donjon, en attendant l'interrogatoire. Ses hurlements mettaient les nerfs de tout le monde en pelote, mais il n'etait soumis qu'a la seule torture de son coeur brisé, en attendant pire. Son comparse avait explosé avec la bombe qu'ils avaient posé au pied de la grande statue de la Souveraine, et il avait fallut ramasser les morceaux.

-Nous savions qu'un jour, ils viendraient, et lorsque ce jour est venu, nous n'avons pas pu les arrêter.

-Tout le monde est nerveux, osa une voix dans l'assistance, celle d'un garde a la robe tachetée de gris et de blanc qui regardait ses sabots.

Le sergent Menthe le considera de ses yeux las, considera sa tasse vide, et se laissa retomber sur sa chaise. Et Celestia qui etait "occupée". Comme si on pouvait etre "occupée" après qu'une bombe ait failli envoyer le chateau en orbite et ait repeint un pan de mur avec les entrailles d'une pouliche un peu trop conne.

-Vous savez, dit-il, j'ai longtemps vécu dans ce monde. A une époque, que vous n'avez pas forcément connu, et que j'ai bientôt oublié, j'etais jeune, et le corps de garde etait.. différent. Nous étions bons camarades. Nous nous livrions à des joutes pendant les permissions, nous les passions parfois entièrement dans les baraquement, entre camarades, nous jouions aux cartes. Nous lustrions nos armures pour qu'elles luisent, et la nuit venue, nous étions des étoiles au sommet du rempart. Nous étions la fierté de Celestia. Qui, ici, lustre son armure jusqu'a ce qu'on puisse se voir dedans? Qui, ici, a déja passé une après-midi entière a s'intoxiquer au polish pour devenir le nouveau miroir de Celestia, et lui arracher un sourire, attirer son regard?

Personne ne répondit.

-Nous.. n'avons pas le temps, se défendit mollement quelqu'un.

Menthe pris une inspiration qui dura une éternité.

-Aujourd'hui, plus personne n'a le temps pour rien. Les gens attendent. Les gens attendent quelque chose, qui n'arrivera peut-être jamais, mais si ça arrive, alors j'espère être mort avant. Aujourd'hui, nous attendons les révolutionnaires, continua Menthe en se tournant lentement vers la theière qui attendait sur un fourneau éteint. L'ustencile cabossé se vida d'une partie de son contenu dans la tasse, et fut un peu agité, comme pour dire "Quelqu'un en veut?". Personne n'en voulut.

-Le probleme de ce monde, c'est le pessimisme, termina Menthe. Que quelqu'un aille regarder par le trou de serrure de la salle du trone pour savoir si Madame est de retour.

Si ce n'est pas le cas, c'est pas la peine de revenir m'ennuyer pour me le dire. Rompez.

Le groupe se débanda petit à petit. Vieux con, disaient chacun des geste des soldats tandis qu'ils remettaient mutuellement leurs casques, bouclaient leurs sangles et sortaient de la pièce. Le sergent Menthe sortit une flasque. D'autres viendront. Il y en aura de plus en plus. Le pessimisme, et la peur, n'engendraient que plus de pessimisme et de peur. La boucle commençait lentement à être bouclée.

