Pinkie fut réveillée par quelque chose qui tirait sur la boucle de cheveux qui pendait sur son front. En ouvrant les yeux, elle trouva Gummy qui avait escaladé sa tête pendant son sommeil, et s’affairait à se battre avec la mèche de crin rose, tentant moins bien que mal de la saisir correctement entre ses mâchoires édentées.
- C’est pas de la barbe à papa, Gummy ! dit Pinkie en riant alors qu’elle retirait l’alligator de son épaisse tignasse bouclée avec précaution, essayant de ne pa emmêler les griffes du reptile dans les crins.
- Salut, Pinkie, fit une voix non loin d’elle.

Elle releva la tête du sol sur lequel elle s’était endormie, pour découvrir un double d’elle, avec la crinière parfaitement lisse et un air mauvais sur le visage, semblable à un masque dont elle ne se séparait jamais.
- Salut, Pinkamena ! dit joyeusement Pinkie. Alors, comment ça se présente aujourd’hui ?
- Mal, comme d’hab. Vaut mieux que ce soit moi qui prenne les rênes de ce genre de situations.
- Ah non ! s’indigna Pinkie. Ca fait trooooop longtemps que je suis pas sortie !
- Tu ne me laisse jamais sortir, rétorqua Pinkamena en insistant sur le « jamais ».
- Mais c’est pas pareil ! Toi t’es… t’es triste !
- C’est pour ça que c’est moi qui dois piloter. On est pas dans une situation marrante là, Pinkie. Tes amies sont en mauvaise posture, et je ne sais pas franchement où nous en sommes non plus.

Pinkie considéra un instant Pinkamena et leva le nez en se frottant le menton d’un sabot, en pleine réflexion.
- Ok, pourquoi je devrais TE laisser piloter ?
- Parce que je suis réfléchie, réaliste, et que je peux bien m’adapter à la situation, répondit Pinkamena sur un ton blasé.
- Exactement ! fit Pinkie avec un grand sourire.
- Alors j’y vais !
- Mais non, banane ! C’est exactement pour ça que je reprends le contrôle ! fit Pinkie en se levant sur ses pattes arrières et en posant un sabot sur son torse d’un air triomphant.
- Tu es timbrée, illogique, et beaucoup trop joviale pour gérer une situation comme celle là, grogna Pinkamena.
- Et c’est pour ça que je sors ! Pense un peu dans la cheminée, Pinkamena !
- C’est « en dehors de la boîte », l’expression.
- Tu vois ! T’es pas qualifiée !

Avant que Pinkamena ait pu protester, Pinkie sortit gaiement de la pièce, passant une grande porte décorée de sa Cutie Mark.
Elle connaissait bien cette porte, et la pièce vide qu’elle quittait dans laquelle elle abandonnait Pinkamena. Cet endroit, elle le voyait souvent dans sa tête quand elle dormait, ou quand elle réfléchissait, et elle se disputait sans cesse avec Pinkamena sur la conduite à adopter face à de nombreuses situations.
La porte, elle, était celle qui permettait de revenir dans le monde réel, celle qui sortait du cerveau de Pinkie Pie et lui permettait d’agir normalement avec son entourage ou non, dépendant de qui la passait. Si Pinkie passait cette porte, Pinkie Pie était égal à elle-même le plus souvent depuis qu’elle vivait à Ponyville. Si Pinkamena passait la porte, elle devenait sombre, acariâtre, comme pendant ces dernières semaines.

En passant la porte, Pinkie se retrouva dans sa chambre, dans l’appartement qui occupait le dernier étage du Sugar Cube Corner.
En voyant le soleil briller par sa fenêtre, elle traversa la chambre en trottinant gaiement, bien décidée à profiter de la belle journée qui s’annonçait au-dehors pour chercher ses amies et leur donner un coup de patte.
D’ailleurs, comment était-elle arrivée au Sugar Cube Corner, malgré ce qu’avait dit Pinkamena, comme quoi ses amies étaient en mauvaise posture ?

Pinkie s’engagea dans les escaliers en réfléchissant, bien décidée à trouver réponse à ses interrogations une fois dehors.
Alors qu’elle traversait le couloir menant vers la sortie, une odeur sucrée bien connue vint lui effleurer les narines.
Des cupcakes tous frais.
Elle se dirigea vers la cuisine, afin de voir si elle ne pouvait pas en emporter un ou deux pour se donner du courage. Ou juste pour avaler sa dose minimale de sucre quotidienne qu’elle n’avait pas eue depuis trop longtemps.
A peine eut-elle passé la tête dans l’encadrement de la porte menant à la cuisine que M. Cake la remarqua et l’interpella.
- Ah, Pinkie, tu tombes bien ! s’exclama le grand poney roux à la robe jaune.
Nous avons besoin de ton aide quelques minutes, si tu veux bien, dit sa femme.

