Deux gardes actionnèrent les mécanismes d'ouverture de la porte du donjon inférieur, et les lourds battants de celle-ci s'ouvrirent dans un grondement assourdissant, révélant à la reine déchue et son ancien serviteur les entrailles de ce qui était devenu le repaire du démon; ils n'étaient même pas entrés que déja, la violence des faits qui s'y étaient déroulés s'offrait à eux dans toute son abomination.

"Oh, non." gémit Celestia avec une mine de dégoût en apercevant le tas de chair et d'os qui avait été traîné jusque devant la porte, comme un avertissement dressé à l'attention des importuns. Platine s'aperçut d'abord qu'il portait le maillot de corps réglementaire du corps de la garde royale, mais que l'armure avait disparu; ensuite, ce qu'il restait de la tête ne lui était pas inconnu.

Derrière les vestiges sanglants d'un garde qui fut autrefois trop zélé, le couloir aux cellules était plongé dans l'obscurité et le silence les plus complets; aucun signe de vie n'était persceptible, et toutes les torches avaient été éteintes.

Celestia contemplait le tunnel obscur en se mordant les lèvres, quand l'un des gardes qui les avaient amenés là lui donna une claque sur la croupe, la faisant tressaillir.

"Vous allez rester là à regarder? Avancez, on ne va pas y passer l'après-midi!" les pressa t-il; la princesse se tourna vers lui et le regarda droit dans les yeux, lui faisant malgré lui esquisser un pas en arrière.

"Nous sommes supposés récupérer ma soeur, pas nous faire étriper, espèce d'idiot, gronda t-elle à son intention. Vous voyez cette obscurité? C'est là qu'elle est la plus dangereuse. Procurez-nous un système d'éclairage décent si vous voulez qu'on aie une chance de vous en débarrasser."

Surpris par son soudain regain d'autorité, le garde déglutit bruyamment. "Et bien, nous avons amené des torches, cela ferait-il..."

"Oubliez les torches." le coupa la princesse. "Amenez-nous plutôt un phare à thermite, elle craint les lumières violentes."

Le garde se gratta l'oreille. "Un... phare à thermite?"

Celestia frappa le sol du sabot. "Il y en a un monté à l'avant de mon char royal! Allez le chercher, et secouez-vous, un peu!" lui ordonna t-elle; une douloureuse traction exercée sur sa bride lui rappela la place qu'elle occupait désormais, mais le garde n'en partit pas moins au galop lui rapporter l'objet qu'elle lui avait demandé. Dix minutes plus tard, il revint avec le phare, simple parabole chromée équipée d'un logement grillagé pour accueillir les barres de combustible incandescentes, et quelques-unes desdites barres en supplément.

Il n'y avait plus moyen de faire demi-tour; Celestia et Platine pénétrèrent lentement dans le tunnel obscur, chargé de mort, lui serrant une torche enflammée entre les dents, elle maintenant le projecteur braqué devant eux d'une main invisible, prête à lancer l'ignition au moindre mouvement suspect. Le bruit de leurs pas résonnait dans le silence, et ils passèrent prudemment devant chacune des cellules, appréhendant ce qu'ils pourraient trouver à l'intérieur. Toutes se révélèrent vides de leurs occupants, ce qui rassura quelque peu Celestia, mais au soulagement succéda rapidement l'interrogation.

Leurs questions furent écartées quand ils arrivèrent au bout du couloir, et furent accueillis par le plus immonde des charniers; sol comme murs avaient été littéralement aspergés par un mélange de sang et de graisse équine, et du poney d'origine ne restait plus que la masse rougeâtre et noire luisante de ses vilcères perdues au milieu de son squelette duquel pendait des lambeaux de chair; la princesse poussa un petit cri, fit un pas en arrière et manqua déraper dans une flaque de vomi; Platine vint se coller à elle et tenta de la rassurer, et elle vérifia par deux fois que leur dérisoire armement était prêt à servir, tremblante comme une feuille.

Leurs pas les conduisirent enfin devant la porte close de la salle du puits; il était impossible de ne pas remarquer les nombreuses traces de pas jaunâtres et rougeâtres qui se perdaient toutes derrière le battant renforcé de fer forgé. La reine et le garde se firent un signe de la tête, Celestia brandit un petit cylindre noirâtre, et Platine se retourna et ouvrit la porte d'une puissante ruade; un jet de lumière éblouissant traversa la pièce, et ils virent que tous les prisonniers du donjon étaient là. Et ceux-ci les regardaient.

"Pour rappel, celui qui ne combat pas sera piétiné à mort!" glapit alors une voix qui fit grincer des dents à Celestia. "A L'ATTAQUE, FIDÈLES SERVITEURS DE L'OMBRE! HAHAHAHAHAHAHA!"

Une armée de poneys maigres, affamés, terrifiés mais nombreux se leva, et s'apprêta à se jeter sur eux; Platine ouvrit une paire d'ailes menaçantes.

"Je me charge d'eux, rugit-il à l'attention de sa partenaire. Occupez-vous de votre soeur!"

Celestia obéit à l'instant où trois anciens prisonniers fondaient sur elle; à l'instant où ils allaient l'atteindre, il n'y eut plus que le vide, et les trois poneys se rentrèrent dedans avec un craquement sourd. Déja trois de moins, songea Platine, alors qu'un bataillon d'anciens assassins, présumés chatouilleurs de poulains et voleurs de pomme se jetait sur lui.

La pièce était uniquement éclairée par le fragment de thermite qui brûlait en dégageant une épaisse fumée, et les zones de lumière éblouissante succédaient à l'ombre la plus obscure; Celestia volait au dessus du chaos, ses ailes battant lourdement l'air, traînant avec elle le lourd projecteur d'acier et d'argent. Vers l'entrée, Platine poussa un cri de douleur quand une mâchoire usagée se referma sur son aile, achevant son processus d'édentition, ce qui attira son attention.

"Plat-" commença t-elle, juste au moment où un obus noir comme l'encre et revêtu d'une armure de garde fonçait vers elle; la princesse du jour s'écarta juste à temps, et sa soeur maléfique passa entre elle et le projecteur, produisant un souffle qui lui fit perdre l'équilibre et allant finir sa course sur le plafond; d'un bond, elle rejoignit le sol et plia les jambes, prête à attaquer de nouveau.

Celestia lâcha le phare et tenta de rétablir son assiette, puis de rattraper son attirail en même temps; voyant qu'elle était en difficulté, Platine lança la torche qu'il tenait au dessus de Lune Cauchemardesque, au moment où celle-ci chargea de nouveau; la jument et la torche entrèrent en collision dans une gerbe de paillettes incandescentes et la première abandonna l'idée d'attaquer par les airs et prit la fuite dans un coin de la pièce, aveuglée par la fumée et la braise.

"C'est fini, Lune Cauchemardesque." murmura Celestia en pointant le phare sur elle, son moignon de corne brillant d'un éclat brûlant; celle-ci cligna des yeux et regarda en direction de sa grande soeur, et l'instant d'après, le soleil s'invita dans le lieu le plus sombre du palais impérial.

