Confortablement installée au dernier étage de la plus haute tour du Palais de Nombreux Galops, Luna attendait, un petit sourire satisfait au coin des lèvres. L'astre du jour resplendissait au milieu du ciel, et baignait toute la façade du Palais de sa chaleureuse lumière, mais Luna avait préférée rester à l'ombre d'un pilier, et attendait patiemment son heure, assise sur son coussin en velours favori. Mais malgré les apparences, ce n'était pas une journée tranquille, ni même une journée comme les autres, ni même une journée tout court. Il était bientôt minuit, et il faisait jour.
Plus bas, aux portes du château, régnait une agitation sourde. Un peu plus tôt, on s'était demandé pourquoi le crépuscule tardait à arriver, sans trop s'inquiéter ; puis la torpeur avait commencée à envahir les poneys, pour la plupart incapables de dormir le jour, et plutôt que d'attendre un sommeil qui de toute façon ne viendrait pas, ils sortirent dans la rue et criaient maintenant leur indignation, rassemblés en une masse compacte devant les hautes grilles dorées. Les gardes royaux faisaient de leur mieux pour contenir la foule, et Celestia devait sûrement être à la recherche de sa soeur ; exactement ce que Luna avait prévu. Elle étira ses pattes avec un soupir, et décida d'attendre encore une dizaine de minutes. Rien ne pressait.

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"Alors, c'était comment, Zebraïca ?" avait-elle dit, quelques heures auparavant. Luna et Celestia prenaient leurs repas dans la grande salle à manger royale, celle qui servait d'habitude aux banquets et aux occasions spéciales, et qui paraissait bien vide ce soir là. Celestia venait de rentrer d'un voyage diplomatique d'une semaine, et Luna avait tenue à ce que tout soit parfait. Elle avait demandée à ce que l'on prépare son plat favori, que l'on sorte les plus beaux couverts et avait même fait déplacer un petit orchestre pour l'accueillir. Tout ça dissimulait aussi une tentative de se faire pardonner, car elles s'étaient quittées sur une dispute ; elle aurait voulue partir avec sa soeur, visiter les chaudes contrées de Zebraïca , et l'avait fait bruyamment fait savoir. Mais elle avait dûe se résigner à garder le trône, et passé la première journée de rancoeur, elle s'en était voulue et avait tout mis en oeuvre pour se rattraper. Pour l'instant, les résultats étaient peu concluants.

"Bien. Merci." avait répondue Celestia d'un air absent, en promenant sa fourchette dans son assiette. Elle y avait à peine touchée. Le silence s'étira péniblement. Elle fît sonner une clochette, et un serviteur lui remplit son verre d'hydromel, qu'elle vida aussitôt après.

"Tu n'as pas l'air d'aller bien" avait soudainement dit Luna.

"Je vais bien."

"Tu n'as pas l'air d'aller bien" avait-elle répétée, plus doucement cette fois. Elle passa son sabot dans sa crinière et regarda au fond de sa verre.

"Toi non plus." La conversation cessa, et fût remplacée par le tintement sporadique des couverts et les toussotements des serviteurs. Puis Celestia s'était retirée sans un mot, quasiment sans avoir mangée, laissant sa soeur seule pour le reste de la soirée.

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Luna grimaça en se repassant la scène dans la tête. Sans doute sa soeur était partie passer la soirée en compagnie de sa "plus fidèle élève", qui avait dûe lui manquer horriblement, et sans doute plus qu'elle, réalisa Luna avec un pincement au coeur.
Mais ce soir là, elle allait lui donner une bonne leçon. Luna avait tout prévue ; ce soir là, elle n'allait pas lever la Lune, et le jour se prolongerait douloureusement, et Celestia la chercherait partout sans la trouver. Puis lorsque Luna l'aurait décidé, elle irait à sa rencontre, et invoquerait comme excuse une soirée trop chargée et lui dirait quelque chose du genre "oh, si tu avais été là, je n'aurais pas eue à m'occuper autrement" et Celestia s'en voudrait. Puis la nuit tomberait sur VillePoney, et elle s'endormirait aux côtés de sa soeur, qui serait certes un peu fâchée mais plus attentive à elle. Le plan était parfait. Luna se leva et s'appuya à la rambarde du balcon. La plèbe était devenue très agitée, trop agitée. Il était temps de mettre un terme à cette comédie. Elle préparait mentalement son discours, lorsqu'un rayon lumineux traversa le ciel à toute allure.