Piquée au vif, Pinkie entra complètement dans la cuisine, espérant que le couple serait suffisamment distrait pour ne pas remarquer qu’elle comptait dérober quelques biscuits.
Elle découvrit sur une table un superbe assortiment de six cupcakes au glaçage multicolore, chacun présentant un schéma de couleurs particulier. Les deux pâtissiers se tenaient de l’autre côté de la table, devant un grand rideau tendu qui masquait probablement un quelconque élément secret.

- C’est une nouvelle recette que nous venons de créer, expliqua la jument replète à la ponette rose. Et nous aimerions que tu nous dise ce que tu en penses, toi qui t’y connais presque aussi bien que nous en pâtisseries.
- Avec plaisir ! s’exclama Pinkie, toute heureuse d’être carrément embauchée pour tester les créations de ses patrons. Elle allait pouvoir s’en mettre plein la panse sans qu’on lui fasse de reproches.

Elle s’empara avidement du cupcake au glaçage aux couleurs de l’arc-en-ciel. Elle l’enfourna tout entier dans sa bouche sans plus de cérémonie, avant de le mâcher bruyamment.
Elle lui trouva un goût très étrange, qui ne ressemblait à rien de ce qu’elle connaissait. Aucun rapprochement n’était faisable avec des saveurs connues et reconnues. Mais même si cet ingrédient mystère était décidément très mystérieux, le gâteau en restait indéniablement délicieux, digne du talent des Cake.

Pinkie en saisit un second, aux couleurs caramel et chocolat, et l’avala de même sans aucune forme de procès.
Elle sentit alors quelque chose de bizarre sur sa langue. Elle la frotta d’un sabot habile, et découvrit qu’elle avait avalé des poils bruns. Pourtant, personne dans le bâtiment n’avait de poils bruns aussi longs que ceux-là…
Elle n’en fit que peu de cas, et se jeta sur un cupcake blanc, espérant qu’il s’agissait d’un cupcake saveur marshmallow. Mais rien à faire, il avait le même goût que les autres.

Alors qu’elle mordait joyeusement dans le biscuit, Mme Cake lui demanda avec un étrange sourire :
- Tu aimes tes amis, Pinkie ?
- Bien sûr ! répondit-elle comme s’il s’agissait d’une évidence. On s’amuse tellement plus avec ses amis !
- Ils doivent être absolument adorables, fit Mr. Cake avec le même étrange sourire.
- On en mangerait, renchérit sa femme.
- C’es bizarre de dire ça, mais c’est vrai ! avoua Pinkie en savourant son cupcake, qui n’avait pas du tout le goût de marshmallow comme elle l’avait espéré.
- Alors ? Quel goût ont-ils ? demanda Mme Cake.
- Comment ça ? fit Pinkie, incrédule, la bouche barbouillée de sucre glace.

M. Cake tira d’un coup sec sur le rideau, qui chut au sol dans un brut mat.
Derrière se trouvaient les six peaux des amis de Pinkie en dehors d’Harmonie. Twilight, Fluttershy, Rainbow Dash, Applejack, Rarity et même Loki étaient exposés, privés de leur tête, de leurs os et de leurs organes, dans une mise en scène morbide. On aurait dit d’horribles tapis de salon.
Pinkie laissa tomber ce qui restait de son cupcake sur le sol, bouche bée.

- Alors, que dis-tu de notre ingrédient secret, Pinkie Pie ? fit Mme Cake d’une voix doucereuse, un sourire malsain aux lèvres.

Pinkie observa un instant les carcasses d’un air incrédule, ses yeux sautant d’une peau à une autre, sans parvenir à faire le lien entre ces loques poilues et les êtres qu’elle aimait et chérissait plus que tout.
Puis elle se mit à rire.

Elle riait de bon cœur, comme si elle croyait que ses amis allaient surgir, bien vivants, d’un instant à l’autre.
Les Cake ouvrirent des yeux ronds, ne pouvant détacher leur regard ébahi de la ponette qui riait aux éclats de sa voix haut perchée.

-Qu’y a-t-il de drôle ? grogna Mme Cake.

Pinkie était bien trop occupée à se tenir les côtes pour répondre.

- Qu’est-ce qu’il y a de drôle ?! répéta M. Cake.