Submergé par le nombre, Platine crut à plusieurs reprises que sa dernière heure était venue; mais son entraînement de garde et sa dévotion pour ceux qu'il aimait reprirent le dessus, et il frappa, il esquiva, il amocha, il mordit, il souleva, il jeta, il tira, il dépoila, il échevela, il brisa, il sauta, il piétina, il rua, il botta, il rossa, il cria, il menaça, il pinça, il rua de nouveau, il feinta, il tabassa, il grogna, il vola, il atterrit, il se baissa, il édenta, il lacéra, il émascula, et ramassant les restes de torche il brûla, il assomma, il meurtrit, il roussit, il saisit, il entrechoqua, il étrangla, il jeta, tant et si bien qu'il finit par défaire tous ses ennemis, se retrouver seul debout au milieu d'une étendue de poneys gisants et gémissants. Et il tomba, et s'étala, ayant juste assez de force pour tourner la tête vers l'action qui se déroulait au fond de la pièce.

Lune Cauchemardesque était roulée en boule sur le sol, ramenée dans un coin de la salle du puits; éclairée par une lumière crue et violente, les yeux inondés de larmes, elle hurlait, terrassée par la souffrance. Debout devant elle, la princesse du jour gardait le faisceau éblouissant braqué sur sa soeur, inflexible; son regard était d'une inhabituelle dureté, et personne n'aurait pu imaginer les efforts qu'elle déployait pour ignorer les cris et plaintes de la créature prostrée à ses pieds.

"Tia! glapit celle-ci entre deux sanglots, d'une voix aigüe. Arrête, je t'en supplie!"

Celestia tressaillit; elle avait cru entendre sa soeur. Sa soeur était la seule à l'appeler par son diminutif. Une série d'épisodes douloureux qu'elle aurait voulu empêcher à n'importe quel prix remonta à la surface de ses souvenirs; les nombreuses fois où celle-ci l'avait appelée pour jouer et où elle l'avait violemment envoyée balader pour avoir la paix à l'époque où la responsabilité de tout un royaume lui avait échû, celles où elle n'avait pas trouvé le temps de l'écouter alors que sa soeur était plongée dans une détresse grandissante, et puis d'autres considérations infiniment plus douloureuses.

En tant que reine, elle n'avait pas fait que le bien, et en était parfaitement consciente; mais c'était sa garde ou ses ministres qui étaient chargés des sales besognes, elle n'avait jamais fait directement de mal à un poney, quel qu'il fût... sauf Luna. Tout ce qu'il lui restait comme famille avait subi ses violentes remontrances, sa négligence, elle l'avait souvent rudoyée, et même rossée à de rares reprises. Son ordure de neveu qui occupait désormais son trône avait été infiniment mieux traité que sa petite soeur, qui se tordait désormais de douleur dans un coin de la pièce la plus sordide de son château et lui suppliait, une fois de plus, d'arrêter de lui faire du mal. Et Celestia abaissa le faisceau.

Vive comme l'éclair, saisissant l'occasion, Lune Cauchemardesque se jeta dans les airs et arracha le phare à thermite à sa soeur d'une ruade bien placée; avant que celle-ci n'aie eu le temps de réagir, une deuxième ruade dans l'estomac lui coupa le souffle et l'envoya rejoindre le sol avec lourdeur.

"Celestia!" cria Platine en se précipitant vers elle, encore titubant et pantelant; la reine de la nuit se précipita sur lui et le jeta par terre, et avant qu'il n'aie eu le temps de se redresser, deux sabots lui vidèrent les poumons et le clouèrent au sol; la monstrueuse créature le dominait de tout son poids, et il vit à côté de lui son ancienne reine recroquevillée en position foetale rechercher l'air sans succès, les yeux révulsés; finalement, ceux-ci perdirent tout éclat et leur propriétaire perdit connaissance.

Désormais à la merci de la reine des ténèbres, l'ancien garde royal tourna la tête vers elle, prêt à affronter son destin. Celle-ci le regardait de ses yeux fendus et brillants, son visage angulaire tout près du sien; curieusement, elle paraissait intriguée.

L'instant dura une dizaine de seconde, au cours duquel personne ne fit un mouvement; Platine sursauta lorsqu'elle ouvrit la gueule, dévoilant ses canines, et abaissa la tête vers son cou à l'endroit où palpitaient certaines de ses artères les plus importantes. A son grand étonnement, il sentit une langue humide et gourmande se poser sur son cuir, et remonter le long de la veine, passant derrière sa mâchoire, et jusque derrière son oeil, dans un trajet ponctué par le souffle chaud et lourd de sa propriétaire.

"J'entends être remerciée comme il se doit quand quelqu'un aura repris les rennes de ce royaume sans maître." lui chuchota t-elle affectueusement au creux de l'oreille. Avant qu'il n'aie eu le temps de répondre, le poids qui pesait sur sa poitrine disparut, et un sabot lui aplatit alors les organes génitaux, faisant naître une onde de douleur fulgurante dans son bas-ventre qui le poussa à se replier en deux avec un râle de surprise gargouillant. Au delà de la souffrance piquante, il entendit qu'on s'ébrouait, et des pièces d'armure tomber au sol. En l'absence de tout mouvement supplémentaire, Platine en déduit que leur agresseuse avait vidé les lieux, et pria silencieusement pour qu'il n'y ait pas un autre massacre.





Assis sur son trône, Vladimir sirotait tranquillement un verre de liqueur d'ananas, un des cadeaux de ses nouveaux amis les zèbres, et attendait avec impatience des nouvelles de ce qu'il se passait en bas. Il n'eut pas à attendre longtemps; celles-ci arrivèrent sous la forme de cris de lutte, de cliquètements d'armures qui s'entrechoquent, et d'un garde terrestre blanc comme neige et désormais à moitié écarlate qui traversa une porte et alla rouler sur le carrelage, achevant sa course à l'extrémité d'une traînée rouge qui s'étendait jusqu'au milieu de la pièce.

Tous les gardes présents dans la salle du trône se mirent en position de combat en voyant la jument noire investir les lieux d'un pas rapide, une lame à dent couverte d'hémoglobine dans la bouche, n'attendant qu'un mot pour se précipiter et neutraliser. Lune Cauchemardesque traversa la pièce, cracha son arme qui alla rebondir avec un tintement métallique sur le carrelage lisse, et s'adressa à Vladimir.

"Ton règne de fantoche prend fin sur l'heure, Vladimir!" l'apostropha t-elle; la salle entière résonna de sa voix, et personne ne disait un mot. "Rends les armes, et dépose cette couronne, poursuivit-elle; un univers de ténèbres, de peur et de haine va naître, et tous craindront mon courroux et imploreront ma pitié."

Vladimir resta interdit quelques secondes; puis, il partit d'un rire moqueur, aussitôt imité par Gerbant Riche et Rubis Précieux qui se tenaient à ses côtés. La scène dura quelques instants, pendant lesquels les nouveaux régents du royaume se tordaient de rire, s'entrechoquaient les sabots, les joues bouffies et la larme à l'oeil, montrant l'alicorne noire du sabot et repartant de plus belle.