-Vous êtes sûr que vous ne voulez pas rester encore un peu? demanda Etincelle du Crepuscule à Luna après le repas. Luna termina son assiette de luzerne et avala la dernière bouchée comme s'il s'agissait de clous. Elle haïssait la luzerne, mais n'avait pas jugé bon d'en avertir Etincelle du Crepuscule pour qu'elle lui fasse autre chose. Luna n'en etait pas sûr, mais la licorne aurait peut-être été blessée.
-Il faut que je retourne la voir. Peut-être qu'elle m'a pardonnée. Peut-être..
Etincelle du crepuscule recracha sans le vouloir ce qu'elle terminait de mâcher.
-Mais.. Elle a failli vous tuer! toussa t'elle. C'est à elle de se faire pardonner!
-Tu crois? demanda l'alicorne, qui paraissait désorientée.
Pointe jeta un regard discret qui disait "Elle est folle" à sa maitresse. Il n'echappa pas à Luna.
-Elle est ma seule famille, dit-elle. Bien sûr, j'ai été méchante, et j'ai été envoyée en punition sur la Lune pendant quelque temps, mais quand je suis revenue, elle m'a donné une grande chambre dans le château, avec un tas de peluches. J'avais oublié que ça existait, alors j'ai été contente, et puis, elle est patiente quand je commet quelque impairs, parce que les choses ont changées, me répête t'elle.
Celestia n'est pas méchante. Même si parfois, j'ai la sensation d'etre un poids pour elle, et puis, c'est elle qui fait se lever la Lune, et..
-Ce n'est pas vous? Demanda Etincelle du Crepuscule, interdite.
Luna la foudroya du regard.
-D'accord, je suis juste un poids pour elle. Satisfaite? aboya t'elle. Et je n'arrive même pas a vivre dans cette société complêtement chamboulée! j'ai passé une éternité à jouer avec des cailloux! Tu as déja tenté de dormir en câlinant des cailloux, Etincelle du Crepuscule?
-Princesse Luna, je vous en prie, calmez vous!
L'alicorne, qui s'etait mise debout, se rassit lentement devant la table, étreinte par les regrets
-Il n'y a plus que deux alicornes sur ce monde. Elle, et moi. Si elle n'est pas ma famille, alors, qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que je suis? Il faut que j'y retourne, tu comprends, Etincelle du Crepuscule.
La licorne ne répondit pas. Affalée sur son lit, se trouvait la peluche que ses parents à elle, qui vivaient loin mais venaient parfois la voir, lui avait offert il y a de nombreuses années. Après que Luna ait quitté le lit, elle etait enfouie sous les draps, comme si la jument bleue avait voulu la dissimuler, et lorsque Etincelle du Crepuscule l'avait retrouvée, elle etait encore humide. Connaissant la princesse et ses sales manies, la licorne avait été écoeurée, comprenant ce que ça pouvait être et ça s'etait ajouté a la longue liste des reproches qu'elle faisait à Luna. Mais elle avait tort. C'etait des larmes, les larmes de quelqu'un qui n'avait au fond jamais quitté l'enfance, ou qui n'en avait jamais eu. La croissance d'une alicorne était extrêmement lente, comme il était écrit dans les livres sur le sujet, mais qu'en était-il du psychisme?
Et surtout, que pouvait penser Celestia? Parfois, les actes dépassent les mots. Personne n'était parfait, et encore moins ceux qui réclamaient aux autres de l'être. Les yeux emplis de bonté de la souveraine du soleil ne dévoilaient jamais leur envers.
-Nous devons y aller, Etincelle du Crepuscule.


La route vers le chateau fut longue, et silencieuse. La tête de Luna raisonnait à chaque pas, ses ailes qui ne parvenaient plus à se ranger à ses cotés trainaient pitoyablement de chaque coté de son corps encore marqué par les traces, et elle n'avait pas envie de parler. Etincelle du Crepuscule avait la gorge serrée devant ce spectable. Elle aussi, elle devrait un jour apprendre à grandir. La méchanceté pouvait aussi faire parfois partie de ce monde, et il fallait l'accepter. Même si c'etait difficilement concevable, elle pouvait faire partie de Princesse Celestia.