L’incompréhension laissa place à la colère. Ils s’étaient donnés du mal pour retrouver, abattre, dépecer chacune de leurs six victimes, avaient passé des heures à réduire leurs os en poudre pour en faire de la farine et à broyer leur chair pour la rendre possible à incorporer dans la pâte à cupcake, et cela faisait rire leur principale cible.

Cette dernière finit par renifler bruyamment pour reprendre son souffle et cessa difficilement de rire.
- C’est une super blague ! gloussa-t-elle avec un grand sourire amusé. Super bien préparée, les cupcakes préparés à partir de mes amis et tout et tout, ça sent un peu le déjà-vu mais c’était bien mis en scène ! Quand j’ai vu les fausses peaux j’étais « Haaaannnn !! » Franchement, chapeau ! dit Pinkie en commençant à applaudir.
- Ce n’est pas une plaisanterie, abrutie ! aboya la ponette bleue.
- Alors pourquoi le cupcake blanc – c’est Rarity hein ? Il est blanc et elle elle est blanche alors je me suis dit voilà quoi – il avait pas le goût de marshmallow ? demanda Pinkie à toute vitesse. Tout le monde sait que Rarity est un marshmallow.
- Parce que les poneys ne sont pas des marshmallows et que la chair de poney n’a pas ce goût là, imbécile ! tonna Mme Cake.
- Mmmm… Pas convaincue.

Les Cake poussèrent à l’unisson un hurlement de rage et de frustration, d’une voix terrifiante, venue des confins du monde, et qui effraya un peu Pinkie.
Leur image s’assombrit, jusqu’à ce que chacun ne soit plus qu’une ombre vaporeuse, et ils fusionnèrent pour en former une autre, plus grande, au cœur de laquelle s’allumèrent deux yeux luisants comme les flammes du Tartare et au-dessus desquels s’allongèrent deux grandes cornes torsadées.
- Petite idiote ! grogna le démon, incapable de maîtriser son déguisement sous la rage et la frustration que lui causait le poney. Pourquoi ne peux-tu pas comprendre la terrible réalité de la situation ? Tu as mangé allègrement la chair de tes propres amis, que j’ai tués et décapités de mes mains ! Tu as vu leurs restes, tu as senti leur goût dans tes petits gâteaux adorés ! Que dis-tu de cela ?
- J’en dis que tout ça n’est pas réel, affirma Pinkie avec assurance.
- Qu’est-ce qui te rend si sûre de toi ?
- Si c’était la réalité, je pourrais pas faire…ça !

Elle plongea sous la table qui la séparait du monstre, et en ressortit avec un lance-flammes entre les sabots, la bonbonne de gaz harnachée sur le dos.
- Hé, mais c’est pas ça que j’avais mis là ! s’indigna-t-elle, alors que le démon peinait à comprendre comment un tel objet avait pu sortir de nulle part, étant certain qu’il n’y avait rien sous cette table auparavant.

- Rire devant les méchants, c’est bien joli, mais pour les vrais gros méchants comme toi, il faut parfois un petit coup de pouce, déclara Pinkie en ouvrant la vanne de gaz, déclenchant le système d’allumage du gaz volatil de son arme.

Pinkie était heureuse de ne pas avoir écouté Pinkamena. La pauvre se serait sûrement mise dans tous ses états pour une simple blague, et elle n’aurait pas pu livrer bataille comme Pinkie s’apprêtait à le faire à grand coup

Le démon recula, en proie à ce qui s’apparentait chez lui à du doute et de la peur. Ce poney était parvenu à briser partiellement l’illusion qu’il avait créée dans son esprit, bâtissant un Sugar Cube Corner à l’image des souvenirs du poney, pour en faire un terrain de jeu exclusif à sa nature démoniaque. Et voilà que ce poney violait les lois infernales et celles de la raison, en s’appropriant le domaine démoniaque comme si de rien n’était.
Maintenant, le démon était en territoire ennemi. S’il restait à portée du lance-flamme, son esprit pouvait disparaître dans le néant, détruit par celui fou à lier, même selon les standards démoniaques, du poney rose. Il fallait qu’il quitte l’endroit au plus vite, par la sortie qu’il avait créée : celle du Sugar Cube Corner lui-même

La bête projeta la table sur Pinkie et chercha à s’enfuir. Elle esquiva d’un bond, et le regarda se précipiter dans le couloir pour atteindre la sortie.
Mais il était trop tard, à peine le monstre avait-il faussé compagnie à la ponette qu’elle se trouvait à nouveau devant lui, bloquant la seule issue possible.
Comment lui, un chef démoniaque, avec de nombreuses légions sous ses ordres, avait-il pu être battu à son propre jeu ?
Ce poney n’était pas un être normal. Si tous étaient comme lui, les démons maintenant sous les ordres de Discord couraient à leur perte.

