Il ouvrit brusquement les yeux. Son cœur battait à toute allure, et il était à bout de souffle. Puis, il se calma. C'était fini. Il referma les yeux. Quelque chose lui chatouillait le museau, alors il rouvrit les yeux pour voir de quoi il s'agissait. Des crins. Des crins rouges et blancs.

Windivision respirait calmement. Elle dormait encore. Stalker se leva, et se dirigea vers ses affaires. Il fouilla quelques instant, et trouva son étui à paille. Il en sortit un, et le mit dans sa bouche. Puis il mit son uniforme, avisa son chapeau couleur camouflage, qu'il mit sur sa tête, et sortit de la tente. Le camp était encore endormi. Les sentinelles veillaient. Stalker se dirigea vers le bord de la falaise, et tapota l'épaule du garde qui était là. Celui-ci leva les yeux vers lui, puis se mit sur ses pattes et s'éloigna, pour aller se reposer. Stalker s'installa, et observa le paysage.

Au loin, il y avait des flashs, témoins des combats qui se déroulaient pour qu'eux-même puissent avancer en paix. Des centaines de poneys qui devaient se battre en sachant pertinemment qu'ils n'étaient que des simples outils de diversion, et pourtant, de ce qu'il pouvait en voir, ils ne faisaient pas les choses à moitié. On pouvait reprocher beaucoup de choses aux lunaires, mais pas de ne pas avoir le sens du sacrifice. Si c'était le cas, la République aurait depuis longtemps été réduite à néant.

D'ailleurs, quelque part dans le paysage se cachait l'armée lunaire. Stalker ne pouvait pas la voir, ce qui était préférable. Tant de précautions pour pouvoir se faire repérer par la première sentinelle venue, ça aurait été idiot. Mais il avait beau s'y attendre, le fait de pouvoir cacher presque la moitié de l'armée en plein cœur de l'Empire était impressionnant. Même lui n'était pas sûr qu'ils y arriveraient. Cependant Luna était plein de surprises. Stalker se doutait que la Princesse de la Nuit devait monopoliser une partie de sa magie pour assurer que l'armée soit moins repérable. Il jeta un coup d'oeil au ciel. Le temps n'avait pas changé. Luna s'assurait toujours de maintenir le statu quo dans la bataille mentale qui l'opposait à sa sœur sur le plan astral. Ni jour ni nuit. Ni aube, ni crépuscule.

Il baissa les yeux. Juste en face, à moins d'un kilomètre, se trouvait un avant-poste, l'un des trois qui formaient la garde de la route vers Canterlot. Les éviter était prendre le risque de s'embourber, et de toutes façons, il était impossible de passer sans se faire repérer. Les Night-Ops avaient maitrisé une bonne partie des systèmes de détection et de surveillance du territoire, assez pour former le Couloir. Mais ces trois avants-postes, c'était autre chose. Dès le début de l'attaque contre le premier, les autres seraient au courant.

La solution, c'était de vider intégralement ces avant-postes. Le plus rapidement possible, avant que l'alerte ne soit donnée dans la capitale. Le fer de lance formé par les Night-Ops se chargerait de cette tâche, la première étape de la bataille. Nettoyer la voie pour l'armée.

Son regard continua de dévier, jusqu'à se poser sur un gigantesque pic, sur le flanc duquel trônait une cité retenue on ne savait comment. Canterlot. Là où tout se terminerait. L'affrontement final des lunaires contre les solaires.

Canterlot. Là où la guerre avait véritablement commencée, déclenchée par une unique balle.

Stalker rêvait souvent de ses victimes. C'était le lot de tout les soldats. Il n'en était même pas marqué. Il acceptait son passé et tout ce qu'il avait fait auparavant. Ce trait de caractère lui permettait de tout voir sans passer par le prisme de la haine ou de la culpabilité. Il ne regrettait rien. Chaque instant de cette guerre le faisait se sentir vivant, utile. Pas un misérable Flanc-Blanc incapable de trouver son talent. Son talent était la guerre. Et pendant une guerre, il fallait tuer.

Non, il n'avait aucun remord. Aucun regret. Du moins, le pensait-il jusqu'à cette nuit.

Jusqu'ici, en huit ans, il n'avait jamais rêvé de Fancy Pants. Sauf cette nuit. Il s'était vu comme la balle, qui avait traversé plus d'un kilomètre d'air, virevoltant, tournoyant, jusqu'à déchirer le crâne de la licorne. Là, tout était passé au ralenti. Il avait vu avec force de détail l'intérieur du crâne du poney se faire réduire en bouillie, sa cervelle se mélanger à son sang dans un tourbillon de chair et d'os.

Là encore, rien de vraiment transcendantal, juste peu ragoûtant. Plus dérangeant, c'était les flashs qui l'assaillaient pendant cette traversée. Le pire, c'était qu'il était incapable de se souvenir de quoi il s'agissait. Son enfance ? Pourtant rien de bien effrayant. Des projections de la bataille ? Il savait que ça n'allait pas être une partie de plaisir. Non, il ne se souvenait pas. Tout était éclipsé par une seule image. Il était ressortit du crâne de Fancy Pants, et, devant lui, s'était dressé un poney vêtu d'une longue cape noire délabrée, portant une gigantesque faux. Puis le poney l'avait regardé dans les yeux, et il s'était réveillé.

Autant il ne croyait pas au présages, autant rêver de la mort juste avant de partir pour le combat qui déciderait du sort d'Equestria, ce n'était pas ce qui se faisait de plus encourageant. Et Fancy Pants. Il y avait peu pensé, ces derniers temps...

Il se mentait à lui-même. Il n'était pas sans regrets. Fancy Pants était son seul et unique remord. Le seul poney qu'il avait assassiné alors qu'il était de son côté, son ami, et qu'il n'avait pas trahi. Pire, il était mort de son plein gré pour éviter de trahir.

Alors pourquoi Stalker se sentait-il aussi mal à chaque fois qu'il y pensait ?

Décidément, l'approche de cette bataille avait tendance à lui fissurer cette carapace qu'il avait mit treize ans à peaufiner. Il mit cela sur le compte de la peur de la fin de la guerre. Ces pensées avaient été éclipsées par l'entrée de Windvision, mais étaient revenues au galop au cours des nombreux réveils qui entrecoupaient son sommeil. Stalker n'avait jamais été un bon dormeur.

Il est temps qu'on en finisse...

Il entendit un bruit de pas derrière lui. Comme toujours, Stalker connaissait ses soldats jusqu'à pouvoir les identifier au bruit de leur sabot sur le sol. Flesh s'assit à côté de lui.

-Rocket est déjà parti.

Stalker acquiesça. Flesh se tourna vers lui.

-T'arrive à croire que ça va peut-être se terminer aujourd'hui ?

Stalker prit son temps pour répondre.

-Si on gagne, l'Empire est finit. Si on bat en retraite, alors Luna va sûrement mourir pendant la fuite, et la République sera finit. Ça va se terminer aujourd'hui. C'est pas une question de savoir si j'y croit ou non.

Flesh sourit tristement.

-T'es pas joyeux aujourd'hui, chef.

Stalker le regarda d'un air interrogatif.

-Tu m'as déjà vu joyeux ?
-Maintenant que tu le dis...

Stalker sourit, et Flesh fit de même. Puis ce dernier se releva.

-On déclenche le feu d'artifice quand ?

Stalker tourna son attention vers le paysage.

-Dès que t'auras réveillé tout le monde.



Bon Bon en avait marre. Il faisait pas chaud en ce moment. Elle aurait bien aimé que la Déesse mettent un peu plus d'effort pour réchauffer l'atmosphère... Ceci étant, avec les problèmes de ces derniers temps, la Princesse avait peut-être d'autres chats à fouetter que de veiller à maintenir une température estivale. Peut-être même que la Déchue était en train de la surpasser ?

Ôtes-toi tout de suite ces blasphèmes de la tête, ma grande, ou tu vas avoir des problèmes avec les S.L.S....

Les « Sales Licornes de Soleil », comme elle les appelaient, quand elle était seule, enfermée et qu'elle était sûre que personne n'épiait ses pensées. Elle les appelait comme ça depuis l'accident avec Lyra. La pauvre avait osé faire une petite blague sur Célestia, et un espèce de pervers à lunette complètement brûlé était sorti d'on-ne-sait-où, et avait ordonné qu'on l'arrête.