"Silence!" glapit celle-ci en frappant le sol. "Qu'est-ce qui justifie cette hilarité?!"

Vladimir renifla, essaya de ne pas rire, sans succès; il avala sa salive, fit un effort suréquin pour se contenir, et soupira finalement de bonheur. "Des ténèbres et de la haine, hein?" lâcha t-il finalement. Il descendit de son siège et se dirigea vers une fenêtre, sans lâcher son interlocutrice du regard.

"De la haine? C'est bien cela dont vous parlez?" répéta t-il en entr'ouvrant la vitre. Les clameurs d'une foule envahirent la pièce, et tous entendirent distinctement "à-bas-les-alicornes-mort-aux-alicornes!"; Lune Cauchemardesque contemplait le spectacle sans dire un mot, abasourdie par la tournure des evénements.

"Et des ténèbres... Vous êtes la reine de la nuit, c'est votre leitmotiv, pas vrai? Voulez-vous voir comment on procède, de nos jours?" poursuivit Vladimir. Aussitôt, il frappa deux fois dans ses sabots; un des gardes souffla dans une puissante corne de brume, dont le son emplit la pièce et alla se perdre dans le lointain.

Tout le monde vit alors la lumière du soleil changer, puis décliner, et le paysage s'assombrir, puis devenir presque noir; incrédule, la jument de la nuit se dirigea vers la baie vitrée la plus proche, baissant la tête pour voir le soleil; en lieu et place du soleil se tenait un anneau éclatant, qui bordait un cercle parfaitement noir. "Nous devons l'admettre, seule une alicorne a vraiment le pouvoir nécessaire pour déplacer le soleil... Alors, nous avons décidé de le laisser en place, et de le cacher quand nous n'en avons plus besoin." expliqua Vladimir; il se régala de la totale incompréhension qui se lisait sur l'expression de Lune Cauchemardesque, frappa de nouveau dans ses sabots pour faire revenir le jour, et se rassit sur son trône.

"A quoi joues..." commença la jument obscure en s'avançant vers lui; une paire de hallebardes tendues devant sa poitrine l'empêcha de faire un pas de plus.

"Cette petite démonstration, très chère tante... si tant est qu'on puisse vous appeler ainsi, évidemment... avait pour but de vous rappeler une chose: nous nous sommes affranchis du joug des alicornes, nous ne dépendons plus de vous, nous avons pris notre indépendance, comme un oiseau qui quitte le nid, vous saisissez la métaphore?" expliqua t-il.

Le silence de son interlocutrice lui fit deviner que non. "Vous désirez vivre dans un univers de haine, de peur et de ténèbres? s'exclama t-il avec enthousiasme, tendant un sabot vers les fenêtres. Et bien félicitation, vous y êtes déja! Et vous êtes vous montrée indispensable pour ça, avons-nous eu besoin de vous pour y arriver? Non, non, et non!"

Lune Cauchemardesque voulut répondre, mais il n'y avait rien à répondre. Vladimir saisit l'occasion et pencha la tête dans sa direction, les deux sabots joints dans une posture condescendante. "Que ce soit bien clair entre nous, d'accord? Vous ne servez plus à rien. À RIEN." lui souffla t-il avec un petit signe de tête.

Puis il se redressa. "Oh, mais au fait! Ma très chère tante devait vous faire revenir dans le droit chemin, non? Si vous êtes ici, j'en déduis qu'elle a échoué... Comment ai-je pu croire une seconde qu'elle y arriverait, qu'elle pourrait d'ailleurs avoir la capacité de réussir quoi que ce soit, cela reste une alicorne, après tout." ricana t-il. "Le problème, c'est qu'autant j'ai ma petite idée quand à une quelconque utilité qu'on pourrait lui trouver, autant pour vous, je n'ai rien de prévu, et vous m'êtes totalement inutile, d'autant que vous êtes privée de vos pouvoirs..."

Cliquetis d'une vingtaine d'armures et autant d'armes tranchantes.

"...Je dois donc me débarasser de vous. Abattez-là."

En moins d'une seconde, tous les gardes présents dans la salle avaient bondi sur la jument noire; vive comme l'éclair et consciente que jamais elle ne ferait le poids, elle se précipita vers une fenêtre et manoeuvra au dernier moment pour pulvériser le carreau d'une de ses redoutables ruades. Les choses se gâtèrent quand l'épaisse surface transparente s'étoila sans se briser; Lune Cauchemardesque se jeta sur le mécanisme d'ouverture, pour seulement constater qu'elle ne savait pas s'en servir. On l'attrapa par les épaules, le fil glacial d'une lame tranchante lui caressa la trachée; elle cria.

Vladimir et sa cour admiraient le spectacle en buvant de la liqueur; eux savaient parfaitement que la jument maléfique était prise au piège. Sous leurs yeux, le garde qui avait failli achever les festivités fut projeté contre une colonne de marbre, mais rien qui ne puisse en venir à bout; il se releva aussitôt et retourna à l'assaut.

Lune Cauchemardesque sautait d'un bout à l'autre de la salle, désormais uniquement motivée par le désir d'échapper à ses assaillants; son inépuisable source d'idées pour se tirer de toute situation avait fini par se tarir, et elle sentit sa dernière heure proche. L'heure était venu de passer aux idées véritablement tordues, et elle avisa du coin de l'oeil la grande cheminée allumée malgré la saison; en deux coups d'ailes, elle était devant, et se rapprocha le plus possible du foyer, sentant les flammes lui roussir la fourrure à l'endroit où celle-ci était violette.

Le nouveau régent d'Equestria gloussa d'excitation; la dissidente allait-elle tenter d'emprunter le conduit de cheminée et se heurter à la grosse grille en fer qu'il avait fait mettre tantôt? "Ho ho, elle devait avoir drôlement chaud aux fesses!" blagua t-il alors que Lune Cauchemardesque se mettait dans une position des plus indécente, faisant face à sa garde qui se rapprochait; il comprit alors ce qu'elle allait faire, perdit du temps à trouver un endroit pour poser son verre et se protéger les oreilles, et se recroquevilla sur lui-même, paupières fermées et dents serrées.

Elle invoqua la Voix Royale dans toute sa puissance et poussa un rugissement suraïgu qui se fit entendre dans tout le palais. Le hurlement vrilla les oreilles de tout ce qui vivait dans la salle et provoqua une dépression en face d'elle, aussitôt suivie par une colonne d'air qui descendit tout le conduit de cheminée; ses agresseurs se retrouvèrent arrosés d'une pluie de cendre et de braises incandescentes et enflammés. Aveuglés et pour certains gravement brûlés, les gardes s'arrêtèrent pour tousser, cracher et se frotter les yeux; on entendit les fracas des armures de quelques pégases soudainement privés du visuel, et l'un d'eux frôla le derrière de Lune Cauchemardesque pour finir sa course dans les braises; il poussa un cri perçant.