Une clameur hystérique sortît de la foule, et Luna observa avec horreur le soleil disparaître lentement à l'horizon dans une effusion de rouge et d'orange. Puis la nuit noire tomba, les étoiles se mîrent à briller, et la Lune se leva lentement dans le ciel, pleine, lumineuse, parfaite. Des cris de joies se firent entendre, et les poneys autrefois en colère retournèrent chez eux, impatients de rattraper le temps de sommeil perdu. Luna, elle, dévalait déjà les escaliers à triple galop.

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"Depuis QUAND tu sais faire ça?" hurla Luna au visage de sa soeur, nullement impressionée. Elle avait oubliée tout ses discours attendrissants et ses besoins d'attention, et bouillonait de rage.

"Allons, Luna, calme toi. J'ai fait ce qu'il y avait à faire, c'est tout."

"Mais ... mais ... " Les larmes lui vînrent aux yeux. "C'est moi, la déesse de la Lune! Comment ça se fait que ... que tu ..." Elle lui tourna le dos et regarda l'astre lunaire avec de grands yeux confus.

"Luna." soupira Celestia. "Chaque jour, par le pouvoir qui m'a été confié, je fais se lever le soleil sur Equestria. Sais tu ce que représente le soleil? A quel point il est loin, et lourd? Tu penses bien que la Lune est loin d'être un défi pour moi."

Luna était abasourdie. Elle trouva néammoins la force d'articuler plaintivement : "A ... A quoi je sers, alors?"

"Eh bien, figure toi que depuis ce soir, je me le demande aussi." répliqua sèchement sa soeur. "Je ne te demande pourtant pas grand chose."

"TAIS TOI!" Luna poussa un hurlement pathétique, et s'enfuit vers sa chambre, ou elle s'enferma à double tour. Elle passa le reste de la nuit à pleurnicher, et lorsque l'heure du jour approcha, elle essaya d'invoquer le soleil. Elle n'y arriva pas.

Lorsque la déesse de la nuit émergea tout à fait par hasard d'un sommeil agité, le soleil était déja haut dans le ciel, et un trait de lumière éblouissant qui filtrait entre les hauts rideaux irradiait l'intérieur sombre et bleuté de sa chambre; la propriétaire des lieux parvint à mobiliser suffisament de neurones pour en conclure qu'il devait être près de onze heures du matin, et se retourna en poussant un grognement fatigué.

Luna avait passé la nuit à ruminer de sombres considérations sur l'existence dont elle ne se souvenait même plus, et tenté de lever le soleil pour narguer sa soeur, et peut-être lui prouver qu'elle aussi pouvait en être capable; mais celui-ci était si lourd qu'elle n'avait même pas réussi à le faire bouger d'un milliparsec, et elle avait dû s'endormir sans s'en rendre compte. Les naseaux enfoncés dans l'oreiller, elle essayait de faire le bilan de la journée d'hier, et y renonça; ce qu'il lui fallait, ici et maintenant, c'était un broc de café, très très grand.

La jument bleue tendit un sabot vers la cordelette et tira; personne ne répondit, ils devaient tous être occupés, et au bout de cinq minutes, elle en conclut qu'il lui faudrait le chercher elle-même. Luna soupira, jeta les couvertures sur le côté et se mit sur ses pattes, cherchant son équilibre; elle fixa d'un regard absent ses souliers cristallins posés au sol, se demandant à quoi ils pouvaient bien servir, secoua la tête et considéra que le tintement affreux qu'ils faisaient à chacun de ses pas sur le carrelage du palais devait bien être la dernière chose qu'elle avait envie d'entendre. Elle se rabattit donc sur ses chaussons-lapin et entama la traversée de sa chambrée; le sol était jonché de peluches de toutes sortes d'animaux et réveillée comme elle était, elle avait toutes les peines du monde à les éviter ou à les repousser du sabot et finit par abandonner. Ce fut donc au terme d'un concert de "pouic!", de "coin!" et autres cris d'animaux qu'elle gagna la porte et sortit de cette ménagerie bordélique, comme l'appelaient les pouliches de ménage quand leur reine n'était pas à portée d'oreille. Luna avait toujours adoré les animaux; des siècles de la solitude la plus absolue l'avaient tant secouée que l'isolement la terrorisait désormais, et cet amoncellement de peluches d'animaux était avant tout là pour la rassurer.

Arrivée dans les cuisines, Luna fit un peu de repérage et avisa une servante en tablier, seule autre occupante des lieux. "Bonjour..." marmonna t-elle pour attirer son attention.