Depuis, elle n'a jamais su ce qui lui était arrivé. Et ça l'avait mit en rage. Lyra était sa meilleure amie. Elles étaient inséparables. Elles s'étaient engagée ensemble. Elles avaient combattues ensemble. Elles avaient toujours été fidèles à Célestia. Et cette espèce de vieille mule libidineuse...

Bon Bon était toujours fidèle à Célestia. Ce qui arrivait n'était pas sa faute. Non. C'était celle des S.L.S. et de cette cinglée de Twilight. Dire qu'elles vivaient dans le même village auparavant ! La ponette se demandait même si Lyra était passée entre ses sabots, et si la licorne ne l'avait ne serait-ce que reconnu.

-AAATCHA !

Bon Bon sursauta et se retourna. Un poney montait à l'échelle de la tour de garde. Emmitouflé dans son uniforme, a peine le museau qui sortait dans la pénombre. Bon Bon reconnu le petit filet de morve qui lui pendait au nez.

-Merde, Sneezer, mouche toi, c'est deg'.
-Dézolé, fit-il d'une voix rauque.

Bon Bon retourna à l'observation du paysage. Près de Canterlot, il ne se passait rien, c'était deshumpf !

Sneezer lui avait mit le sabot sur la bouche et lui avait tiré la tête en arrière. Puis un couteau jailli, et lui trancha la moitié de la gorge. Bon Bon tomba à terre, incapable de crier, de bouger, de quoi que ce soit. Le sang se répandait très vite à terre. Elle vit Sneezer -non, sa crinière n'était pas de la bonne couleur- sortir un petit fusil de précision, mettre un truc au bout, et viser l'autre tour de garde.

Elle pleurait. C'était injuste. Elle ne voulait pas mourir comme ça. Elle ne voulait pas crever sans que personne ne le remarque. Elle voulait donner l'alarme, mais rien ne sortit de sa gorge hormis un infâme gargouilli.

Elle voulu avoir une dernière pensée pour Lyra. Ou pour Célestia. Ou pour une quelconque personne à qui elle tenait. Mais la dernière image qui lui traversa l'esprit était celui du pervers brûlé, qui ricanait.

Rocket Storm nettoya la morve qui lui sortait du nez. Il rangea son fusil en bandoulière et se dirigea vers l'échelle. Au moment de descendre, il eut un dernier regard pour le cadavre qu'il laissait. La ponette avait les yeux grands ouverts, vitreux. Il haussa les épaules. On ne mourait pas tous les yeux fermés et en paix.

Par contre, ce putain d'uniforme lui serrait les ailes. La prochaine fois, piquer la place d'un pégase pensa-t-il.



Les portes s'entrouvrirent, et un poney noir avec de subtiles rayures bleues foncé passa sa crinière fluo. Enfin, elle l'était jusqu'à ce qu'il la ternisse avec de la couleur plus sombre. Parfois, certains Night-Ops devaient sacrifier leur style naturel pour être plus discrets. Stalker donna le signal, et les commandos s'engouffrèrent dans la brèche. Le poney pourpre se mit sur le côté pour pouvoir parler au pégase sans gêner le passage.

-Pas de problème ?
-Aucun, répondit Rocket Storm. Heureusement, « l'épouvantail » était un enrhumé chronique. Ça a permit de faire disparaître les soupçons.
-Les gardes ?
-Plus aucun sur les tours, quelques patrouilles font encore des rondes. Comme elles se croisent régulièrement, j'ai rien pu faire.
-On fera avec, dit le commandant.

Night Shine passa à son tour par la porte, et se dirigea vers l'infiltré. Dès qu'ils se rencontrèrent, ils se tapèrent le sabot.

-Joli boulot, fit le poney.
-Le meilleur est à venir, répondit le pégase.
-Des informations sur la disposition des lieux ? demanda le commandant.
-Tout correspond au plan qu'on nous a fournit. Le poste radio est à cinq blocs.
-Bien. En avant.

Soixante poneys. D'aucun dirait que la discrétion est impossible avec une telle multitude. Et c'était exactement pourquoi les Night-Ops étaient aussi efficaces. Stalker montra différentes directions, et Flesh et Octavia s'éloignèrent, accompagnés de leurs soldats. Le commandant prit la tête du dernier groupe. Et tous s'élancèrent en silence à travers le camp.



-Princesse, j'ai une question qui me trotte dans la tête depuis un certain temps.
-Qu'y-a-il, mon cher Soarin ?
-Pourquoi est-ce que vous lui faites autant confiance ?

Soarin était posté en haut de la colline, à observer l'avant-poste à quelques kilomètres de là. À côté de lui se trouvait la Princesse, ainsi que quelques-un des chefs de l'armée. Celle-ci se tenait prête, cachée derrière le monticule, tous feux éteints. Désormais, c'était la longue attente du signal d'avancée.

La princesse se tourna vers Soarin.
-A Stalker ?
-Oui. Je sais que je ne suis pas là depuis très longtemps, mais je me pose des questions. On dirait que vous êtes prête à lui confier l'armée sans hésitation s'il vous le demandait. C'est peut-être un bon stratège, un bon sniper, tout ça, mais est-ce que vous ne lui déléguez pas trop de pouvoir ?
-Seriez-vous jaloux, commandant ?
-Non, Princesse. Méfiant. S'il lui venait à l'esprit de nous trahir...

Il s'interrompit en voyant le regard de la Princesse.
-Commandant Soarin. Je vous respecte profondément. Vous avez fait un énorme sacrifice et prit de grands risques pour nous rejoindre et former les ExpAir. Mais je ne tolèrerait jamais que l'on doute de Stalker. Il fait parti des rares personnes entre les sabots desquelles je placerait ma vie sans hésiter.

Son regard se perdit dans ses souvenirs.

-Je l'ai déjà fait, une fois, par le passé. Et c'est grâce à cela qu'aujourd'hui, nous nous apprêtons à combattre ma sœur chez elle.
-Peut-être... Mais je reste convaincu qu'obéir au moindre de ses désirs reste une belle bourde
-Je n'obéit pas au moindre de ses désirs. Stalker et moi savons très bien que son génie stratégique ne s'étend pas beaucoup plus loin que les opérations requérant une certaine discrétion. Depuis l'évolution du conflit en guerre ouverte, il se borne aux opérations des Night-Ops et leurs ancêtres.
-Mais cette opération...
-Le Couloir des Ombres et toute la préparation qui a menée à son élaboration sont totalement dans son domaine de compétence, commandant. Et ne croyez pas que l'on ait pas eu d'objection. Il a fallu faire des compromis, pour pouvoir faire en sorte de mener une vraie bataille à Canterlot. Si l'idée de base venait de Stalker, tout le plan est le fruit de longues réunions sur la façon de procéder. N'allez pas croire que tout cela est juste le fruit de son cerveau.

Elle regarda vers le camp.

-Mais pour l'instant, c'est lui qui décide où et quand, pour nous éviter le combat le plus longtemps possible.
-Hum...

Soarin se retourna comme pour partir, puis se ravisa :

-Au fait, pendant le briefing, vous avez parlé du « contact » de Stalker. Qui est-ce ?
-Je n'en sais rien, répondit-elle du tac au tac.
-Pardon ?

Luna souffla

-Depuis l'accident de Fancy Pants, Stalker redoute que nous ayons un traitre haut placé dans nos rangs -l'arroseur arrosé, si on veut. Il ne veut pas donner le nom de son informateur, et il est probablement le seul à connaître sa véritable identité. Nous, en revanche, nous ne connaissons que son nom de code, « Whisper », ce qui n'est pas très indicatif. Cela étant, ce contact possède de nombreuses informations, il est presque plus efficace que Fancy Pants en son temps. Et il n'y a à priori aucun risque qu'il se fasse repérer.
-Mais là encore, vous vous fiez uniquement au jugement de Stalker.
-Cela suffit, commandant Soarin ! Je ne sais pas d'où vous tirez vos griefs contre le commandant Stalker, mais je vous prierait de les garder pour vous ! S'il doit y avoir une seule personne en qui je ferait confiance pour ce genre de chose, c'est Shadow Stalker !