La garde etait renforcée aux abords du chateau, et les portes d'ordinaire grande ouvertes étaient à peine entrebaillées. Lorsqu'ils reconnurent Luna, les soldats ouvrirent précipitement les gonds et la saluèrent sans obtenir de réponse autre qu'un marmonnement, en considerant ses blessures et son état peu glorieux avec un regard teinté d'appréhension. Elles allèrent jusqu'a la salle du trône, la trouvant vide, et après renseignement, montèrent lentement les escaliers des appartement royaux.
-Je.. Je ne peut pas aller plus loin.. dit Luna, s'arrêtant sur les dernières marches. Je veut dire, je n'ai pas peur, mais..
Etincelle du Crepuscule regardait au sol. Elle aussi avait de plus en plus de mal à monter mais si Luna s'arrêtait, c'en etait trop.
-Que fait-on, alors?
-Peut-être ne veut-elle voir personne, et nous pourrions aller en cuisine, où il y a quelque fruits, bredouilla Luna en faisant des ronds de la pointe de son sabot.
-C'est lâche, gémit Etincelle du Crepuscule.
-Nous sommes venus jusqu'ici pour la voir, se rengorgea Luna. Nous devons aller à sa ren..
Sa phrase mourut dans sa gorge. La porte de la chambre s'etait ouverte en grand, sans que nul ne s'en aperçoive, et au bout de la piece, allongée sur le lit, se tenait Celestia, et Celestia les regardait.
-Grande soeur.. Croassa Luna, la tête baissée.
Les yeux de Celestia allaient de Lune à Etincelle du Crepuscule, qui détourna le regard, et revinrent sur Luna. L'alicorne bleue ne vit pas de haine dans ces immenses yeux noirs, mais une fatigue immense, une insupportable fatigue.
-Entrez, et fermez la porte, souffla l'alicorne.

La menace d'un bâton de chaise planait au dessus de cette pièce comme une épée de Damoclès. Luna ne voulait plus parler a Celestia et regretta de ne pas avoir descendu les marches. Célestia essayait d'accrocher son regard, sans y parvenir, quand a Etincelle du Crépuscule, elle se demandait ce qu'elle etait venue faire là. Ce fut la déesse du soleil qui craqua en premier.

-Luna... Sa voix se brisa, et elle poussa un long gémissement en descendant du lit, les yeux inondés de larme. Luna se laissa enlacer par les ailes magnifiques de l'alicorne blanche, pendant que des sanglots secouaient son corps, et se mit à pleurer aussi. Une image lui revint, celle de leurs retrouvailles dans les ruines de cette cathédrale. C'etait une image d'espoir, mais à présent, il n'y avait que tristesse et regret.
-Je suis désolée.. Pardonne moi, Luna. Pardonne moi, je t'en supplie! Je suis désolée, gémit Celestia. Ce n'etait plus une souveraine. Elle avait perdu toute force, toute allure. Pour la première fois depuis des centaines d'années, Celestia ne fut plus Celestia, et nul n'en fut témoin, si ce n'etait Luna et Etincelle du Crépuscule.