Le nuage de fumée avait envahi la pièce, et il était impossible d'y voir clair, mais Lune Cauchemardesque n'avait pas fini de se tirer d'affaire; avisant une des lourdes décorations en fonte qui bordaient la cheminée et empéchaient les braises de rouler sur le sol, elle mordit le fer et tenta de la soulever, à peine assez forte pour seulement la déplacer. Elle se brisa quelques dents dans l'opération, claquement sonore aussitôt suivi d'un tressautement dans son corps, comme un choc électrique. Mais la souffrance lui donnait des forces, et traînant le lourd bloc de métal, elle commença à galoper vers le carreau fendu, puis bondit dans les airs, battant des ailes comme une perdue pour tenter de prendre de l'altitude et de la vitesse. Au moment où elle allait s'écraser contre le carreau, elle desserra les mâchoires, réamorça un demi-tour sur elle-même et prit appui sur le lourd bloc de fonte, en détendant ses jambes avec toute la force dont elle pouvait faire preuve au moment où celui-ci entra en contact avec le verre épais; la jument et la décoration traversèrent la vitre avec une explosion de cristal.

Dans la salle du trône régnait un indescriptible chaos; l'atmosphère était envahie de fumée, irrespirable, des gardes aveuglés à travers la pièce en se hurlant des ordres et en se rentrant dedans, d'autres gisaient au sol et suppliaient qu'on veuille bien les aider, et Vladimir cherchait l'alicorne dissidente des yeux, paniqué à l'idée qu'elle puisse apparaître à côté de lui et lui faire du mal. Un flash d'obscurité suivi d'une détonation fit s'arrêter tout ce beau monde, et suffisament de suie était retombée pour que tous puissent voir le carreau éventré par lequel s'engouffrait l'air frais.

"Elle s'est enfuie, qu'est-ce que vous attendez?! beugla le nouveau roi. Rattrapez-là!"





Les lambeaux épars du Crinière Six étaient toujours réunis chez Émotive-Timide; Rareté avait fini de rendre Étincelle du Crépuscule présentable, et elles partageaient un bouillon de carottes en silence, tâchant de se remettre de leurs récentes émotions; chacune contemplait le triste brouet rapidement préparé, incapable de dire un mot. Lorsque la porte s'ouvrit avec fracas et qu'un garde entra, elles ne poussèrent qu'un cri; cependant, celui-ci tira juste un parchemin de son armure et le déroula devant elles.

"Tous les poneys de Villeponey à la gare. Ordre de Sa Magesté."

Et c'est ainsi qu'elles se retrouvèrent sur le quai en face d'un lourd train fumant et grondant, avec une partie de la population de la petite ville. D'autres gardes munis de blocs-note passaient parmi les habitants, relevant des noms, posant des questions; de temps en temps, un poney montait dans le train, sous bonne escorte; les cinq amies observaient ce manège, incapable de dire ce qui se passait. Puis, Étincelle du Crépuscule releva enfin le détail perturbant du tableau.

"Oh non... vous voyez la chaudière du train? Ces petits conduits d'évacuation couverts d'une croûte blanchâtre?"

"Oui, et alors?" répondit Veste-de-Pommes, interloquée.

"Ca sert à évacuer la saumure... impliquant que ce train marche avec de l'eau salée. C'est une chaudière à eau de mer! On ne les produit qu'en Zebraïca!" leur expliqua la licorne violette.

"Qu'est-ce que ça veut dire?" demanda Rareté en fronçant les sourcils.

"Ca veut dire que les déportations ont commencé. Par Celestia!" cracha Étincelle du Crépuscule en regardant autour d'eux pour trouver des issues; il y avait des gardes postés partout, et elles n'auraient pû s'enfuir sans être aussitôt remarquées.

Les cinq pouliches regardèrent leurs sabots, puis les alentours; la panique montait. "Ils ne prennent pas tout le monde." dit alors Rareté.

Trois paires d'yeux convergèrent vers elle, attendant la suite. "J'en ai croisé ce matin, je ne savais pas ce qu'ils préparaient... Mais ils ont parlé d''inactifs', de 'sous-professions', je... je crois qu'ils ne prennent pas les intellectuels." affirma t-elle en grattant le sol du bout du sabot.

"Moi je m'en fiche! piailla alors Tarte Rose, qui n'avait vu que des poneys qui prenaient le train sans billet, sans que les gardes ne les arrêtent. Je veux monter dans le train moi aussi, hihi!"

Ses amies paniquées hurlèrent son nom et lui conjurèrent de revenir, mais celle-ci avait déja rejoint un des robustes poneys en armure.

"Nom, profession?" lui demanda t-il.

"Je suis Tarte Rose, et je suis aide-pâtissière! Les gâteaux, c'est mon domaine!" gloussa t-elle.

Le visage du garde s'éclaira d'un grand sourire franc et sincère. "Alors c'est parfait, Miss Tarte, la grande patrie d'Equestria a besoin de vous! "

Mais un autre garde intervint; il désigna Tarte Rose et murmura quelque chose à l'oreille de son collègue, traçant un cercle invisible du bout du sabot à proximité de sa tempe. Ce dernier reporta de nouveau son attention vers Tarte Rose et lui montra une direction opposée au train. "Finalement, vous devriez peut-être rester à la pâtisserie... Après tout, le sucre va finir par revenir!" plaisanta t-il; Tarte Rose alla à l'endroit qu'il désignait et s'arrêta en soupirant de déception à côté d'une pégase grise, blonde et asthygmate qui regardait la scène sans comprendre, un grand sourire aux lèvres.

Ses amies soupirèrent de soulagement; elles sursautèrent toutes quand un garde arriva derrière elles et s'adressa à Rareté. "Votre nom? Votre profession?" lui demanda t-il.

Rareté prit son air le plus hautain. "Je suis Rareté, et je suis couturière de luxe et designer de mode; j'ai habillé la moitié du gratin de Nombreux-Galops et il n'y a absolument aucune chance que je monte dans le train."

Le garde hocha simplement la tête et passa à Émotive-Timide. "Et vous, mademoiselle?"

"Je suis Émotive-Timide, et... Je suis la vétérinaire de ce village, et... Oh, seigneur." couina t-elle avant d'enfouir son visage rougeoyant entre ses pattes tremblantes; n'importe quel poney qui la connaissait un tout petit peu aurait vu qu'elle mentait à moitié, et qu'elle le faisait très mal. A cause de son tempérament de pouliche battue, elle était incapable de mener une existence normale, et la ville lui avait inventée une profession à elle toute seule -soigneuse d'animaux sauvages- pour qu'elle ne se sentît pas exclue. Cependant, Émotive-Timide était Émotive-Timide, et les réactions excessives quand elle s'adressait à quelqu'un étaient constantes chez elle, et ne se réduisaient pas aux mensonges; le garde goba le mensonge, et passa à Veste-de-Pommes.

Celle-ci recula d'un air gêné, regardant derrière elle, et déglutit bruyemment. "J'm'appelle Veste-de-Pommes, et... et j'suis... cueilleuse de pommes, m'voyez, et..."

"Ce sera parfait! s'exclama le garde en la saisissant par l'oreille. De robustes pouliches comme vous sont la clé de la grandeur d'Equestria!"