- Vrouff, fit Pinkie avec un air neutre sur le visage.

Elle pressa la détente, et la fournaise envahit le petit couloir de la pâtisserie, enveloppant la noirceur des ténèbres éternelles dans sa lumière purificatrice.


Sans savoir pourquoi, ni comment, Pinkie eut l’impression de voir un fondu au noir dès que le démon avait disparu en hurlant dans les flammes projetées par son arme, et elle se trouvait maintenant dehors, surplombant son propre corps endormi, un petit filet de salive coulant à la commissure de ses lèvres, dans le campement ou Discord avait attaqué.
D’ailleurs, elle pouvait le voir de là où elle était, occupé à discuter avec une Harmonie toujours prisonnière de ses anneaux et plus que réticente à tout dialogue.

Par un moyen qu’elle ignorait encore, Pinkie Pie venait de quitter son corps, et était parvenue à le faire avec un lance-flammes imaginaire harnaché sur le dos.
Loki devrait pouvoir l’aider. C’était son truc ça, les expériences bizarres de l’esprit.
Elle le trouva sans mal, la fumée noire précédant son rêve étrange ayant disparu, et il tenait dans sa patte le sabot de Rarity.
Elle marcha tranquillement vers lui, et, suivant son instinct déjanté, sauta à sabots joints dans le crâne du coyote.
Nouveau fondu au noir.

Elle atterrit dans une pièce aveugle, mal éclairée, et dans un état de délabrement avancé. Pas un cadre très joyeux.
Elle entendait également un bruit de sabots qui s’éloignaient d’elle, mais n’y prêta pas attention. Qui que ce fût, s’il s’en allait, ce n’était pas plus mal.

Elle chercha le coyote des yeux. Elle se demanda un instant s’il se trouvait dans le même cas qu’elle, qu’un démon rôdait quelque part dans le noir alentour.
Au fond, elle s’en fichait. Elle voulait juste donner un coup de patte et avoir quelques renseignements sur son étrange condition de voyageuse extracorporelle. ce n’était pas la première fois qu’il lui arrivait quelque chose d’étrange, mais ça restait une première dans le genre.
Elle le trouva recroquevillé sur lui-même dans un angle formé par deux murs, les pattes repliées sous lui et masquées par la queue qu’il tenait serrée contre son flanc. Il avait l’air misérable, et tremblait de terreur. Son oeil était fermé au point ou ça aurait presque commençé à faire mal, forçant sur la paupière pour ne pas la rouvrir.

- Eh ben alors ? Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? s’enquit la ponette.

Loki eut un violent sursaut de frayeur en entendant la voix de Pinkie. Ses poils se hérissèrent, et sa queue se raidit en reprenant sa place, dévoilant les pattes avant liées et la muselière de cuir qu’il portait.

- Pinkie ? s’étrangla-t-il, parlant avec peine à cause de la muselière. Comment t’es arrivée là ?
- Je sais pas, c’est pour ça que je viens te voir. Et pourquoi t’es attaché comme ça ?
- Fous le camp ! Vite ! ordonna le coyote sans prendre la peine de répondre.
- Mais je sais pas comment on fait ! Je sais juste que ce qu’on voit est pas complètement vrai, après le reste je sais pas trop…

Loki dressa les oreilles, et cessa presque de trembler.

- Tu dis que ce n’est pas la réalité ?
- Non, c’est pour ça que j’ai ça, dit-elle en exhibant son lance-flammes. Je sais même pas d’où il sort.
- Tu peux contrôler la réalité ? redemanda Loki, avide d’en savoir plus.
- Mais j’en sais rien, moi ! geignit Pinkie. Et puis c’est moi qui veux savoir des trucs !
- Moins fort ! gronda Loki. Pourtant, si tu as réussi à entrer ici, c’est que tu pouvais réintégrer ton corps. Maintenant file d’ici. Si tu le désire assez fort, il n’y aura pas de problème je pense.
- Hein ? Je fais pareil pour rentrer dans mon corps que pour rentrer ici ? Et je sors comment, maintenant ?
- Pour sortir je sais pas, mais pour rentrer, c’est bien ça.