Soarin s'inclina

-Je comprend parfaitement. Mais croyez-moi, j'ai vu où menait une confiance aveugle en quelqu'un que l'on respecte. Les Wonderbolts n'ont pas réfléchit quand Spitfire a rejoint les forces de Rainbow Dash, et aujourd'hui, de fiers acrobates sont devenus les pires traitres à leur espèce qui existent. Des tueurs de pégases. Alors, j'ai un peu de mal à accepter que l'on suive les ordres d'une seule personne sans discuter.
-Vous avez discuté, Soarin. Je vous ai répondu. Stalker sert la cause lunaire depuis treize ans, sans jamais s'arrêter, et je ne penses pas qu'il ait attendu tout ce temps pour nous trahir.

Luna frappa du sabot et mis fin à la discution. Soarin rejoignit les lignes.

J'espère juste qu'en suivant une ombre, on ne finira pas par se faire avaler par l'obscurité.



C'est pas normal...

Rocket Storm avait bien précisé que les sentinelles étaient toujours en patrouille. Pourtant, les commandos n'avaient croisé personne. Comme si elles avaient disparues. Avaient-ils été repérés ? Ils auraient déjà déclenché l'alarme dans ce cas. Non. Il y avait autre chose. Et Stalker n'aimait pas ça. Ça sentait le piège.

Mais quand bien même il s'agissait d'un piège, le sniper se demandait pourquoi il était aussi gros. Si quelque chose avait filtré, si, malgré ses précautions, l'attaque avait été divulguée, alors les solaires n'auraient pas prit le risque de faire un piège aussi évident. Les licornes auraient préparé le terrain, et les Alicornes savaient que ces foutues cornues pouvaient être retorses. Surtout si Sparkle s'en mêlait.

Stalker avait eu une seule fois à faire avec Twilight Sparkle. Pas directement, mais une de ses opérations avait été divulguée, et la licorne avait décidé de prendre la contre-opération en charge.

Le commandant préférait ne même pas penser aux conséquences. Si au niveau stratégie globale, la licorne laissait à désirer, niveau plans retors à plusieurs ressorts, elle savait y faire. Elle aurait sûrement pu faire un excellent adversaire aux échecs. Malheureusement pour Stalker, la partie s'était jouée en taille réelle.

Le fait était qu'il avait perdu tous ses pions. Seul le roi était encore en vie, et avait réussi à s'échapper, sous les rires de la reine adverse. Stalker n'était pas infaillible. Il commettait parfois des erreurs, et certaines de ses opérations étaient des échecs. Mais il prévoyait toujours une voie de sortie pour permettre à ses soldats de quitter la zone sans trop de pertes. Hors, ce jour-là, aucune voie n'était libre de soldats solaires ou de licornes fanatisées...

Stalker chassa ces pensées de son esprit. C'était le passé, et le passé n'avait rien à faire dans le présent si ce n'était pour lui permettre de ne pas commettre les mêmes erreurs. Hors, ici, les « Aveuglées », comme les lunaires surnommaient les Licornes de Soleil, étaient clairement hors du coup. Non, ce n'était pas un piège.

Mais il n'y avait aucune sentinelle.

Ce n'était vraiment pas normal.



Herd Vice avait le groupe de lunaire dans sa visée. Une vingtaine de commandos. Il ne fallait pas qu'il rate son coup...

Mais que foutaient les patrouilles ?

Les commandos se baladaient tranquillement au milieu du camp, et l'alarme n'avait pas été donnée. Vice se demandait ce qui se passait. Jamais les traitres n'avaient attaqué aussi profondément dans l'Empire, et voilà que tout une troupe armée passait sans problème au milieu du premier des « avant-postes de la dernière chance », les derniers bastions avant la capitale.

Lui qui pensait être tranquille avec cette mutation... Il se demanda ce qu'était devenue Bon Bon. Elle aurait dû être sur une des tours à cette heure-ci. Il avait toujours apprécié la ponette, notamment dans son uniforme, qui lui moulait somptueusement la croupe...

Il secoua la tête. Ce n'était pas le moment de fantasmer. Il visa le groupe, cherchant le leader. Il ne pourrait donner l'alarme qu'en tirant, ayant connement oublié sa radio en partant se soulager tout à l'heure. Il aurait pu crier, mais le fait de donner l'alarme en tuant le leader adverse lui paraissait une meilleure idée. Il paraissait que ça désorganisait l'ennemi, et ça lui vaudrait même peut-être une médaille. Le problème, c'est qu'il était incapable de savoir qui commandait. Aucun d'entre eux n'arborait d'insignes, et ils semblaient se mouvoir comme s'ils savaient déjà exactement quoi faire, sans ordres. Ou alors, ils avaient des signes très discrets. Finalement, il se décida à tirer sur n'importe qui.

Il ressentit un choc sourd sur sa nuque, et il sombra dans l'inconscience.



Stalker vit des ombres sauter du haut du toit d'un des bâtiment en face d'eux. Il pointa son arme vers les intrus, imité par son équipe, mais Windvision posa le sabot sur son arme.

-Laisse, c'est Jack.

Stalker baissa son arme, tandis que la licorne à la crinière d'or enlevait sa capuche et se dirigeait vers eux, suivit par son unité. Deux des poneys qui le suivaient portaient un corps, et le posèrent à quelques mètres.

-Pas très prudent de se balader en plein milieu de l'allée, comme ça, réprimanda la licorne.
-On aurait peut-être été plus discret s'il y avait eu des sentinelles à éviter, lui répondit le sniper.

Stalker fixa Black Jack avec un air neutre, mais la licorne pouvait sentir le reproche dans son regard. Il haussa les épaules.

-Les Fantômes sont plus utiles ici qu'à l'arrière.
-Jack, fit le commandant des Night-Ops. Il est encore vivant ? demanda-t-il en désignant le corps inanimé derrière.

Black Jack se retourna pour voir le corps, puis revint à Stalker, le regard inquiet. Il ne répondit pas. Le commando soupira, puis arma son fusil et tira une unique balle. Il n'y eut pas plus qu'un « plop », et le crâne de l'infortuné garde éclata.

-Il y a une raison bien précise pour laquelle je ne voulait pas que vous veniez, Jack...

Un masque d'incrédulité s'était peint sur le visage de Black Jack. Stalker fit un signe de tête, et Windvision prit le commandement de l'unité pour rejoindre leur objectif. La licorne se dirigea d'un pas vif vers le sniper, et l'attrapa par le col. Le Night-Ops se laissa faire.

-Bordel, Shadow ! lui hurla-t-il. On est pas obligé de tous les tuer ! Ça servait à rien de l'achever ! Qu'est-ce que te prend, t'as perdu tes dernières traces de considérations pour la vie ?
-On fait quoi des survivants ? demanda Stalker.
-On peut les faire prisonnier ! Les endormir ! Les laisser là le temps de la bataille ! Merde, Shadow, on est pas obligés de les tuer !
-Les tuer est plus simple et moins risqué.

Les deux se regardèrent droit dans les yeux pendant quelques instant. La rage brillait dans les yeux de Black Jack. Définitivement, Stalker était devenu un meurtrier sans âme. Dire qu'il avait cru que le leader de cette bande de psychopathes était plus sensible à la valeur de la vie. Mais achever des êtres sans défenses, c'était de la cruauté pure. Il ne lâchait pas le sniper du regard, ni du sabot. Il aurait voulu l'étrangler. Mais quelque chose dans son regard l'en empêchait. Derrière son flegme, il crut décerner de la pitié, et de la désolation. Comme s'il savait que ses actes n'avaient plus rien à voir avec la morale. Mais ces éléments étaient masqués par un solide mur de détermination. Il ferait ce qu'il avait à faire.

Black Jack avait toujours été bon pour lire les regards. La chance n'était pas l'unique talent qui lui permettait de gagner au poker. Celui du sniper disait : Désolé, mais je fais mieux dans ce cas-là. Et ici, le mieux, c'est de les tuer. Black Jack relâcha son étreinte, sans pour autant se départir de son masque de reproche. Stalker reprit son arme, et le dépassa pour rejoindre son unité. Il s'arrêta après quelques pas.