Ignorant ses protestations et supplications, il la tira vers le train, sous les regards terrorisés de ses amies qui connaissaient sa propention à ne pas mentir, et ne pouvaient rien faire pour l'aider.

"A-Attendez! beugla t-elle soudain. J'suis enceinte!"

Le garde s'arrêta.

"J'suis enceinte..." répéta t-elle en baissant la tête; on cessa aussitôt de l'entraîner vers le train, et les quatres pouliches qui restaient poussèrent un soupire de soulagement. "Bien joué, Veste-de-Pommes." murmura Étincelle du Crépuscule.

L'instant de réconfort ne dura cependant pas, et mourut au moment où le garde sortit une bandelette cartonnée de son armure. "Enceinte, hein? C'est ce qu'on va voir. Allez! On lève la queue, et on détend sa vessie!"

Ils étaient devenu le centre de toute l'attention de la gare; malade de honte, la figure rendue écarlate par l'humiliation, sentant que tout le monde la regardait, Veste-de-Pommes obtempera, poussa un peu, et libéra un mince filet d'urine sous lequel le garde passa le bout de carton, gardant le reste en elle comme si cela eût pu lui servir dans un avenir proche.

Un autre garde arriva près d'eux, alors que son collègue examinait attentivement le révélateur, le portant à la lumière du soleil. "Alors?"

"Elle dit vrai, répondit le premier en envoyant la pouliche orange bouler auprès de ses amies d'une violente bourrade dans les côtes. On ne les prend pas dans cet état. Allez, on passe aux suivants."

Ses amis se précipitèrent vers la paysanne, qui était en larmes. "Ce n'était pas un mensonge? Tu portes vraiment?" demanda Rareté.

Veste-de-Pommes renifla et s'essuya les naseaux. "Ou... Oui." dit-elle en hochant la tête.

"Mais c'est merveilleux! s'exclama Étincelle du Crépuscule. Et qui est l'heureux père?"

La pouliche orange ravala un sanglot et regarda le sol à ses pieds. "C'est... C'est mon cousin." gémit-elle, avant de fondre en larmes.

Ses amies cherchèrent quelque chose, n'importe quoi qui aurait pu rompre le silence morbide qui s'était abattu sur elles. Loin devant elles, une jeune Terrestre crème, bleu et violette s'élança dans le wagon en scandant à tue-tête qu'elle avait fini de charrier des ordures et que son existence minable touchait enfin à sa fin.

"Et vous, Miss?" reprit un énième poney d'armes en s'adressant à Étincelle du Crépuscule.

"Je suis apprentie en magie de poney, et j'étudie l'histoire...", commença t-elle; elle s'interrompit en voyant les yeux du garde s'illuminer.

"Vous ne seriez pas Étincelle du Crépuscule?" demanda t-il, en rangeant son calepin et en cherchant une photo dans ses affaires.

"Euh... Oui, c'est moi, hésita celle-ci."

Le garde l'empoigna et brandit une bride en cuir. "La garde royale est à votre recherche! Notre roi veut vous garder au palais pour, euh, prendre votre déposition, et..."

Étincelle du Crépuscule se débattit, cria à l'aide, et disparut alors dans un flash éblouissant.

Rareté avait l'oreille fine, et elle connaissait le bruit d'un tunnel de téléportation qui débouche quelque part; elle fut la seule à deviner où la pouliche bleue était allée.

"Oh, par Celestia! hurla t-elle en portant les sabots à ses joues. Elle s'est sûrement enfuie dans la bibliothèque, son lieu de résidence, pour trouver un sort de téléportation plus puissant!!"

Les gardes la prirent au mot; d'un cri, il rameuta ses confrères. "Tous à la bibliothèque!" hurla t-il. En quelques instants, la moitié des accès à la gare furent libérés.

Courant à travers les rues de Villeponey, les amies d'Étincelle du Crépuscule suivaient Rareté, espérant qu'elles n'allaient pas être suivies. "Où est-elle allé?" demanda Veste-de-Pommes entre deux halètements.

"Ma boutique." dit simplement Rareté. "Tous les volets sont fermés, j'ai dû en parler ce matin et c'est là qu'elle s'est réfugiée."

Arrivées devant le carrousel, la propriétaire des lieux ouvrit la porte en vitesse, et elle pénétra en trombe dans les lieux, suivie de près par Veste-de-Pommes, Tarte Rose, Émotive-Timide et Lune Cauchemardesque, avant de la refermer d'une impulsion magique les plongeant dans le noir; elles reprirent toutes leur souffle, Étincelle du Crépuscule était bien là, comme prévu.

"Par celestia, protesta alors Rareté, qu'est-ce qui peut sentir aussi... Mauvais? Qui a jeté un poulet vivant dans le poële?"

La lumière s'alluma, et toutes les rescapées du Crinière Six poussèrent un hurlement de terreur, à l'exception d'Émotive-Timide qui tomba aussitôt en catalepsie.





Après la fuite de Lune Cauchemardesque, une délégation de la garde se rendit dans les entrailles du palais; ce qu'il restait de la princesse du jour les y attendait, prostrée dans l'obscurité en compagnie de son ancien valet, et au milieu d'une mer de cadavres et d'inconscients; son esprit avait éteint les lumières, et ils la trouvèrent aussi réactive qu'une méduse. Trop d'épreuves avaient fini par avoir raison d'elle, et elle s'était emmurée au plus profond d'elle-même, muette et apathique. Elle ne réagit pas lorsqu'ils intervinrent sur les lieux, ni lorsqu'ils lui passèrent la bride; cependant, personne ne parvint à la faire se déplacer. On la menaça, on la poussa, on la cravacha même, barrant son pelage blanc de douloureuses marques écarlates; ils n'obtinrent aucune réaction de sa part. Cependant, ils remarquèrent vite qu'elle irait là où le pégase blanc irait, et ils les enfermèrent dans une autre aile du palais en attendant de déterminer quoi faire d'eux, dans deux cellules qui se faisaient face à face, pour qu'ils puissent se voir; c'était le seul moyen pour que l'alicorne cessât de héler le nom de son ancien garde.

L'ancienne reine de tout un royaume, le soleil d'Equestria, venait d'abandonner son destin à qui voulait bien le prendre; abattue par le chagrin et le remords, elle avait cessé de se battre.

Citation :

et manqua déraper
de lui infliger souffrance
un râle surpris gargouillant
Nous devons l'admettons

La nuit commençait à tomber. Le roi Vladimir, dont les jambes tremblaient encore un petit peu, regardait par la fenêtre d'ou s'était enfuie la jument folle quelque heures auparavant, comme si il eut pu l'apercevoir. Il n'y avait rien à l'horizon. Sa fuite avait été si mouvementé qu'ils n'avaient pas pu savoir de quel côté elle était partie. Maudit soit-il, pensa le souverain en se passant un sabot le long de son cou moite. Il avait voulu jouer un peu avec elle, et c'était bien ce qu'il s'était passé, mais la fin avait vraiment laissé à désirer. Le sol était maculé de sang, les teintures auparavant magnifiques étaient salies et déchirées, les carreaux étaient endommagés et elle s'était enfuie sans demander son reste. La lourde décoration en fonte de la cheminée avait pulverisé une magnifique et millénaire statue de marbre quelque dizaine de mètres en bas, et un jardinier boiteux dont il faudrait expliquer la mort à la famille. Encore des papiers à remplir.