Il ferma l’œil, et entra dans une profonde concentration. Pinkie préféra ne pas le troubler, et se concentra à son tour.
Elle tenta de se visualiser hors de cet endroit inquiétant, sentant le souffle du vent sur son visage et la neige cendreuse sous ses sabots. Elle procéda de la même manière que quand elle avait intercepté le démon en fuite dans le Sugar Cube Corner, en visualisant en détails le lieu d’arrivée.
Une fois l’image redessinée avec netteté dans son esprit, Pinkie fit un bond en avant, et disparut.


Loki s’évertuait à ne plus penser à ce qu’il venait de vivre, juste avant que Pinkie n’apparaisse de nulle part.
Mais c’était presque impossible. Comment oublier ce monstre ?
Cette chose qui avait volé l’apparence de Rarity dans le seul but de le molester ?

Au début, il avait pris du plaisir, et s’en sentait à présent terriblement coupable.
Les caresses, l’oreille qu’elle lui avait mordillé, les gratouilles qu’elle lui faisait à la base du crâne tout en l’embrassant sans aucune retenue, tortillant son corps contre sa fourrure… tout ça l’avait excité.
Les chaînes qu’il portait aux pattes et la muselière qu’elle avait fait apparaître, beaucoup moins.
Et le monstre avait profité de lui. Il avait profité d’un instant de faiblesse face aux bas instincts de Loki pour assouvir ses terribles appétits.

Pour Loki, l’expérience avait été douloureuse et terrifiante.
Le corps de cette infâme succube n’était rien de plus qu’une caverne gelée et aride, impossible à aimer comme celui d’une vraie femme – ou d’un vrai poney dans ce cas précis. Si c’avait été la vraie Rarity, nul doute que Loki aurait adoré l’expérience. Mais ce démon avait usurpé son apparence pour endormir la vigilance du coyote, et ensuite laisser derrière lui un Loki brisé par la violence et la durée de l’acte.
Il avait mal, car la succube ne lui avait pas laissé un seul instant de répit, pas de repos, faisant tout pour le maintenir dans un état d’excitation permanente. Et l’acte lui laissait un arrière goût de peur en plus de la douleur, et il se sentait vide à l’intérieur, comme privé d’une partie de son âme.
Il avait été traumatisé à vie. Lui qui pensait qu’aucune femelle ne pouvait abuser d’un mâle, il avait été détrompé de la manière la plus violente qui fut.

Même lorsqu’il parvint à chasser ces terribles pensées, le visage de Rarity corrompu par un effroyable sourire de l’ange et un air pervers, ou des grimaces de jouissance feinte, s’imposait à son esprit troublé.

En y mettant toute la force qui lui restait, il se concentra sur le souvenir du visage souriant de Rarity, celui qu’il aimait par-dessus tout et qui seul méritait son amour, et parvint à chasser les images du démon, parvenant de même à faire le vide.
Il redoubla alors de concentration.

Au bout de quelques instants, il sentit les chaînes qui enserraient ses pattes ainsi que la muselière qui l’empêchait de mordre glisser de son corps, le libérant de leurs contraintes et de leur morsure.
Il fit claquer ses mâchoires, tant pour se rassurer que pour tester leur force.
Il allait devoir s’en servir très rapidement.

Il se releva, et observa le sol à ses pieds, sur lequel rampaient quatre cobras couleur de nuit.
Grâce à Pinkie, ses entraves étaient devenues des armes.
Sur un ordre mental, les reptiles grimpèrent autour de ses pattes et s’installèrent sur son dos. Il entra alors dans les ténèbres, à la poursuite du démon.
Le coyote réclamait vengeance.


Rarity entendit un bruit de sabots venir vers elle depuis l’ombre impénétrable.
Elle se recroquevilla immédiatement dans le petit recoin formé par l’angle du meuble et du mur, essayant de retarder un peu son nouveau supplice.
Malgré toutes les difficultés du monde qu’elle avait lorsqu’elle devait marcher, elle avait jeté la boîte à musique au sol, et l’avait piétinée rageusement avec toute l’énergie de la peur et du désespoir. Chaque note s’accompagnait auparavant du réveil des douleurs qui lui cuisaient l’abdomen, et faisait remonter les terribles images qu’elles avaient accompagnées. Depuis ce premier viol sauvage, la chanson qui avait une place spéciale dans son cœur en aurait une dans ses cauchemars.
Et elle sentait que ce massacre de son propre corps n’était que le premier d’une longue série.
Le maigre espoir qu’elle avait placé dans sa cachette improvisée fut rapidement déçu. La silhouette du démon commençait à se découper dans l’obscurité, et il avançait droit vers elle, toujours en ayant adopté la forme de Rarity elle-même.

- Me revoilààà, chantonna la créature infernale. Je t’ai manqué, ma chérie ?