-Maintenant, la pomme est dans ton camp, comme dirait Applejack. Soit tu te rends utile et tu vas aider Octavia, soit tu rallies l'armée. Et avant ça, ajouta-t-il, envoie les coordonnées des sentinelles que vous avez mis hors-combat à Polished Drill, Gentle Melody et Merry Weather.
-Pourquoi faire ? Lui demanda-t-il sur un ton de défiance.
-Me force pas à le dire...

Et l'étalon partit au galop.



-* Traqueur aux Ombres. Fantômes sur sites. Cavaliers en échecs, mais pas mat. Les cornues de liaisons vont faire passer les coordonnées. Mangez les cavaliers. Terminé *
-Clé de Sol à Traqueur. Bien reçu.
-* Au fait, Clé de Sol, les Fantômes vont peut-être vous rejoindre. Sur le canal habituel. Redirigez-les vers notre canal si c'est le cas. À vous. *
-Clé de Sol, bien reçu. Terminé.

Octavia lâcha sa radio. Donc, cette étrange absence de sentinelles était due à la présence des Fantômes. Octavia devait reconnaître qu'ils avaient été meilleurs qu'eux sur ce coup, à s'infiltrer ainsi sans qu'ils n'en aient eu vent. Dommage, par contre, que Black Jack soit si soigneux avec la vie de ses victimes. Octavia détestait achever des ennemis inconscients. L'objectif de la licorne était louable, mais malheureusement, ils ne pouvaient laisser personne en vie derrière eux. Trop, beaucoup trop de risques.

Ils n'étaient pas en simple reconnaissance, ou à faire un petit braquage. Ils se préparaient à attaquer la capitale de l'Empire Solaire. Et laisser des ennemis en vie dans leur dos était le meilleur moyen de se retrouver avec un couteau planté dans la croupe.

Gentle Melody s'approcha de la chef d'unité, sa corne brillant -le plus légèrement possible- et un plan flottant devant elle. Elle se concentrait, fermant les yeux, puis regardait la carte et y laissait une marque par magie. Puis elle refermait les yeux, et répétait le rituel. On avait découvert ce moyen de faire passer des informations il y avait bien des années, mais seules des licornes spécialement entrainées pouvaient faire des licornes de liaison efficaces. Le mieux restait la radio, mais elle ne passait pas d'image. La corne de Melody finit par s'éteindre, et elle attrapa le plan au vol avec sa bouche, et le tendit à Octavia. Celle-ci parcouru le plan rapidement, puis le rangea.

-On fait un détour, annonça-t-elle.

Les autres poneys acquiescèrent, et ils se mirent en route. Il contournèrent certains bâtiments, allant d'un pas rapide mais restant toutefois sur leur gardes. On ne savait jamais quand un poney aimant se balader quand les autres dormait pouvait surgir d'un recoin. Toutefois, en sachant qu'ils ne croiseraient pas de sentinelles, ils s'autorisèrent une plus grande allure que si ils devaient vérifier chaque recoins et dresser les oreilles pour entendre le moindre bruit de pas. Enfin, ils arrivèrent à l'endroit indiqué sur la carte. Là se trouvaient un groupe de quatre poneys évanouis, dont deux licorne et un pégase. Ils respiraient doucement, leur poitrine attachée se soulevant et s'abaissant dans une lente cadence. Le pégase avait les paupières qui tremblaient sous le mouvement des yeux en dessous. Il devait être en plein rêve. Et à en juger par ses ailes qui tiraient sur les cordes, il devait être bien agréable.

Octavia avait pitié d'eux. Il y avait quelque chose de dérangeant dans le fait de tuer quelqu'un alors qu'il était inconscient. Autant, tuer dans le dos, cachée, à plusieurs centaines de mètres avec un sniper, ou exploser des ennemis avec une charge de C4 ne lui posait aucun problème, autant trancher la gorge d'ennemis endormis lui donnait des frissons peu agréables. C'était « trop facile », disait certains. C'était peut-être ça qui la dérangeait, elle ne saurait le dire.

Elle sortit son couteau tactique de sa veste, et déplia la lame. Elle avait pitié, mais cela ne l'empêcherait pas d'agir, contrairement à certains. Et c'était exactement la raison pour laquelle on traitait les Night-Ops de monstres. Parce qu'ils n'étaient pas paralysés par leur « pitié ». Elle s'approcha des corps, et fit délicatement glisser la lame sur la gorge du pégase. Le sang commença à couler à flot, se répandant sur la robe de l'étalon ailé, et passant dans sa trachée, puis obturant ses voies respiratoires. Le poney se mit à tousser pour retirer cet obstacle, et Octavia reçu une pluie de gouttelettes pourpre sur le visage. Elle s'écarta du poney, passant à une autre victime. Pendant ce temps, le cerveau du pégase envoya un message d'alerte dans tout le corps : il n'était plus irrigué en sang, et l'oxygène ne parvenait plus aux poumons. Ces signaux interférèrent avec le rêve de cette magnifique jument le chevauchant, et le pégase ouvrit les yeux, incapable de respirer, réfléchir, vivre. Il eut un spasme, et mourrut.

Une fois les quatre poneys morts, Octavia leur ferma les yeux, nettoya puis rangea son couteau, reprit son fusil et se retourna vers ses soldats, qui l'avaient regarder faire sans broncher. Elle fit un geste de la tête, et la troupe repartit vers l'arrière du camp, vers les quartiers de repos. Trois bâtiments composaient les dortoirs, deux pour la troupe, et un garnit de chambres pour les gradés. Octavia s'arrêta, faisant signe à ses soldats de faire de même. Elle s'apprêta à envoyer les différentes équipes à leurs poste, mais sa radio grésilla :

-* Pokerface à je-sais-pas-c'est-quoi-ton-code. Tirez pas, on arrive. *

Octavia prit sa radio.

-Clé de sol, bien reçu. On attends.

Puis elle manipula son appareil.

-Clé de Sol à Traqueur. Les Fantômes approchent. Nom de code Pokerface.
-* Traqueur, bien reçu. Terminé. *

Elle vit Black Jack et ses Fantômes sortir de derrière un bâtiment à sa gauche. Le groupe fit rapidement la jonction, et la licorne s'approcha de l'ex-musicienne.

-« Clé de Sol » ? Très joli.
-« Pokerface » par contre, ça sonne comme un titre de musique moderne à vomir.
-Comme si vous n'aimiez pas la musique moderne.
-Il n'y a qu'une personne au monde dont j'apprécie les compositions, et j'aimerais que l'on se concentre sur le mission. Vous avez posé assez de problèmes comme cela.
-Très bien, fit la licorne légèrement exaspérée. Je dois savoir quoi ?
-Obéir aux ordres. Les miens, en l'occurence.

Elle fit un signe, et deux autres poneys se détachèrent des rangs des Night-Ops pour les rejoindre.

-Les Fantômes sont combien ? demanda Octavia.
-Vingt ici.
-Les autres sont où ?
-En stationnement tout près. Au total, nous sommes une quarantaine.

Octavia réfléchit quelques instant, puis dessina une vague représentation des trois blocs de la pointe de son couteau par terre, deux sur une même ligne et un légèrement en retrait. Elle pointa les deux alignés.

-Mon groupe va encercler le bloc A, c'est celui qui est plein à cette heure. Ton groupe attaque le bloc B, il ne devrait pas avoir grand-monde, étant donné que c'était dans ce bloc que dormaient les sentinelles.

Elle pointa le dernier bloc.

-Appelles tes soldats en retraits, et dis-leurs de s'occuper du dernier. C'est celui des gradés. Ils ne devraient pas avoir de problèmes, chaque chambre est isolée.

Elle replia et rangea son couteau.

-Melody, appela-t-elle, synchronises leurs radios avec les nôtres. Vous n'avez pas besoin de communiquer avec Stalker, dit-elle en revenant à Black Jack, mais en cas de besoin, nous sommes sur le canal 133.7. Et pas besoin du code. Si vous avez besoin de parler au commandant, c'est que le code ne sert plus à rien.