Un autre aurait simplement procédé à une arrestation en bonne et dûe forme, aurait passé l'alicorne soigneusement enchaînée par les armes et le corps aurait été envoyé à l'équarrissage. Même si il avait gagné, la prise de risque avait été bien trop énorme. Et pourtant, chacune des phrases qu'il avait prononcé, chacune des démonstrations de pouvoir, chaque échec de l'alicorne prise au piège avait fait naître en lui une jouissance inimaginable. Comment pouvait-on règner sans ce genre de compensation?

Au loin, une longue chenille lumineuse apparut, descendant paresseusement de l'horizon et s'approchant de Nombreux Galops. Le premier train envoyé par Zebraïca. A l'intérieur, il y aurait des diplomates, des dignitaires, des contrats à signer et enormément de place, pour le retour, lorsque le train serait chargé de valeureux volontaires d'Equestria pour le programme d'aide a la récolte sucrière du royaume. Lentement, la mécanique se mettait en place et serait bientôt rodée. Il y aurait une incommensurable quantité de sucre. Du sucre pour les friandises, pour l'alcool, pour s'en tartiner sur le visage, se rouler dedans, et toute cette opprobre populaire. Un frisson de bonheur naquit dans le bas du dos de Vladimir.

Et puis, Celestia était entre ses mains. Au fond, la fuite de la jument noire n'était qu'un détail, elle était sûrement allée crever sous un arbre de la Forêt-Jamais-libre, maigre comme elle était, et dans le cas contraire, vu qu'elle semblait détester le soleil, quelque longs après-midi à rallonges la convaincraient sûrement de rester pour l’éternité dans un trou sordide. Le plus important etait sa grande soeur. Il était temps de mettre un point final à cette histoire. Des affiches avaient été posées dans tout Nombreux Galops, des poutres avaient été amenées et une place dégagée. Les émissaires de Zebraïca ne seraient sûrement pas contre une petite attraction, en guise de bienvenue. Demain matin, Celestia serait jugée, puis executée pour ses crimes.



Lune Cauchemardesque cessa un instant de tituber, et regarda le sol. Avec lenteur, elle inspira, et vomit encore un flot de bile, dans un horrible gargouillement. Tandis que la masse gluante disparaissait lentement dans le mucus, l'alicorne noire contempla la forêt autour d'elle d'un oeil las. Ce n'etait même pas le goût de la défaite qui brûlait sa gorge. La défaite n'était, à son sens, que l'une des deux seule issue possible à un combat dans lequel chacun avait au moins une chance. Mais là, ça avait été un simple massacre, d'ou elle avait rééchappé par chance. Par chance! cela voulait dire qu'elle aurait aussi bien pu y rester et mourir sur les carreaux en marbre, son corps rachitique et ébouriffé hérissé de lances et de flèches, comme un rat. Le plus pitoyable des rats immonde, qui se terrait dans les lieux les plus sordides, y faisant la loi, mais n'en restait pas moins la plus misérable des créature. Lune Cauchemardesque contempla la forêt autour d'elle, et les muscles de son torse envoyèrent une nouvelle salve de bile brûlante a travers son oesophage meurtri. C'avait été un coups de chance. Il n'y avait pas eu de combat.

La jument noire eut une pensée pour l'alicorne blanche, sa soeur et son ennemie. Au moins, Celestia était une ennemie qu'elle connaissait et contre lequel elle pouvait lutter. Ça n'était qu'une manière différente de penser comme une alicorne. Mais avec ce nouveau système, cette prise d'indépendance, elles avaient perdues toute les deux.

Une chouette fendit les cieux en hululant et en arrachant quelque feuilles à la canopée d'un arbre, rappelant à la jument tourmentée l'endroit ou elle se trouvait. Au fond, l'obscurité et la terreur, elle connaissait bien. Son estomac ravagé par ses récents déboire intestinaux hurlait famine, et son âme hurlait vengeance. Dans son état actuel, elle ne pouvait pas faire grand chose, mais pas question de tourner en rond et de se terrer indéfiniment. Lune Cauchemardesque n'était pas très fine stratège. A l'époque, il suffisait d'apparaître dans un coup de tonnerre pour qu'un peuple se jette à vos pieds mais ça s'était compliqué avec le temps, et il n'y avait qu'une personne qui connaissait suffisament bien les poneys et les alicornes pour qu'on puisse esperer arriver à en tirer quelque chose. Et c'etait la dernière jument que Lune Cauchemardesque aurait voulu revoir. Le craquement et la chute d'une lourde branche à coté d'elle tirèrent à nouveau l'alicorne de sa rèverie, lui rappelant qu'elle était sûrement traquée, et affamée, blessée, sale, pitoyable, perdue, seule. C'etait de la folie. Elle ne la trouverait peut-être jamais, cette petite peste violette, qui avait dû se terrer Lune sait-où et attendre que l'orage passe. Mais qu'y avait-il d'autre à faire, à part demi-tour? Un rire grinçant s'echappa d'entre les dents pulverisées de l'alicorne. Tant qu'elle arriverait à marcher, elle marcherait. Tant qu'elle trouverait de quoi se cacher, elle se cacherait. Et lorsqu'il faudrait mordre, elle mordrait. La nuit, qu'on lui avait volé, serait longue.



Les cachot du chateau étaient glacés. Été comme hiver, ils conservaient perpétuellement la même température cinglante, et l'obscurité absolue d'ou naissaient les fantasmes terrifiants de la folie. Platine, ramené contre un mur, enveloppé dans ses ailes, n'arrivait pas a penser a autre chose qu'a Sid'hennit. Ça n'etait pas la première fois qu'il finissait dans un trou, était malmené et avait à se battre. Mais à Sid'Hennit, un combat n'était jamais vraiment perdu, il ne s'agissait toujours que d'une partie remise, tout le monde regardait tout le monde en chien de faïence, s'élançait avec un couteau en bouche et recevait un pied de table en pleine figure, et la vie était très bien comme ça. Et puis, il y eut Baie Coup-de-poing, l'alcoolique invéterée, peut-être l'être vivant le plus lamentable du monde, et Platine s'était attaché a elle, et elle avait fini carbonisée dans le plus épouvantable incendie auquel il avait pu assister de sa vie, qui détruisit le plus épouvantable bagne dans lequel il avait vécu en faisant mine de ne rien voir, et dont l'origine dormait à quelque mètres de lui. Celestia, la Déesse du Jour, meurtrie et pitoyable. Lorsqu'elle s'était effondré de sommeil, cessant de gémir son nom, il s'etait enfin abandonné aux sanglots.