-Ce monde se morcelle, dit Celestia, quand ils se furent calmés.
Assis sur l'immense lit de l'alicorne, aux baldaquins décorés de rideaux impalpables et d'une légereté inouie,
-Ce monde se morcelle, et je n'arrive plus a le tenir. Qu'ai-je raté?
-Mais.. La population peut se passer de sucre pendant un moment! dit Etincelle du Crépuscule, qui ne comprenait pas.
Celestia tourna ses yeux rouges et fatigués vers son étudiante.
-Le sucre n'est que la partie émergée de l'iceberg..
Depuis longtemps, il y a cette lassitude qui envahit le monde. Cette appréhension. Le lever du soleil n'a plus la même magie qu'avant, tout le monde s'y est habitué. De nouvelles choses naissent chaque jour, le monde change, et petit à petit, il y a ce pessimisme qui s'installe, et qui détruit l'humeur des habitants. Le futur n'a plus le même attrait. Ils ne se souviennent que des problèmes, et nous avons à les porter. As tu déja porté un monde, Etincelle du Crepuscule?
La licorne ne savait pas quoi répondre.
-C'est ce que je fais depuis des millénaires, dit Celestia. Et c'est lourd, c'est si lourd. Chaque jour, je fais se lever le soleil, et je suis celestia la déesse du soleil. Mais ça n'est devenu qu'une façade. lentement, ce monde se morcèle, et le pessimisme grève le coeur des habitants, et lorsque le soleil se couche, je le ressens plus que tout au monde.
Je ne sais pas ou est-ce que j'ai fait une erreur. Je suis perdue. Et je ne sais pas à qui demander conseil, car je suis princesse Celestia.
-C'est tellement dur.. dit-elle, et sa voix se brisa à nouveau. Ses sabots tremblaient.
-C'est tellement dur de porter ce monde. Il est si lourd! les habitants ont tellement demandé! Tout le monde compte sur leur souveraine, continua l'alicorne aux yeux brillants.
-Je suis désolé, soeurette, répondit Luna, comme si elle voulait l'aider.
-Tu n'as pas a etre désolée. Tu ne sais pas comment on s'occupe d'un royaume, par ma faute. Tu ne sais même pas vivre dans ce royaume.. Par ma faute. Oh, je suis tellement désolée..
Le silence s'abattit, chacun cherchant quoi faire. Au dehors, les nuages continuaient leur route paisible. Le temps passait, la terre tournait, et continuerait de tourner.
-Nous avons hérité de si grand pouvoirs, nous les alicornes, croassa Celestia. Une si grande connaissance. De si grandes responsabilité. Nous sommes condamnées à faire tourner le monde, sans jamais pouvoir y vivre. Te rappelle tu de ton enfance, Luna?
Luna ne répondit pas. Ses yeux ne refletaient qu'une seule chose, et nul n'ignorait ce que c'etait.
-La mienne s'est passée sur le trône. Parfois, tu m'accusais de ne pas pouvoir venir jouer assez souvent avec toi, lorsque tu étais petite. Je n'avais plus le temps de jouer. Tu étais si innocente..
-Je le suis toujours, dit l'alicorne bleue, comme une pique jetée à celle qui l'avait condamnée a regarder le monde avec mille ans de retard.
Le silence revint. Au loin provenaient les bruits de la vie. Des vaches, des chariots, et des chants.
-J'ai commis des erreurs, dit Celestia, et maintenant, je crois que j'ai besoin d'aide.

Au loin, derrière les montagnes, les collines, les forêts, là ou nul ne va jamais, au bout du rêve, se trouve quelque chose dont nul ne doit connaître l'existence, car au bout du rêve se trouve la folie, et la mort. C'est le dernier endroit ou un poney doit aller, et tous y iront. Là bas, se trouveront des réponses.

Celestia qui a besoin d 'aide ? où va le monde ?

Debout sur le quai désert et obscur de la garde de Villeponey, trois licornes attendaient, silencieuses, immobiles; la nuit était tombée et il était plus d'une heure du matin. Peu après leur confrontation, Celestia avait mandé son neveut toutes affaires cessantes, et lui avait confié les clés du royaume, au motifs qu'elle avait un voyage à faire, et qu'ils avaient plus que trop repoussé le moment où Luna y prendrait part. Étincelle du crépuscule n'était pas invitée, mais sa fermeté et celle de la princesse de la nuit avaient fait plier sa grande soeur, malgré ses avertissements; le voyage allait être long et inconfortable, et il y avait certaines choses qu'une pouliche comme elle ne devait pas, ne méritait pas de voir. Mais l'heure n'était plus aux cachotteries; voici comment toutes les trois s'étaient retrouvées sur ce quai, sans bagages ou presque, sans gardes ni suite pour les accompagner et les servir.

"Qu'est-ce qu'on fiche là, Tia? couina Luna qui commençait à s'impatienter. Le vent frais de la nuit la faisait grelotter, et le comportement cachottier de sa grande soeur l'inquiétait. Ce n'est pas comme si les trains circulaient à..."

"Le voici." l'avait déja coupé celle-ci. Comme pour appuyer ses propos, le grondement si particulier ponctué d'un clac-clac régulier d'un transporteur de marchandises se fit entendre, de plus en plus distinct; tout feux éteints, invisible dans l'obscurité de la nuit, le visiteur nocturne entra lentement en gare, presque sans freiner. Silencieux, il ralentit, et s'immobilisa devant les trois voyageuses; Celestia se dirigeait déja vers le wagon de tête d'un pas pressé, suivie de près par sa soeur et son apprentie.