Elle prit son fusil, et fit un signe à ses troupes, qui se mirent en marche pour rejoindre leur position. Elle se tourna une dernière fois vers Black Jack.

-Et l'objectif, c'est de tuer tout ce qui se trouve dans ces dortoirs. Comprit ?

Black Jack la regarda d'un air mauvais.

-Comprit...

Les soldats se mirent tous en position autours des quartiers d'habitation, jetant des coups d'oeil par les fenêtres. Rien ne bougeait. Octavia recevait des rapports des poneys sur l'absence de mouvements à signaler. Elle prit sa radio.

-Clé de Sol à Traqueur. Les pions sont restés sur leur ligne. Prêt à manger les pions. À vous.
-* Traqueur à Clé de Sol. Bien reçu. Restez en attente. Terminé. *

Octavia serra sa prise sur son arme, et se prépara pour l'attente.



-Black Jack est un crétin.

Flesh se dressait devant les trois corps assommés des patrouilleurs, la carte au sabot. Il rangea la carte, et prit son fusil. Il soupesa l'engin. Son fusil-mitrailleur lui manquait, mais cette arme-là était beaucoup plus discrète et pratique pour ce genre d'opération. Ne serais-ce que parce qu'on pouvait lui mettre un silencieux au bout.

-On peut pas reprocher à Black Jack d'avoir un minimum de morale et de pitié, lui dit Polished Drill.
-Non. Par contre, on peut lui reprocher d'intervenir dans une opération qui ne requiert ni morale ni pitié.

Sur ce, il tira trois balles, dans les trois crânes des malheureux évanouis.

-Il a essayé de sauver la vie de ces types. On va pas lui en vouloir pour ça, répliqua la licorne.
-Ça a super bien marché, fit le pégase sur un ton narquois. Ils pètent la forme, ça se voit pas ?

Le pégase se pencha sur l'un des corps, et ferma les yeux mi-clos du cadavre.

-La vie est peut-être précieuse, dit-il, mais elle est tellement fragile...
-Tu te prends des envies de poésie, Flesh ?
-Je devrais écrire un livre.
-Tu sais écrire ? Sans déconner ?
-Drill, tu vas finir devant la cour martiale pour irrespect envers tes supérieurs.
-Ouh, j'ai peur.

La licorne le dépassa, et continua sa route à vive allure. Flesh roula des yeux, et fit signe à ses soldats de continuer. Flesh restait attentif à tout ce qui l'entourait. Même si les patrouilles avaient été neutralisées, il fallait rester prudent. La paranoïa était l'une des clés de la survie des Night-Ops, et des soldats en général. Néanmoins, il ne pouvait s'empêcher de jeter de brefs coups d'oeil à l'arrière-train de la licorne qui les précédait. L'armée avait l'avantage de tailler des mâles musclés dans être des montagnes, et de sculpter de superbes formes aux femelles. C'était d'autant plus flagrant chez les Night-Ops, dont l'entrainement incluait des éléments d'agilité et de souplesse, de façon à être capable de s'infiltrer n'importe où avec plus de facilité.

En bref, il y avait de quoi se régaler les yeux. D'autant que dans les rangs des commandos, les mentalités étaient bien moins sombres que parmi le reste de l'armée. Les ponettes avaient tendance à être bien moins "sainte-nitouche" que les autres combattantes à la mine sombre de l'armée. Car elles profitaient de leur vie tant qu'elles le pouvaient, sans s'appesantir sur ce que les combats les avaient amener à faire. Tout les soldats avaient leur part d'ombre, mais les Night-Ops les acceptaient de bon cœur, et en forgeait leur propres armes. Beaucoup des poneys composant l'armée lunaire voyaient les commandos comme des psychopathes sans morale. C'était faux. Ils avaient leurs sentiments, leur dégoût, leur pitié, leur sens moral, leur valeur de la vie. Mais toutes ces considérations, ils savaient les mettre de côté pour remplir leur mission. Il savaient tirer de la gloire de la pire de leur action. Et au final, il finissaient par oublier le côté dramatique de la guerre. Ce qui entrainait parfois quelques extrêmes, tels que la licorne devant lui. Drill avait tendance à perdre un peu la tête quand elle utilisait ses armes lourdes, du fait de la fatigue des combats et de l'utilisation de sa corne, mais aussi de sa passion pour les explosion. Elle aimait faire éclater des choses, faire exploser toute sorte d'objet. Une vraie maniaque.

Il s'aperçut qu'il regardait la croupe de la licorne pendant tout le temps où ils se dirigeaient vers leur objectif, perdu dans ses pensées. Il s'en aperçut car les balancements s'étaient fait plus prononcés. Il leva les yeux, et vit que la licorne le regardait en coin, un large sourire moqueur au lèvres. Il roula une nouvelle fois des yeux, cette fois consterné par sa propre idiotie. Il allait en entendre parler sous peu...

Ils atteignirent le hangar qui était leur cible. Flesh rejoignit la licorne.

-Tu sens rien ?

Polished Drill fit claquer sa langue, dans un mouvement global d'exaspération.

-Bien sûr que non. Merde, Flesh, y'en avait qu'une, de ces saloperies. On dirait que tu flippes devant chaque dépôt d'arme.
-Je me méfie.
-T'es toujours trop méfiant. Comme l'autre jour, quand on a...
-On avait pas décidé de ne plus jamais en parler ?

Drill ricana. Flesh s'arma de son fusil, et se posta devant la porte. Les autres commandos se mirent en position, certains plaqués au mur de chaque côté de la porte, d'autres couvrant les environs. Puis, un poney plaça un petit tube métallique dans la serrure du hangar, et se remit en place. Quelques secondes plus tard, la serrure explosa, relativement discrètement, et Flesh défonça la porte. Il s'engouffra à l'intérieur en visant frénétiquement chaque coin visible. Il n'y avait rien. Il s'avança, tandis que d'autres commandos pénétraient à l'intérieur du bâtiment. Ils vérifièrent chaque coin du dépôt, et durent se rendre à la plaisante évidence que le hangar n'était pas surveillé. Flesh baissa son arme.

-Bon, mesdemoiselles, on installe le bitzouf le plus rapidement possible. Et que ça saute !
-Cette blague était à chier ! lui lança Polished Drill.
-Quelle bl... oh ! Tu rigoles ? Elle était excellente !
-T'as même pas fait exprès, en plus !
-Même mes erreurs sont inconsciemment calculée pour être des victoires.
-On se console comme on peut, pas vrai ?

Flesh se détourna de la spécialiste, qui aidait à organiser l'installation des explosifs, et sortit. Il y avait là quatre soldats qui vérifiaient la zones du bout de leurs armes. Flesh se joignit à eux, et sortit une cigarette de sa veste. C'était un nouveau truc qu'il avait découvert il y avait quelques mois. On prenait une feuille, on la séchait, on l'émiettait, on la mettait dans un papier roulé, on la mettait dans sa bouche et on brûlait le bout. Ensuite, on pouvait aspirer à travers, et le bon goût de la plante se déposait sur sa langue, dans sa gorge, et la sensation se poursuivait jusque dans les poumons. Bon, au début, ça le faisait tousser, mais il s'y était habitué. Maintenant, c'était juste un délice, après un travail bien fait. Ça marchait du tonnerre avec des feuilles de tabac, d'ailleurs.

Il prit sa radio, et se passa le sabot dans sa crinière blanche et rasée en tirant une nouvelle bouffée.

-Blanche-Neige à Traqueur. Tour en échec. Elle a pas rocqué. À vous.
-* Traqueur à Blanche-Neige. En attente. Terminé.*

Flesh lâcha sa radio, et s'assit par terre. Il tira une nouvelle bouffée.



-* Traqueur à Eclipse. Toutes les pièces sont en place. Vous en êtes où ? *

Night Shine prit sa radio.

-Ici Eclipse. Le fou est presque échec.

Il jeta un coup d'oeil à son coéquipier.

-Encore trois coups, je dirait.

L'autre lui fit quelques signes.

-Deux plutôt. Eclipse Terminé.

Il lâcha sa radio.

-Bon, tu t'en sors ? demanda-t-il au poney occupé en face de lui.
-C'est pas évident. On dirait qu'ils ont pas fait le ménage depuis un millénaire, là-dedans.