Elle était à la fois ce qu'il avait le plus haï, et ce qu'il avait le plus aimé. La souveraine déchue n'avait pas hésité à le suivre dans l'enfer laissé par Lune Cauchemardesque dans le sous-sol. Elle n'avait pas hésité à se battre contre lui et a se rouler avec lui dans la poussière sur la Lune, encaîssant ses coups et revenant a la charge, jusqu'a ce qu'il prenne le dessus sans que ç'ait été tellement de sa faute. Elle n'avait pas hésité à tenir tête à son neveu et a échanger sa liberté contre celle de sa soeur, même si la transaction s'était terminée de manière assez regrettable. Lune Cauchemardesque avait fui, avait peut-être massacré tout le monde à l'étage, ou avait fini criblée de flèche, mais dans tous les cas, la jument sale et désorientée qui dormait sur la paille crasseuse dans la cellule d'en face ne comprendrait pas si on lui racontait. Des dirigeants qui boivent et donnent des ordres du fond de leur trône, Platine en avait vu souvent, le dernier ne datant que de quelque heures. Des dirigeants qui combattent et encaissent les coups au point de terminer bavant au fond d'une cellule, il n'en avait vu qu'une seule. Le monde entier était devenu son ennemi. Celestia avait eut des choix à faire, et même si il n'y avait eu que les conséquences négatives pour venir frapper à sa porte et la faire payer, et qu'elle en avait conscience, elle les avait fait. On réclame souvent la perfection de la part de ceux qui dirigent, mais on est même pas fichu de donner l'exemple, et on leur fait payer au centuple. Celestia avait été si belle, avant. Le bruit d'une grosse clé ouvrant une serrure au loin ramena Platine dans sa cellule et le tira de ses pensées tourmentées.

- C'est l'heure du petit déjeuner! Debout là d'dans! cria une voix erraillée qu'accompagna les claquement de sabots sur le sol et quelque coups sur les barreaux.

- Toi, t'as une sale gueule, pas de pain. Toi, t'es pas lavé, pas de pain. Mais non, je plaisante! il faut manger pour bien commencer la journée, dit une autre voix sur un ton faussement affable.

Les sabots se rapprochèrent, et Platine vit Celestia cligner des yeux, encore ensommeillée.

- En voila du bon pain pour les prisonniers qui vont encore croupir ici un jour de plus! Yumm, on en profite! aujourd'hui, c'est jour de fête!

- Il est dégueulasse, ce pain tout sec, croassa la voix d'un habitué, arrête de te payer ma tête..

- Toi, tu la ferme, le repris de justice, hurla l'un des geolier en ruant contre la porte avec un bruit assourdissant. Et tu bouffe, t'as encore la chance de pouvoir le faire.

Les deux geoliers continuèrent de distribuer du pain en continuant le long du couloir, et arrivèrent devant les dernières cellules. Il y avait deux gardes avec eux, sûrement pour assurer leur sécurité par rapport aux récents évenements des cachots de l'autre sous-sol.

- Tiens, le petit nouveau, dit le robuste poney cendré qui vida la dernière tranche de pain rassis entre les barreaux de sa cellule avec un sourire mauvais, le genre qu'on ne se permettait qu'en présence de barreaux solides.

Platine regarda le quignon de pain, le geolier, et Celestia, qui s'etait relevée et regardait la scene avec curiosité.

- Et elle, elle n'a rien? demanda le pégase.

- Non, répondit le poney cendré.

- C'est CELESTIA, hurla Platine, hors de lui. pas n'importe quel putois dans votre genre! continua t'il en expediant sa ration de l'autre coté du couloir, entre les pattes de l'alicorne.

Le geolier inspira et soupira profondément. Sortant ses clés, il ouvrit les portes de la cellule de Celestia et éloigna sa tête, qui avait commencé a renifler le sol.

- Le gaspillage n'est pas de mise ici, moins-que-rien. La prochaine fois, tu jeûnera toute la journée, et le lendemain aussi!

- Comment ça, "le gaspillage"? demanda Platine.

- Oh, tu ne le savais pas? Dit le poney cendré en fouillant dans le sac de son collègue.

Terrifié, Platine vit apparaître une bride en cuir, et un large foulard.

- Il ne sert plus à rien de la nourrir. Dans quelque heures, elle ne sera plus de ce monde.

Les deux gardes attrapèrent le cou de l'alicorne, la forçant à se soumettre. Elle poussa un glapissement de surprise, raclant le sol de ses jambe tendues, et ploya d'un seul coups. Platine vit disparaître ses immense yeux noirs sous le foulard, que les geoliers enroulèrent autour de son museau et jusqu'a ses oreilles, et ils lui passèrent la bride, l'entraînant au dehors. L'alicorne trébuchante et aveuglée résista, sursauta à un coups de cravache porté sur ses fesses striées de trace rouges, et gémit le nom du pégase, le dernier mot qu'elle semblait connaître. Lorsqu'il disparurent au loin, Platine s'effondra, éperdu de douleur, et le raclement rauque de sa respiration lui avertit qu'il n'avait pas cessé de hurler.

Dans la cour du chateau, la foule de Nombreux Galops et quelque poneys alentours etait rassemblée, dans l'expectation de ce qui allait suivre. Trônant au soleil, luisante, la guillotine sortie des caves et montée en hâte était l'objet de toute les attentions, toute les discussions. Depuis quand n'y avait-il pas eu d'execution publique? Certains frémissaient rien que d'y penser, mais le spectacle serait admirable. Des pégases faisaient du vol stationnaire, rendant les rare terrestres coincés derrière tout le monde malade de jalousie, des licornes avaient amené un siège et se tenaient debout dessus, pour mieux voir, les nobles et les plébéiens de la ville avaient oublié, un instant, les rivalité ancestrales pour assister à ce qui serait l'un des plus uniques et des plus forts évenement de toute l'histoire d'Equestria.

- Vous voyez, dit Vladimir, assis au milieu de la tribune impériale d'ou flottaient les drapeaux du nouveau règne aux ministres et dignitaires de Zebraïca, fraîchement arrivés pendant la nuit, nous ne tardons pas a prendre notre histoire en main. Ce stupide blocus sur le sucre sera bientôt levé, et cette cérémonie clora la réouverture des routes commerciales, et le début d'un monde nouveau pour nous tous.

- Voila qui est flatteur, Sire Vladimir, dit le zèbre, mais voila bien une impressionnante manière de mener une succession. Nous sommes bien d'accord qu'il ne faudrait pas que ça devienne systématique, n'est-ce pas? continua t'il avec humour.

- Certes, répondit le nouveau roi avec un rire gêné, mais il s'agit là d'une juste remise en place des choses, allons, ni vous ni moi n'arrivons à saisir la mesure de la cruauté de ses actes, et il faudrait plusieurs vie pour l'égaler. Soyons clair, ce qui s'apprête a se dérouler ici est le point final a une interminable série de crimes. Regardez le peuple qui est en liesse!

- Elle etait donc si terrible, cette reine? Après tout, nous ne l'avons pas souvent vue, elle passait surtout en coups de vent.. Et ce chateau, cette ville, si charmant, il est étonnant de se dire qu'ils ont vécu si longtemps sous un joug si impitoyable.

- Vous n'imaginez même pas, dit Vladimir en se resservant de la liqueur de poire, elle est l'image même de la plus épouvantable horreur qui puisse exister sur terre.