Quelques solides étalons vêtus en cheminots et mal rasés étaient descendus s'en griller une; la déesse du jour s'approcha d'eux, ils la considérèrent d'un oeil rapide, et reportèrent leur attention sur le roulage de leurs cigarettes. Il vous reste de la place, demanda t-elle, et l'un d'entre eux acquiesca d'un signe de tête avant de retourner dans le wagon.

"Montez, ordonna t-elle aux deux pouliches qui l'accompagnaient. On a les deux couchettes du fond."

Celles-ci s'exécutèrent, abandonnant l'idée de poser des questions.

Le wagon était un habitacle compact et éclairé d'une lumière ténue, à l'atmosphère tière et sentant légèrement le tabac et la sueur; il était équipé d'un coin cuisine et d'un évier, vraisemblablement prévu pour être habitable de manière durable. Luna et Étincelle du crépuscule considérèrent les lieux d'un oeil ensommeillé et allèrent s'entasser sur une des deux couchettes libres; derrière elles, Celestia se faufilait entre les deux rangées de matelas superposés, et se replia du mieux possible sur celui qui lui était réservé; ses ailes pendaient, ses sabots gainés dépassaient.

"Il va mettre du temps à partir, murmura Celestia. Dormez, maintenant; notre trajet durera toute la nuit."

Ses interlocutrices approbèrent d'un signe de tête, et ne demandaient en réalité pas mieux; dans la chaleur du petit habitacle, roulées l'une contre l'autre, elles ne tardèrent pas à sombrer dans les ténèbres du repos. Celestia, elle, attendait, l'oreille dressée; loin derrière, des ordres criés avec retenue et des bruits de charges qu'on pose l'informaient que leur convoi était peu à peu chargé d'une bien singulière cargaison. Au bout d'une demi-heure, leurs hôtes regagnèrent le wagon, les lumières s'éteignirent et le convoi nocturne s'ébranla, vers une destination que peu de poneys connaissaient encore, ou que tout le monde avait oublié.

Peu à peu, le train gagnait en vitesse; par la vitre translucide, Celestia regardait le paysage nocturne défiler, et son esprit était ailleurs; elle s'était toujours montrée intéressée par les avancées technologiques de ses ingénieurs, et avait toujours montré un attrait particuliers pour les trains.

Avec mélancolie, la déesse du soleil se remémora un épisode particulier de son existence, assez similaire au contexte actuel. Elle dormait dans un wagon spécialement aménagé pour l'occasion, et bravant ses craintes, un mécanicien du train en question était venu la tirer du sommeil, et lui avait montré le paysage qui défilait par la vitre; au début, l'esprit encore embrumé, elle n'avait pas compris ce qu'il voulait lui faire voir. Puis, une lointaine secousse, puis une deuxième, avaient ébranlé le wagon, et elle avait alors compris; deux énormes débrayeurs venaient de se désolidariser de leurs essieux, et le train cinétique glissait désormais sur les rails comme sur un nuage, propulsé par sa seule masse. Il voulait que sa reine soit réveillée au moment où la vitesse de la plus imposante machine mobile jamais construite atteindrait son apogée, et elle avait alors vu les nuages qui barraient le ciel défiler à une allure telle qu'on aurait cru pouvoir les toucher en tendant le sabot, les montagnes à l'horizon qui paraissaient distantes de quelques kilomètres; elle avait alors donné sa bénédiction à ce courageux travailleur, tant pour son initiative immédiate que pour sa mission qui le destinerait à faire partie du personnel de la gare de la nouvelle exploitation sucrière d'Equestria, et songé que le train rapprocherait son peuple aussi bien qu'il savait raccourcir les distances, et que ses sujets allaient connaître une ère d'abondance et de facilité grâce à lui.

Celestia reposa sa tête sur ses sabots en soupirant. De la plus imposante machine jamais construite, sa propre fierté, elle avait ramassé le cadavre désarticulé, couvert de rouille et de traces de lutte, amputé de sa partie arrière, au beau milieu de Poulichedelphie; Les espoirs que le train cinétique portait s'étaient depuis longtemps vu remplacés par des esclaves, au nez et à la barbe de tous, et l'autre extrémité de la voie rectiligne était devenue un charnier. l'ère d'abondance s'était alors changée en enfer.