Night Shine laissa son regard dévier. Dvorak était un électromagicien de talent, à défaut d'être un Night-Ops efficace. Mais parfois, les commandos avaient besoin d'un expert en désamorçage d'alarme, piratage et autres joyeusetés liées au boum de l'électromagie qui avait eu lieu pendant la guerre. Et quand c'était le cas, ils sortaient l'arme lourde, sous la forme d'un cerveau et de sabots agiles et précis, avec un poney autours qui répondait au doux nom poétique de Dvorak.

En ce moment, il trifouillait dans une armoire de fusibles et de câbles de couleurs et de tailles diverses et variée, qui constituait le cœur du poste de transmission et de surveillance de cet avant-poste. Il n'avait pas de plan, il n'avait jamais vu ce genre de système. Pourtant, son esprit faisiat des corrélations logiques, puisant dans ses souvenirs pour faire des comparaisons avec d'autres systèmes connus. Il lui suffisait d'un rien. Juste d'observer. « L'électromagie, c'est pas compliqué. Juste complètement et entièrement logique » disait-il. Il n'empêche que pour les profanes tels que les soldats qu'ils étaient, c'était un monceau inextricable de choses compliquées, avec des noms se confondant bien souvent avec des insultes.

Night Shine, lui surveillait les environs. Les capacités de combats de Dvorak, si elles restaient acceptables au niveau des Night-Ops, et donc élevées au niveau de l'armée régulière, ne lui permettait toutefois pas de travailler et de veiller à sa sécurité en même temps. D'autant que la licorne à la crinière chaotique et aux yeux fous oubliait purement et simplement le monde extérieur quand elle se concentrait. Et là, Dvorak se concentrait. Il avait promit deux minutes au commandant. Il lui en avait fallu une pour démêler ce réseau. Il sortit de sa veste un appareil, doté d'un écran et pourvu d'un appendice qu'il clipsa à un câble. L'écran afficha des chiffres qui défilaient, puis se stabilisa. Le poney continua à trifouiller un peu dans les câbles, posant de minuscules charges explosives ici et là, puis fit signe à Night Shine, qui prit sa radio.

-Eclipse à Traqueur. Le fou est en échec. À vous.
-* Traqueur à Eclipse. Il a rassuré la reine ? *

Night Shine se tourna vers l'électromagicien, casque à une oreille, qui lui fit quelques signes compliqués.

-C'est en cours, dit Night Shine.
-* Bien. À vous de lancer le mat. Traqueur terminé. *

Night Shine rangea sa radio, puis s'approcha de Dvorak, qui lui passa une oreillette.

-...routine. Pas de dangers immédiats à signaler. Nous...

Il fallait attendre qu'il fasse son rapport, pour qu'ils aient ensuite quelques heures tranquilles. Puis, dès qu'ils auraient « rassuré la reine », ce serait à lui de lancer les attaques simultanées. Il écouta attentivement ce qui se disait...



-On a également intercepté quelques appels radios... Codés, basé sur un jeu d'échec... Aucune idée, sûrement lié à une opération en cours... On a pas réussi à localiser... Mais vous savez le mal qu'on a à localiser quoi que ce soit en ce moment ? On a toute une zone en silence radio le plus total, et personne ne fait rien !... Non, je sais pas... Ils cherchent pas à la cacher de toute façon. On les a connus plus subtibles. Non, suptiles. Oh, merde, plus discrets.

L'opérateur se passa le sabot dans la crinière.

-Fin du rapport. On se rappelle dans douze heures... Oui, six, si tu veux. Mais t'es sûr que c'est bien utile ? Je veux dire, il se passe rien... Oui, je sais, mais c'est un parano !... Mais il s'attend à quoi ?... Pourquoi pas un raid aérien tant qu'on y est ?... Ouais, je sais... Il est sérieux à propos de Sparkle ?... Ouais, j'en ai entendu parler... Bon, okay, six heures alors. Mais ça sera pas moi, je te préviens. Œil de Canterlot 1, terminé.

Draft Draw enleva ses écouteurs et les posa sur la table, puis fit basculer un bouton, pour passer en mode écoute. Il fit pivoter sa chaise, et vit le capitaine juste à côté de lui, une tasse de café au sabot. Draw se jeta en arrière de surprise, manquant de peu de tomber à la renverse.

-Vous savez, fit l'officier, vous devriez éviter de parler comme ça du colonel à la radio. On pourrait vous écouter.
-Mon capitaine, fit Draw en esquissant un semblant de salut. Je suis désolé mon capitaine !
-Oh, vous n'avez pas à vous en faire, fit le capitaine en haussant les épaules. Le colonel prend son travail à cœur pour l'instant, mais d'ici quelques mois, il sera aussi blasé que nous tous ici.

Le vieux pégase fixa Draw droit dans les yeux.

-Par contre, continua-t-il, vous connaissez la malédiction concernant les Licornes du Soleil ?
-Non, mon capitaine.
-« Pensez-y, et elles apparaissent ».

Le capitaine bu une gorgée de café.

-Je peux savoir ce qui vous fait croire que vous ne serez pas là à faire un énième rapport dans six heures, soldat ?
-Je... C'est l'heure de mon repos, mon capitaine.
-Je pourrait décider de vous faire faire des heures sup', dit le capitaine.

Il y eut un instant de flottement, puis le gradé éclata de rire. Draft Draw eut un sourire gêné.

-'Faut vous détendre, mon vieux, fit le capitaine. On dirait que je m'apprête à vous dévorer !
-C'est que je ne suis pas encore habitué, mon capitaine.
-Ah, oui. Je suis trop récemment muté, hein ? Tout ça par la faute du fils de garce qui m'a fait ça.

Le capitaine montra son moignon d'aile. Il prit une autre gorgée de café. La radio se mit à grésiller, et Draft Draw se précipita dessus, mettant un des écouteurs de son casque sur une oreille, et touchant à quelques boutons.

-* ...pse aux Ombres. Echec et Mat. Je répète, Echec et Mat. Terminé. *
-Encore...

Il fut interrompu par la porte bruyamment défoncée. Les deux poneys se retournèrent vivement pour découvrir un poney rouge sombre dans l'ouverture. Qui pointait son arme vers eux. Il ouvrit le feu, mais il n'y eut pas un son. Le poste radio explosa, puis les balles déchiquetèrent le crâne de Draft Draw. Le capitaine se jeta en arrière, malheureusement touché au ventre, vers la porte où il était entré tout à l'heure. Il voulut donner l'alerte, mais une autre rafale fit exploser les lattes de bois autours de sa tête, jusqu'à ce qu'une balle atteignit sa cible et mit fin à ses tourments.

Stalker désengagea son chargeur et en chercha un nouveau. Quatre poneys le dépassèrent pour se diriger vers la porte. L'un d'entre eux l'ouvrit, révélant un poney ayant le sabot tendu vers la poignée, qui avait sûrement entendu les bruits et était allé voir. Mais il n'eut pas le temps de se remettre de sa surprise, et un Night-Ops lui logea une rafale dans le torse, le projetant en arrière. Les commandos investirent la petite salle où se tenaient trois poneys, apparemment dérangés en pleine discussion autours d'un café. Ils n'eurent pas le temps de dégainer la moindre arme, et furent abattus sans la moindre pitié.

Les commandos sortirent de la pièce, après s'être assuré de la mort de leurs victimes, et qu'il n'y avait pas d'autres issues. Stalker les attendait là. Puis, ils entendirent une explosion sourde, atténuée, venant de moins d'une centaine de mètres de là. La radio grésilla.

-* Blanche-Neige à Traqueur. Tour mat. On s'occupe des cavaliers. Terminé. *

Stalker prit son engin de communication.

-Traqueur à Blanche-Neige. Bien reçu.

Puis il manipula l'appareil.

-Traqueur aux Ombres. Fou et Tour mat. Terminé.

Maintenant, restait à attendre l'appel d'Octavia. Il fit un signe à ses troupes, qui se regroupèrent autours de lui.

-Night Shine, tu prends Rocket, Slash, Moonface et Roads et vous allez vous occuper des patrouilles. Les autres avec moi, on va voir si on peut donner un coup de sabot à Octavia.