Le démon avançait vers la licorne à pas lents, lascifs, laissant planer l’angoisse encore plus longtemps dans l’esprit de sa victime.
- Tu sais, je pensais qu’on pouvait peut-être faire un truc à trois… Ton petit copain, là-bas, c’est un sacré chaud lapin. Il tient pas longtemps, mais la vache, il envoie ! Et je te garantis qu’il t’adore.

Alors violer Rarity n’était pas suffisant pour cet esprit sadique ? Il avait en plus dû s’en prendre à Loki –qui apparemment ne s’était pas fait prier, ce qui était bien pire ? Et maintenant il la torturait mentalement, entretenant l’hypothèse selon laquelle Loki n’aimait Rarity que pour son corps, celle qui causait tant de douleur à la licorne ?

- Je te propose de venir gentiment avec moi, et on ira lui faire un petit coucou, d’accord ? minauda le démon. Tu viens ?

Rarity n’osa pas bouger. Elle en était de toute façon bien incapable, son bassin refusant de supporter son poids.
- Apparemment tu n’es pas très motivée… Mais je connais un bon moyen pour remédier à cela.

Le démon fit apparaître une cravache à quelques centimètres de sa tête, et la lécha d’un air obscène avec sa langue fourchue démesurée.
Sourire aux lèvres, la bête continua sa progression vers la licorne.

Soudain, quelque chose surgit des ténèbres, et s’abattit sur la croupe du démon.

Loki était venu. Il était venu délivrer Rarity.
Une immense joie vit le jour dans le cœur de la licorne. Elle oublia un instant le doute que le démon avait instillé en son cœur, oublia une seconde la douleur et l’horreur desquels elle avait été le jouet.
Loki était venu pour elle, comme le preux héros dont toutes les jeunes pouliches rêvaient.
Il pesait de tout son poids sur la croupe du démon, mordant les chairs avec violence, lacérant le flanc du monstre de ses griffes. Il tentait de l’entraîner au sol où il prendrait l’avantage.
Les serpents qui étaient sur son dos glissèrent silencieusement sur le sol, et plantèrent leurs crochets venimeux dans la chair tendre des membres démoniaques, qui s’effondra rapidement sous le poids de Loki et l’action du venin.
Maintenant son adversaire au sol, le coyote tenta de le faire rouler sur le dos pour atteindre la gorge. S’il parvenait à refermer ses crocs dessus, tout serait fini.
Mais le démon asséna un violent coup de cravache sur une oreille de Loki déchirant la fine membrane de peau et arrachant un couinement aigu de douleur au coyote, qui recula vivement.
Le démon parvint à rouler sur lui-même et à se remettre sur pieds, écrasant deux serpents et se servant de ses ailes comme béquilles pour remplacer ses bras anesthésiés par la brûlure du venin des cobras.
Il se rua sur Loki, et lui asséna un coup de tête en plein museau, fracassant le cartilage et sonnant Loki, suffisamment pour le faire basculer au sol d’un coup d’aile.
Le démon se plaça au-dessus de lui, et posa un moignon sur sa gorge.
- Petit fumier, je croyais m’être suffisamment bien occupée de toi pour que tu regrette d’être un mâle !

Loki claqua des mâchoires. Sa truffe et sa gencive supérieure inondaient sa bouche de sang, dont le goût métallique lui donnait des pulsions meurtrières. Son oreille en sang lui donnait froid.

- Tu fais pas le poids contre moi, assura le démon. Et je crois que ta copine est pas en état, vu la façon dont je l’ai baisée tout à l’heure. Elle pourra littéralement pas s’en relever ! gloussa le démon de sa propre blague.

Loki ferma rapidement l’œil et se concentra à nouveau, pendant que le démon se croyait assuré de sa domination.
Il n’avait qu’un ordre à donner, et le démon serait battu grâce à son propre point fort.
Il leva la cravache, prêt à en enfoncer l’extrêmité fine dans la gorge de Loki.
Il ne vit pas le cobra d’ébène qui rampait derrière lui.
Le reptile se détendit subitement, et planta ses crochets là où la peau était la plus fine et la plus tendre, à l’entrée de la caverne gelée et aride.