Le diplomate se relaxa sur son fauteil, contemplant la foule. Vladimir eut l'impression qu'il n'etait pas convaincu. Oh, peut-être avait il embelli certains termes, peut-être avait-il dû résumer un peu l'histoire..

Et enfin, les portes du chateau s'ouvrirent et les gardes imperiaux, l'armure luisante de mille feux, apparurent. Une immense clameur monta de la foule, inondant la cour du chateau de vivats qui firent place à des imprécations à l'apparition de l'alicorne, lavée et blanche comme de la neige, qui regardait autour d'elle avec fébrilité, ne pouvant rien voir. Sa bride fut tirée, et elle descendit maladroitement les escaliers entre les gardes, ratant les marches et tatonnant pour trouver la prochaine prise.

-A mort l'alicorne! hurlèrent les poneys rassemblés de l'autre coté de la guillotine. Longue vie au roi!

Sur l'estrade se tenait un poney agé aux vêtements noirs comme de l'encre et a la crinière finement poudrée. Les vieilles traditions étaient de retour, et le cachet que cette allure donnerait à la scène serait inoubliable, avait assuré Vladimir.

- Seigneur, c'est donc bien elle, dit le zèbre.

- Comment, vous n'en étiez pas sûr? Demanda Vladimir avec nonchalance.

- Je ne l’ai jamais vue.. Comme ça, vous voyez, dit le diplomate en terminant son verre d'un coups, sans pouvoir détacher ses yeux de la créature.

Son corps était endolori mais avait conservé sa grâce. Ses longue et fine pattes hésitaient a chaque marche, effleurant le bois avec une douceur imperceptible, les muscle roulaient sous sa peau pour propulser son corps souple à la démarche féline, son immense crinière que nul ne pouvais toucher flottant au vent avec légereté. Lorsqu'elle apparut au bout de l'estrade, surplombant la foule, une huée colossale naquit, l'effrayant et la faisant reculer d'un pas.

-Dame Celestia, commença le juge, en faisant se taire tout le monde d’un geste bref. Vous avez été menée ici pour juger de vos crimes, et si vous etes reconnue coupable, pour endurer la sentence qui sera la plus appropriée, dans le cadre de la justice et des lois en vigueur dans cette nouvelle monarchie. Avant que le jugement commence, avez-vous quelque chose à dire?

Celestia ne dit rien. Celestia reniflait l'air, inquiète.

-Que la séance commence, alors. Un cahier fut amené devant le vieux poney qui chaussa des lunettes et commença à lire.

-Monopole du pouvoir. Oligarchie. Suprématie. Crime contre l'équicité. Calinage de pouliche.

Une rumeur terrifiée monta de la foule, devant l'énonciation de ces crimes.

-... Violences familiales, violences patronales, catastrophes naturelles. Endoctrinement. Dame Celestia, reconnaissez vous ces crimes comme étant les vôtres?

Celestia ne dit rien. Son sabot racla le sol et elle émit un léger hennissement.

-Seigneur, murmura le zèbre, mal a l'aise. Pour un tyran, j'en ai connu de plus dynamiques. Vous etes sûr qu'il n'y a pas..

-Ne vous en faites pas, dit le roi d'Equestria avec un geste désinvolte. Revenons plutot à ce contrat. Nous nous engageons à fournir personnel et moyens financiers, en échange d'une reprise des exportations la plus rapide possible..

-Avez vous quelque chose à dire pour votre défense, Dame Celestia?

Celestia, une fois de plus, ne répondit rien.

-Vous avez été reconnue coupable de ces crimes. La sentence qui s'applique est la mort par décapitation, termina le juge. La séance est levée.

Un hurlement d'approbation jaillit de la foule, qui tambourina le sol et fit trembler le verre sur la table de Vladimir.

-Attendez, dit Vladimir. Combien y a t'il de zeros à ce chiffre?

-C'est l'investissement initial pour la multiplication des ressources équines, dit le Zèbre en jetant de furtif coups d'oeil à la guillotine. Ca ne se fait pas comme ça, récolter du sucre, c'est l'unique moyen pour arriver à nos fins.

La lourde plaque en bois de la guillotine fut levée, et deux gardes firent ployer la tête de l'alicorne, qui hennit et essaya de se dégager.

-Combien y a t'il de zéros?

-Allons, vous le voyez bien, il y en a huit!

Un coups de fouet fut donné, puis un deuxieme, un troisième, jusqu'a ce que Celestia se soumette, pantelante, baveuse. Sa tête fut passée dans l'ouverture et le verrou refermé.

-Seigneur, j'en avais vu sept dans la première version du contrat. Mais, il n'y a pas assez de trésorerie au chateau!

-Comment ça, dit le zèbre en le foudroyant du regard, "pas assez de trésorerie au chateau"?

-On a pas encore levé les impots. Je devrais vous payer plus tard, si vous pouviez attendre une semaine..

L'ambassadeur s'abattit au fond de sa chaise en râlant.

-Je regrette, ça n'est pas possible. je ne suis pas venu pour rien, il me FAUT cet argent immédiatement, sinon on ne pourra pas lancer le processus. Investissement initial, ça vous parle?

La lame fut hissée au sommet de la rampe. La foule retint son souffle.

-J'ai besoin de ce sucre TOUT DE SUITE, rugit vladimir, saisissant son interlocuteur par le col. Je ne peut pas attendre, pas après toute les promesses que j'ai faite. Tout était bon, au début, vous vous prenez pour qui, le rayé?

-Donnez moi l'alicorne.

-Pardon?

-Je vous la prend, et vous avez le sucre. Maintenant.

-Vous voulez..?

-Maintenant!

Le bourreau lâcha la corde, qui se dévida à toute vitesse.

-BON DIEU, STOP! hurla vladimir en se jetant par dessus la rambarde, manquant de tomber, faisant voltiger la table devant lui et son contenu.

Le poney cagoulé eut une seconde d'hésitation, qui fut fatale. La corde lui échappa, lui brûlant les sabots, et la lame se coinça dans une esquille de bois, entamant légerement le cou de l'alicorne qui glapit. Le materiel était très vieux.

Le coeur battant, les yeux ecarquillés, Vladimir ne pouvait pas croire à sa chance. Le bourreau attrapa la corde et fit mine de la retenir un peu, au cas ou personne n'aurait rien remarqué.

-Je vous la prend, dit le zèbre en posant sa patte sur l'épaule de vladimir, en guise de cadeau magnifique pour notre souverain, et pour sceller notre nouvelle alliance.

Le train partira avant nous. Nous rentrerons à Zebraïca par la route des caravanes.

Citation :

d'ou s'était enfuit
chacune des phrase
chacune des démonstration
dans une trou sordide
des rat immonde
était une ennemi
elles avaient perdue
un coups de tonnerre
qu'une personne qui connaissais
strillées > striées
l'un des plus unique et des plus fort
Certe

Des fautes de pluriel constellent votre récit, soyez un peu plus attentifs quoi, je n'en ai relevé que le quart, là.

Mais bon, un bon coup de lance-flammes...enfin bref.