--

Au petit matin, Luna et Étincelle du crépuscule furent tirées du sommeil par le claquement sonore d'un puissant courant d'air froid qui traversait tout le wagon, et par le courant d'air lui-même; celui-ci fit voler les papiers gras, décoiffa les têtes, et frigorifia instantanément le corps encore endormi des deux pouliches, qui se mirent à grelotter. Luna commença à protester, juste à temps pour voir les pattes et le dos de sa soeur debout au milieu du wagon, le reste dépassant à l'extérieur par une plaque ouvrante sur le toit; Celestia était immense quand elle se tenait sur ses deux jambes.

"Ca ira, votre Rayonnance? lui hurla un mécano qui se tenait à ses pieds. Vous voulez qu'on coupe les chaudières?"

"Laissez tomber! répliqua celle-ci; sa voix était presque inaudible par dessus le sifflement du vent. Évitez juste de -koff!- de freiner, cette fois, je recommence!"

Luna et Étincelle du crépuscule la virent prendre un appui ferme sur ses sabots, et ses muscles dorsaux se contracter et ressortir derrière son pelage blanc, sous l'effet d'un effort particulièrement intense. "Allez, viens... VIENS!" ordonna t-elle sur un ton autoritaire, et comme pour lui obéir, le paysage extérieur fut progressivement baigné d'une lumière orangée et éclatante; la déesse du soleil se laissa alors retomber avec fracas sur ses pattes et secoua la tête pour réarranger sa crinière flottante, sous les acclamations du personnel du train. Le jour s'était levé, et ils étaient désormais proche de leur destination.

La région était sauvage, en altitude, et les hauts sapins décharnés constituaient la seule végétation de taille remarquable au milieu des rochers et des pentes escarpées; le mur rocheux qui faisait rempart à leur vue à droite du train disparut progressivement, leur dévoilant à toutes les deux un paysage qui n'avait pas d'équivalent dans tout Equestria. Luna ne savait pas où ils étaient, Étincelle du crépuscule le savait mais n'avouerait jamais que la seule carte qui topographiait précisément la région qu'elle possédait était une tapisserie particulièrement ancienne qui décorait le mur de ses toilettes; l'endroit était sauvage, inaccessible et presque impropre à l'établissement d'une civilisation, et personne n'avait pris la peine de le documenter depuis des décennies. Les anciens géographistes avaient marqué cette zone de la carte d'un seul mot: Abîme.

Au bout d'une heure, le train s'arrêta au milieu de nulle part, et tous descendirent; la voie passait à quelques mètres seulement du bord du précipice. l'Abîme était une fêlure dans le continent même d'Equestria, un gouffre en forme de croissant lunaire de plus de cinquante kilomètres de long et deux dans sa partie la plus large; ils se trouvaient sur le bord extérieur du croissant, et juste devant eux se faisaient face deux murs rocheux verticaux et immenses; entre les deux, des profondeurs sombres, brumeuses, indiscernables; on n'en distinguait pas le fond.

"C'est... Magnifique." murmura Étincelle du Crépuscule, éblouie par la beauté glaçante de l'endroit. Elle s'approcha pour regarder en bas, et recula subitement, la queue levée; devant elle, de petits éclats rocheux s'étaient détachés et allèrent heurter les parois du précipice dans une chute sans fin.

"Viens, Étincelle du Crépuscule, la rappella Celestia, qui s'était éloignée avec sa soeur dans la direction opposée de leur arrivée. Nous devons faire vite."

Celle-ci obéit, mais pas assez vite pour ne pas voir l'un de leurs compagnons de voyage défaire l'ouverture du premier wagon.

"Étincelle, VIENS!" ordonna la Princesse; son ton subitement autoritaire fit sursauter sa soeur.