Fluffy se dirigeait vers la sortie des toilettes. Les autres dormaient encore, assurément, mais la ponette avait une vessie en carton-pâte, et devait régulièrement se lever pour aller se soulager. Les yeux encore cotonneux, n'ayant pas osé allumer la lumière de peur de s'éblouir, elle tâtonnait un peu dans l'obscurité. Les toilettes n'avaient pas de fenêtres, c'était bien dommage... Enfin elle sentit la porte, et posa la patte sur la poignée. Elle entendit un fracas à l'extérieur, comme si on défonçait la porte. Curieuse, elle tourna la poignée et ouvrit. Elle se trouva face-à-face avec une ponette grise à l'air hautain. Celle-ci lui plaqua le sabot contre la bouche et la poussa violemment contre le mur. Sonnée, Fluffy ne put réagir quand elle vit la ponette sortir un couteau de son étui, et lui planter vivement en travers de la gorge. Fluffy n'avait même pas à crier, avec ce sabot dans sa bouche. La ponette tira sur son couteau, tranchant carotide et trachée dans le même temps, puis laissa le corps de Fluffy tomber au sol, se vidant de son sang et de sa vie sans un bruit. Octavia se retourna. En face des toilettes se trouvait le bureau-chambre du sergent. Elle ouvrit la porte pendant que les autres membres de l'unité traversait le dortoir pour tuer les poneys endormis.

Dans le noir, elle pointa son arme vers le poney endormit, et tira une rafale. Elle entendit un gémissement, mais qui fut couvert par une sourde explosion venant d'ailleurs dans le camp. Drill était peut-être cinglée, mais elle savait doser une explosion. Le son avait à peine dû sortir du camp. Octavia se demanda comment se débrouillait Black Jack. Elle sortit de la chambre pour aller dans le dortoir, dans lequel les commandos s'affairaient à nettoyer leurs lames ensanglantées. Elle alla à la fenêtre, et écarta le rideau.

-Mais qu'est-ce que...

Ce crétin n'avait toujours pas lancé l'assaut. Elle vit une ponette s'approcher de lui, pour lui parler.



-On voit rien, avec ces foutus rideaux.
-Pas grave. Il faut qu'on se dépêche, lui répondit la licorne. Cette explosion a dû les réveiller. On entre. Apple Red, tu passes devant.
-Bien reçu, chef.

La ponette se plaça en face de la porte, la défonça d'un violent coup de pied, et pénétra à l'intérieur du bâtiment. Puis elle regretta ces foutus rideaux. S'ils n'avaient pas été là, ils auraient vu que les solaires ne dormaient pas. Cinq poneys la regardèrent, surpris, des jeux de cartes dans les sabots. L'un d'entre eux était à moitié levé toutefois, sûrement alerté par le bruit de l'explosion. Elle pointa son arme vers eux...

Et ne tira pas. Ils étaient désarmés, sans défenses, surpris au milieu d'une partie de carte. Si elle tirait, ça serait une simple boucherie, un massacre. Et Black Jack lui avait apprit à abhorrer les massacres.

Ce fut la seconde de trop. Le poney à moitié levé avait le sabot sur son holster, et dégaina son arme, puis tira une volée de balles sur la ponette.Elle sentit quatre chocs sur son gilet pare-balle, spécial Rarity, au niveau du torse, mais la cinquième balle lui traversa la gorge, transperçant tout ce qui s'y trouvait. La sixième et la septième atteignirent son épaule et sa patte. Elle s'effondra sous son poids, toussant pour dégager ses voies respiratoires inondées. Derrière elle, Black Jack et Frostbite, d'abords effarés, puis pris d'une rage indescriptible, ouvrirent le feu en hurlant, tuant net le poney assassin, et continuèrent sur leur lancée en tuant les autres, qui tentaient vainement de rejoindre leurs bardas pour récupérer leurs armes. Ils n'eurent aucune chance de survie face aux deux poneys réclamant vengeance, et tapissèrent leurs matelas d'énorme tâches rougeâtres qui allèrent en s'élargissant. Le reste des Fantômes pénétra dans le bâtiment, et commencèrent à fouiller les moindres recoins. Mais comme prévu, il ne restait que ces quelques soldats, maintenant étendus par terre, les autres devant être mort dans leur sommeil dans les divers cachettes que les Fantômes leur avait attribués. Coffee Crime, le médecin du groupe se précipita sur Apple Red, l'ausculta rapidement, fouilla dans son sac pendant qu'un autre poney mettait ses sabots sur la gorge déversant une rivière pourpre de la ponette. Crime sortit différents instruments, des bandages, et commença à s'affairer sur la blessée. Black Jack s'approcha, regardant l'opération par-dessus l'épaule de la praticienne. Apple Red tourna légèrement la tête vers lui, des larmes gouttant aux coins de ses yeux.

-Veux... Pas... mourir...
-Chuut, lui intima Coffee. Accroche-toi, Red !

Le médecin continua de se battre pour sauver cette vie. Il semblait à Black Jack que l'hémorragie s'atténuait. Apple Red recommença à respirer normalement, et Coffee écarta lentement ses sabots.

-Je pense qu'elle est...

Puis la carotide de la ponette explosa, projetant du sang sur les spectateurs. Apple Red eu un dernier spasme, et son corps s'affaissa lourdement.

-Merde ! hurla Coffee Crime. Non, merde, Red !

Elle se pencha sur la ponette, mais ses sabots restèrent à quelques centimètres du corps, sans bouger. Le médecin ne savait pas quoi faire. Ou plutôt, elle savait qu'il n'y avait rien à faire. Un carotide tranchée pouvait difficilement être traitée si on était pas dans un hôpital, et c'était pire encore en situation de combat. Son rafistolage n'avait pas tenu le choc contre la pression qui s'écoulait dans les vaisseaux de la ponette, c'était tout. C'était... normal.

Mais elle venait de voir une amie mourir entre ses sabots. Encore une fois. Elle se releva, cachant ses yeux et se maitrisant le mieux possible pour ne pas se laisser envahir par cette tristesse qui l'assaillait, puis se dirigea vers la sortie. D'autres Fantômes regardaient le cadavre de la ponette, partagés entre l'incompréhension, la tristesse et la tentative de se raisonner en se disant que c'était normal. Mais voir un camarade mourir sous ses yeux ne pouvait pas être considéré comme normal. Les soldats sortirent un par un du bâtiment, jetant un dernier coup d'oeil au corps ensanglanté, les yeux révulsés. L'un d'entre eux ne put le supporter, et s'appuya sur le mur pour vomir.

Black Jack ne pouvait pas détacher ses yeux de la ponette. Elle avait hésité, il l'avait vu. Elle avait voulu donner leur chance aux soldats adverses, comme lui essayait de le faire. Et elle était morte. C'était aussi facile que ça. Une hésitation, un mort. Soudain, la lumière se fit dans son esprit. Il comprit les méthodes Shadow Stalker et des Night-Ops. Eux n'hésitaient jamais. S'il y avait plusieurs choix, ils prenaient le plus expéditif, sans se prendre la tête. Parce que chaque seconde qu'ils gagnaient sur la réflexion augmentait leur chance de survie. C'était des monstres, des assassins, mais des survivants. Stalker avait fait en sorte de chasser la moindre trace d'hésitation de leur esprit pour les maintenir en vie. Mieux valait l'ennemi qu'eux.

Black Jack se pencha sur le cadavre de sa camarade, et lui ferma les yeux et la bouche. Il n'hésiterait plus.



-* Clé de Sol à Traqueur. Pions mats. *
-* Blanche-Neige à Traqueur. Cavaliers mats. On peut arrêter de parler en code maintenant ? *

Shadow Stalker se tourna vers Dvorak, qui regarda un autre de ses appareils, et lui fit un signe.

-C'est bon, Flesh, dit le commandant. Plus rien à signaler ?
-* Rien du tout, chef *, répondit le pégase. * On a checké tout le camp. Y'a plus un solaire de vivant par ici. *
-Bien. Stalker aux Night-Ops. Regroupement à l'entrée. Terminé.