La fausse Rarity hurla de douleur et bondit en avant, libérant Loki du même coup. Elle tenta de ruer, mais le serpent avait filé à l’abri depuis longtemps.
Loki se jeta sur elle, et la frappa violemment sur le côté de la tête, traçant quatre profondes estafilades sur sa joue et l’envoyant rouler au sol.
Il bondit, et referma ses crocs autour de la trachée du démon, traversant sans peine la couche de peau fine du cou. Il serra les mâchoires, bloquant la respiration de la créature, qui se débattait avec toute l’énergie qu’elle pouvait déployer.
Loki tint bon, bloquant les ailes au sol avec ses pattes antérieures, et tirait violemment de droite à gauche et de gauche à droite sur le cou de son adversaire, réduisant la gorge blanche en lambeaux.
Le démon finit par s’immobiliser, la respiration sifflante faisant gargouiller le sang qui baignait la trachée rompue.
La bête expirait enfin.

Loki se tourna vers Rarity, qui avait surmonté la douleur et s’était levée, les pattes arrières encore un peu flageolantes. Loki remarqua de fines traînées de sang à l’intérieur de ses cuisses, et n’osa imaginer dans le détail ce que le démon avait pu lui faire subir.
Rarity se mit au niveau du monstre à l’agonie, qui la suivait d’un œil exorbité.
Elle stoppa au niveau du crâne de sa jumelle maléfique, et lui jeta à travers ses yeux humides un regard assassin comme elle n’en avait jamais jeté à quiconque.
Un violent coup de sabot fit éclater l’arcade sourcilière du démon. Un second lui écrasa l’œil.
Le monstre ne pouvait plus crier, la trachée sectionnée. Seuls des sifflements de plus en plus étouffés parvenaient à sortir de sa gorge.

Rarity, elle, se déchargeait de toute sa peur, de toute sa rage et de toute sa douleur, sur ce visage qui était le sien, et dont elle ne pourrait plus croiser le regard avant longtemps.
Cette chose lui avait volé son identité, avait fait d’elle une étrangère à son propre corps, incapable de se rendre à l’évidence que cette enveloppe souillée jusqu’au cœur par la semence démoniaque était son propre corps, celui qu’elle avait soigné et chéri pendant tant d’années.
Lorsqu’un dernier coup de sabots fracassa le crâne du démon, Loki la repoussa doucement, s’efforçant de ne pas regarder son visage.
- Ca ne sert plus à rien, Rarity. C’est fini.

Elle non plus n’osa pas croiser le regard du coyote. Bien que sa présence lui ait été nécessaire, pour la consoler et la rassurer, son image restait douloureuse à contempler.

Loki finit par lever l’oeil vers le visage de Rarity. Il s’efforça de rejeter les images qui s’imposaient à lui, celles du visage terrifiant au sourire de l’ange, et contempla celui de la vraie Rarity, inondé de larmes qui avaient creusé des sillons grisâtres dans la fine fourrure qui couvrait ses joues, les yeux bleus glace rougis par la souffrance et la peur.
Rarity devait avoir l’air encore plus misérable que lui.
Et que pensait-elle ? Qu’avait-elle subi en plus de sévices corporels, dans l’antre de ce démon ?
Il tenta de rassurer Rarity en se frottant contre elle, par son contact chaud et doux, l’esprit obnubilé par ces deux questions, de peur de penser à autre chose.
Puis ce fut le noir.

Loki ouvrit l’œil une nouvelle fois. Il était à nouveau étalé dans l’herbe, la patte de Rarity encore dans la sienne, et elle ouvrait péniblement les yeux à son tour.
Les souvenirs lui revinrent. Discord, les sphères d’ombre vaporeuse.
Tout ça n’avait donc rien eu de réel.

Il se releva aussi prestement que ses forces diminuées le lui permettaient.
Il découvrit Pinkie qui tentait de réveiller les quatre autres poneys en les secouant, alors qu’ils étaient probablement pris comme lui et Rarity quelques secondes auparavant dans les affres d’un cauchemar sans nom.
Mais les efforts de la ponette rose étaient vains. Aucune ne se réveillait.

Loki se tourna immédiatement vers Rarity, et voulut la serrer dans ses bras. Pour la rassurer, et se rassurer lui-même. Rien de tout cela n’était arrivé.
Elle recula instinctivement, apeurée par une brusque démonstration d’affection, puis se laissa faire, toujours très tendue.
- Pardon, Loki, sanglota-t-elle. Je…il…
- Je sais.
Il la serra contre lui une bonne minute, espérant qu’elle se détende un peu, qu’elle arrête de penser à ce terrible cauchemar, rien n’y fit.
Malgré les paroles rassurantes qu’il essayait de construire, Rarity avait peur de lui, et plus il tentait de la rassurer, plus ses sanglots se faisaient violents et rapprochés.
Il la libéra, et la regarda dans les yeux.