"Attendez, Maîtresse, je veux juste..."

Celestia s'approcha d'elle d'un pas rapide. "J'ai dis, viens, tu n'es pas obligée de voir ça, crois-moi, ce n'est pas..."

Mais la curiosité poussa la licorne violette à regarder jusqu'au bout; les rideaux de fer se levèrent, et celle-ci recula alors, saisie d'effroi.

Le wagon était plein à craquer de caisses en bois de la taille d'un poney, soigneusement empilées en quatre rangées. Certaines portaient encore des restes de leurs couronnes de fleurs. Le train comportait au moins quinze wagons.

Paralysée par la terreur, respirant avec le souffle d'une asthmatique, Étincelle du Crépuscule ne pouvait détacher son regard du morbide spectacle; l'un des poneys qui les avaient accompagnés lui lança un regard qui voulait dire, ils ne peuvent pas s'empêcher de regarder, et chargea une caisse sur son dos. La pouliche violette entendit sa maîtresse arriver près d'elle, et se jeta sur son tibia, qu'elle agrippa de toutes ses forces. "Qu'est-ce que c'est que ça Maîtresse, qu'est-ce qu'ils vont en faire, qu'est-ce qui se passe répondez" pépiait-elle. Derrière eux, Luna regardait aussi la scène surréaliste, saisie d'effarement; elle ne rata pas le moment où la caisse fut précipitée dans le vide, ni le claquement lointain qui remonta jusqu'a eux après une quinzaine de secondes.

"C'est la fin d'une existence, expliqua la déesse du soleil.

Chacun de ces cercueils contient les vestige de ce qui a été une vie heureuse, tragique, palpitante ou routinière. Chacun de ces poneys est venu au monde avec un but précis, dont le destin seul avait décidé. Ils se sont acquittés du mieux possible de leur mission, ils ont fait leur temps; et, finalement, ont cedé à la place à d'autres; l'Abîme représente l'étape finale du cours de leur existence.

Beaucoup recherchent des explications sur eux-même, et leur présence sur cette terre; tu en sais désormais un peu plus que tous tes semblables, car tu sais comment ils vont finir. Mais connaître la vérité ne fait pas forcément de bien, n'est-ce pas?"

Étincelle du Crépuscule leva les yeux. "Nooonnn.." gémit-elle.

Celestia secoua la tête. "Voici pourquoi j'étais réticente à ta présence ici. Il y a plusieurs trains comme celui-ci. Ils sillonnent Equestria en continu, circulent principalement la nuit, et offrent à notre peuple la possibilité de vivre sans se rappeler constamment qu'ils sont mortels, et qu'un jour, ce sera leur tour de partir. A présent, tu vas vivre avec cette certitude; que cette vérité soit un fardeau ou une délivrance, cela ne dépendra que de toi. Ca va, Étincelle du Crépuscule?"

La licorne hocha la tête et avala avec difficulté. "Ou... Oui, Princesse..."

"A présent, relève-toi. lui demanda celle-ci. Il nous reste de la route à faire."

la licorne violette se redressa, puis regarda derrière elle, pendant quelques secondes; et enfin, elle rejoignit les deux alicornes. La vie devait malgré tout poursuivre sa course.

"C'est dingue, marmonna Luna. Comme ça a changé."

"Comment vous faisiez, avant? Je veux dire... Dans le temps." demanda Étincelle du crépuscule, qui trottinait à côté d'elle.

"Ils s'en chargaient eux-même, grogna Luna. Ils les brûlaient ou ils les enterraient. Ca pouvait faire des incendies. C'était nul."

La pouliche violette regarda le sol devant elle. Elle aurait tout le temps de réfléchir à ce qu'elle venait d'apprendre quand ils seraient rentrés.

Celestia fit face au précipice, et ouvrit ses ailes. "Étincelle du Crépuscule, sur mon dos."

"Où va t-on, Princesse? demanda celle-ci, hésitante."

"Au fond de l'Abîme."