Le brin de paille au coin des lèvre, il se dirigea vers ses soldats, la plupart assit où adossés à divers obstacles. Si cette mission n'avait pas été la plus éprouvante physiquement, c'était un rituel de s'accorder un instant de repos quand la zone était sécurisée. Il fallut moins d'une minute pour que Flesh et son équipe arrive vers eux, une mine radieuse sur le visage. Le pégase aimait les travaux bien faits, et celui-là s'était déroulé sans anicroches. Ce fut légèrement plus long pour Octavia et les Fantômes, et lorsqu'ils apparurent, Stalker nota immédiatement leurs mines atterrées, notamment chez les Fantômes, qui baissaient la tête. Puis il vit que deux d'entre eux portaient un paquet enveloppé dans un drap blanc taché de sang.

Tout ne s'était pas déroulé sans anicroches. Stalker marcha à leur rencontre, se dirigeant vers Black Jack. Les Fantômes se rangèrent au milieu des Night-Ops, qui se gardaient bien de faire le moindre commentaire ou de proposer leur aide. Ce genre de douleur devait rester entre coéquipiers. Stalker finit par atteindre leur commandant, dont le regard se perdait dans le vague. Le sniper attendit quelques minutes, le temps que la licorne émerge de ses pensées et note sa présence. Stalker désigna le corps emballé.

-C'était qui ?
-Apple Red.
-La cousine d'Applejack ?
-Oui...

Les deux leaders restèrent silencieux quelques instants. Stalker ne lui fit pas l'insulte de rendre hommage au soldat mort. Il ne la connaissait pas, et ne savait pas ce qu'elle valait. Plus exactement, il savait tout, car chaque Fantôme était minutieusement observé, mais il se garda d'en faire part à la licorne. S'il y avait quelque chose à dire, ce serait à lui de le dire. Et il n'y avait rien à dire. Finalement, la licorne réussit à rassembler suffisamment ses pensées.

-C'est quoi la suite ?
-La même chose, deux fois.
-Pardon ?
-Je ne sais pas comment vous avez fait, fit le sniper en mâchant son brin de paille, et je ne veux pas le savoir, mais vous vous êtes infiltré plus efficacement que nous. Alors, on recommence. Prend Rocket Storm avec toi, son talent pour le déguisement pourra être utile. Neutralisez les patrouilles, ouvrez la porte, et on nettoie. D'accord ?

Black Jack se tourna vers le sniper. Il songea quelques instants.

-Quand tu dis qu'on « neutralise » les patrouilles...
-Tu fais comme tu le sens. Mais tu ne fais que retarder l'échéance.

La licorne réfléchit quelques instants de plus. Son regard dévia vers le linge ensanglanté.

-Qu'est-ce qui se passe pour Red ?
-On préviendra l'armée pour qu'ils la récupère.

Finalement, le génie souffla, et tendit son sabot vers le tireur d'élite.

-J'espère que l'on n'aura plus jamais à faire ça.

Stalker toucha le sabot de la licorne avec le sien.

-Je ne promet rien. Mais j'ai tout fait pour.



Applejack était sur la colline. Ça faisait une heure qu'elle attendait là, à fixer le petit poste de radio en face d'elle. Ils attendaient tous, à fixer, que ce soit physiquement ou par la pensée, cet engin. Une telle attente, juste pour avoir l'autorisation d'avancer de quelques kilomètres. Même pas de combat. Pas d'ennemis à tuer. Juste avancer, jusqu'à un autre point où il faudrait encore attendre que la route soit dégagée. Heureusement, ces foutus avant-postes étaient peu nombreux. Sinon, ils seraient tous morts de vieillesse avant d'arriver à la capitale de l'Empire des Fous.

Applejack exagérait, bien sûr. Mais elle ne supportait pas de devoir patienter autant alors qu'ils étaient en plein milieu de leurs ennemis. Pire encore, on lui avait fait miroiter le fait d'une attaque qui lui permettrait enfin d'affronter la cinglée en chef, et de venger sa famille. Elle bouillait tellement qu'on aurait pu faire cuire une tarte aux pommes juste en lui posant dessus. Elle entendit des bruits de sabot s'approchant. Un pas élégant. Même après des années de guerre et un entrainement intensif pour devenir soldat, Rarity ne s'était pas défait de son pas souple et distingué. Elle lui avait juste ajouté une touche d'aspect guerrier.

-Toujours rien ? demanda l'ex-fashionista.
-Nnope. Ils en mettent du temps, pour un petit nettoyage de rien du tout.
-Ils tentent de faire ça sans déclencher d'alerte. Ils mettrons forcément un peu plus de temps que ça te prendrais, à toi.
-Tu insinues que je suis trop bourrine pour ne pas déclencher d'alerte jusqu'à Canterlot ?
-En réalité, répondit la licorne, je pensais plutôt que tu déclencherais l'alerte jusqu'à la forêt Everfree.

La ponette orange regarda Rarity de façon sévère pendant quelques secondes, puis les deux poneys s'esclaffèrent. Puis le poste se mit à crachoter.

-* Ombres à Fourmis. P1 clair. Vous pouvez avancer. À vous. *

Rarity prit le communicateur.

-Fourmis à Ombres. Bien reçu. Nous transmettons cela au QG.
-* Au fait, les Fantômes sont avec nous. Et nous avons une mauvaise nouvelle, notamment pour Applejack. *

Applejack sauta sur le micro.

-Quoi ? Qu'est-ce qui y'a? Il s'passe quoi ?

Un silence se fit dans l'appareil. Puis un souffle se fit entendre.

-* Désolé, mais Apple Red est tombée au combat. Nous laissons son corps sur place. Récupérez-le. Terminé. *

Applejack laissa tomber le micro, la bouche entrouverte. Elle avait encore perdu un membre de sa famille. Si elle n'était pas très proche d'Apple Red avant la guerre, l'avoir dans son camp, même si elle faisait partit des Fantômes, les avait rapproché. Elle lui rappelait tellement Applebloom... Le corps de la ponette orange trembla. Rarity tenta de s'approcher, mais l'ancienne fermière frappa d'un coup rageur sur le sol, qui craquela. La fermière descendit son chapeau sur ses yeux, et descendit de la colline. Rarity la regarda partir, partageant sa peine. Dire qu'une famille aussi soudée que celle des Apples était la première à partir en lambeaux de la sorte... Ce que traversait Applejack devait être horrible.

Rarity n'aimerait pas être Célestia ou un solaire dans les prochaines heures. Elle prit le micro, et changea la fréquence.

-Lady à QG. Nous avons reçu le signal.
-* QG à Lady. Bien reçu. On avance. Rejoignez votre unité. *

Rarity prit une voix peinée.

-Nous allons être forcés de faire un détour...

J'ai vraiment eu de la peine pour cette pauvre bon-bon, premier sang versé dans cette bataille finale

Autant que Celestia soit une grosse impotente stratégique je veux bien, mais j'ai vraiment l'impression que Luna ne sert à rien. A peine une figure de proue. C'est sans doute voulu, mais j'aurais tout de même vu une plus grande implication des deux princesses

Okay, je veux bien que Rarity veuille protéger Spike, ne pas l'abandonner, tout ça.... Mais il faut voir les choses comme elles sont: Spike est un dragon. Bipède, donc qui peut se déplacer rapidement avec deux armes en mains, il a un lance-flammes intégré, et des griffes qui devraient lui permettre de grimper un peu n'importe où avec agilité et discrétion, comme le gros lézard qu'il est. Sérieusement, je pense que Stalker aurait pu lui trouver de nombreuses utilités, malgré son jeune âge. Après tout, même Dinky a perpétré des massacres, pourquoi pas Spike? Et même sans tout ça, c'est une arme de suppression à lui tout seul. Bref, je pense qu'il aurait eu sa place chez les Nnopes, ou du moins dans l'armée Lunaire. Avec un brin de protection, il suffirait de le faire remonter sur un flanc ou de le faire attaquer au coeur des lignes adverses pour faire un beau carnage. Même mieux, son souffle serait meurtrier lors d'un siège, car les petits malins qui pensaient être à couvert seraient rôtis avant d'avoir pu réaliser leur erreur. Et un face-à-face Spike-Twilight aurait été tout bonnement épique, même si ce rôle revient désormais à Black Jack.