Elle ne parvint pas à soutenir son regard.
Pour la seconde fois depuis quelques jours, Loki fut anéanti.
Elle qui l’avait aimé jusqu’alors, elle le craignait.

Le désespoir frappa le coyote comme une locomotive lancée à pleine vitesse. Désorienté, il commença à faire les cent pas sur la neige cendreuse d’un air affolé.
Qu’allait-il devenir ? Comment allait-il vivre cette crainte nouvelle que Rarity éprouvait vis-à-vis de lui ?
Sa vie était détruite. Sa famille l’avait abandonné, le dernier membre qui restait et en qui il avait confiance allait périr, et celle à qui il vouait toute son existence craignait sa vue.
Il fallait que quelqu’un paie.
Après avoir noté la position de Discord, il entama la manœuvre de contournement qu’il avait effectuée dans une autre vie contre des loups qui avaient détruit tout ce qui lui était cher.

- Je ne sais réellement pas quoi faire de toi, ma chère Harmonie, dit Discord sur le ton de celui qui devait choisir entre fromage ou dessert.

La jeune femme avait une migraine abominable et la tête lui tournait depuis que le draconequus avait refermé sa serre d’aigle sur son crâne et violé le temple de sa mémoire.
La sensation avait été incroyablement gênante et désagréable. L’intrusion de Discord dans son esprit tenait presque du viol mental.
Le monstre avait erré quelque temps au hasard, récoltant les souvenirs de la jeune femme aussi négligemment que s’il avait fait son marché, sans aucun scrupule concernant le temps que dura l’intrusion.
Une fois qu’il eut pioché tout ce qu’il désirait, il s’était retiré, laissant une Harmonie désorientée et prise de vertige.
Discord lui-même n’était pas apparu au top de sa forme directement après la manipulation, mais les effets s’étaient dissipés très vite, et il considérait à nouveau Harmonie avec un air mi-intéressé mi-ennuyé.
- Peut-être vaut-il mieux que je te tue, cela t’empêcherait d’utiliser tes Eléments contre moi, émit-il en triturant sa barbiche de bouc. Et en même temps, j’ai la ferme impression que tu es totalement incapable de me faire le moindre mal. Vivante ou morte, au final, ça ne fait aucune différence.
- Vous ne gagnerez pas, Discord ! cracha Harmonie pour se donner une contenance, maintenant que le monstre avait suffisamment desserré ses anneaux pour lui permettre de parler et respirer normalement
- Oh très chère, tu es super, tu as mis en plein dans le mille ! Je crois que tu n’as bas bien saisi que ta vie ne tient qu’à un fil. N’ai-je pas raison ? Ici, j’ai les pleins pouvoirs, une armée qui attend un geste de ma part pour se lancer à l’attaque, et je crois que pour l’instant, toi et tes amies poneys êtes en assez mauvaise posture.

Le draconequus tourna la tête vers les poneys, découvrant avec surprise que Pinkie et Rarity étaient maintenant parfaitement réveillées, et se penchaient sur leurs camarades, tentant vainement de les libérer de l’emprise des démons.

- Il semblerait que j’aie surestimé les compétences de mes capitaines, constata Discord. Bha, un seul tiers des forces ennemies en état de nuire, ce n’est pas si mal, au final. Surtout que tout est facile quand on a les pouvoirs d’un dieu. Je pense que la partie s’achève ici, Harmonie ! Et vous savez quoi ? J’ai beau être laid, fou et quelque peu tyrannique sur les bords, je sais me montrer bon prince, et je vais vous laisser partir tranquillement avec vos amis, pendant que je m’emparerai d’Equestria. Si vous ne voyez pas d’objection, j’ai des projets de conquête qui m’appellent.

Discord déposa doucement Harmonie sur le sol, et desserra ses anneaux pour la libérer. Il se téléporta et reparut un peu plus loin, à quelques mètres au-dessus du sol, porté en vol stationnaire par ses ailes dissymétriques.
Il entra alors dans une profonde concentration, et tendit les bras devant lui.
Rarity, plus loin, sentit l’énergie s’accumuler près du draconequus, et commença à nouveau à s’inquiéter. C’était loin d’être un bon présage.

Dans le dos d’Harmonie, quelque chose posa le pied dans l’herbe.

Mais juste une question, peut-être (sans doute) débile, Dashie se fait arracher les ailes, donc elle ne pourra plus jamais voler comme avant encore moins rejoindre les Wonderbolts, so her life is officially ruined Elle a l'air de bien le prendre non ? 'Fin j'sais pas, sa carrière n'est pas sa principale préocupation mais comme elle ne revient pas là dessus..