Après une descente qui parut interminable, les deux alicornes atterrirent sur le sol gris et rocailleux, soulevant une légère couche de poussière. Le gris était omniprésent, et la brume empêchait de distinguer les détails; ils étaient faiblement éclairés par la lumière du ciel, qui apparaissait comme une déchirure au dessus d'eux. Au loin, une masse sombre, rougeoyante, juste à la verticale du point d'arrêt du train; Celestia leur expliquerait plus tard que c'était les restes de leurs prochains qui brûlaient ainsi, dans un brasier constamment alimenté, qui ne s'interrompait jamais, et évitait la décomposition des corps.

Celle-ci marchait d'un pas lent, presque hésitant; elle n'avait pas dit un mot depuis qu'ils étaient descendus. Ils circulaient au milieu d'un chaos de roches, dont certaines avaient la taille d'une maison; de temps en temps, le râclement lointain d'un éboulis leur parvenait, et avec le faible bruissement du vent et le bruit de leurs sabots sur les gravats, c'était les seuls bruits qui perturbaient le silence de mort de l'endroit.

"Princesse, où va t-" hasarda Étincelle du Crépuscule.

"Chuuut." lui intima celle-ci.

Peu à peu, au fur et à mesure qu'ils avançaient dans le silence, le paysage devint moins chaotique; les éboulis étaient moins denses, leur route plus dégagée, et Luna remarqua la première qu'ils marchaient sur une route pave. Elle sursauta et poussa un hennissement apeuré, puis repris sa route.

Les roches éparses prirent alors un arrangement logique, et les trois voyageuses se trouvèrent bientôt au milieu d'une allée grisâtre, bordée d'obélisques grossièrement taillés dans la pierre; Étincelle du Crépuscule regardait le décor, ébahie par l'écrasante grandeur des ruines silencieuses qui les entouraient. Ils arrivèrent au pied de la falaise opposée, face à l'entrée d'une caverne percée dans la paroi. L'entrée était gardée par deux statues en morceaux; Étincelle du Crépuscule regarda attentivement, et vit les cornes et les ailes. C'était des statues d'alicornes.

Les deux pouliches avaient suivi Celestia sans prononcer un mot; celle-ci semblait savoir où elle allait. Finalement, elle s'arrêta face à un autel de pierre, juste devant l'entrée de la caverne. La déesse du soleil se défit de sa couronne, la posa sur l'autel et l'aligna vers l'entrée avec ses lèvres; puis, elle s'éloigna, et tourna la tête vers le ciel; une onde de lumière pâle pulsa de l'autel, courut paresseusement à travers des lignes tracées sur le sol et presques masquées par la poussière, jusqu'aux obélisques, puis... rien. La lumière n'avait même pas atteint le sommet des colonnes rocheuses. Celestia regardait toujours le ciel, et attendait.

Luna et Étincelle du Crépuscule attendirent à leur tour, mais rien ne se passa. Elles finirent par se lasser, et Luna décida de faire quelques pas et d'explorer les environs.

"Qu'est-ce qu'elle peut bien faire?" demanda la licorne violette.

"Je ne sais pas, répondit Luna. Elle n'a rien dit, je ne sais même pas ce qu'on fait ici et-"

"Maman?"

Luna se figea. Les deux pouliches se retournèrent vers Celestia.

"Maman, tu es là? répéta Celestia. S'il te plait, répond."

La petite soeur de la princesse du jour regardait la scène, incapable de faire quoi que ce soit d'autre; elle sentait un sang brûlant battre à ses tempes. Elle se répétait le mot que venait de prononcer Celestia, qui n'éveillait aucun souvenir en elle.

"Mes sujets se révoltent. Je n'ai plus d'autorité. Le royaume s'effondre. Et j'ai..." poursuivit la déesse du soleil. Elle baissa la tête, avala sa salive avec une grimaçe endolorie et implora: "... J'ai battu Luna jusqu'au sang. Elle est avec moi, tu verras comme elle a changé, et... Je n'y arrive plus, je suis à bout, réponds, je t'en supplie!"

Celestia : "Maman ? tu es là ?"