Celle-ci tourna la tête et son visage se fendit d'un large sourire plein de dents en la voyant dans toute la splendeur de son pyjama orné de têtes de lapins. "Bonjour, votre Magesté! Avez-vous passé une bonne nuit? répondit celle-ci d'un ton qui ne laissait absolument pas paraître que six heures plus tôt, c'était elle qui avait allumé le feu dans la cheminée de la salle à manger pour repousser l'air glacial de la nuit, après une nuit largement écourtée par sa petite farce d'hier soir. Vous désirez manger quelque chose?"

Luna hésita. "... Juste un café, merci."

Son interlocutrice tourna les talons et disparut aussitôt en cuisine. La princesse de la nuit s'assit à l'extrémité d'une table immense et attendit que les choses se fassent; l'une de ses cuisses était agitée d'un mouvement régulier, et pouic-pouic-pouic chantait en rythme le chausson-lapin à cette extrémité-là de sa personne. Elle se passa un sabot dans les cheveux, qu'elle sentit à peine, et en déduit qu'ils devaient être bleus nuit et nébuleux comme ceux de sa soeur; Luna n'aimait pas le contact fugace et incertain de ceux-ci avec ses épaules et préférait ses vrais cheveux, les clairs, mais ceux-ci devaient être un vrai sac de noeuds et si elle voulait rester présentable, il lui faudrait endurer cette crinière-là jusqu'a ce qu'elle prenne son bain.

Un bol noir et fumant apparut devant elle, la tirant brutalement de ses pensées. "Merci", laissa t-elle vaguement échapper, avant de boire; la saveur âcre et amère qu'elle ressentit n'était absolument pas celle qu'elle attendait, elle avala de travers et faillit cracher et s'étouffer.

"Hé! C'est deux sucres, dans mon café!" protesta t-elle d'une voix piaillante d'indignation, outrée qu'on lui enlevât de cette manière le premier moment agréable d'une journée accomplie.

La servante, qui était restée à côté pour quelque raison, secoua la tête. "Nous n'en avons plus, votre Magesté."

"Hé ben, allez en racheter." lui ordonna Luna sur un ton impatient.

La réaction de la pouliche en tablier ne changea pas. "Navré, votre Magesté. Plus personne n'achète de sucre. Ordre de la Reine votre soeur."

"Plus personne ne... commença Luna, avant de se rappeler de la situation. Écoutez, laissez tomber.". Elle se retourna vers la table et se força à avaler l'immonde breuvage, gorgée par gorgée; sucré ou pas, ça ne changeait rien à sa concentration en caféine. La servante s'éclipsa pour de bon, et Luna jura avoir aperçu un éclair de satisfaction dans son regard; elle ne perd rien pour attendre, se dit-elle, sourcils fronçés.

Luna avait passé mille ans sur la lune, en proie à la folie et au chagrin; pendant dix siècles, elle avait subi la faim, une faim insupportable dont elle n'était pas morte mais qui l'avait tourmentée jusqu'a l'obsession, la poussant même quelquefois à avaler du régolite pour faire taire son estomac; à son retour sur terre, elle avait voulu laisser tout ça loin derrière en s'empiffrant de toutes les friandises qui pouvaient exister; mais seulement quelques semaines après, le destin avait décidé qu'il n'en avait pas fini avec elle, et il s'était passé "quelque chose", dont elle n'avait qu'une vague idée; même sa soeur n'avait pas voulu développer le sujet avec elle. Le sucre avait cessé d'exister.

Les uns après les autres, les échoppes d'Equestria s'étaient trouvées en pénurie de sucre. Devant les interrogations de son peuple, Celestia avait déclaré qu'il s'agissait d'une perturbation momentanée et que tout allait rentrer dans l'ordre à la fin de la semaine. Les poneys rassurés étaient allés vider leurs stocks de sucre comme à l'ordinaire, totalement inconscients que la source de sucre de tout Equestria était déja tarie depuis des jours; puis, ils en arrivèrent au moment où il n'était plus possible de repousser plus loin le moment des aveux. Devant plusieurs générations de poneys nés avec des friandises entre les dents, Celestia avait annoncé que la pénurie de sucre allait se prolonger indéfiniment et qu'elle était sincèrement désolée; la réaction fut immédiate et impitoyable, son nom fut sali, et sur elle se cristallisèrent toute la haine et la frustration d'un peuple qui se sentait trahi, bafoué; personne n'avait eu la présence d'esprit de songer qu'ils auraient pu être en train de s'étriper pour des paquets de sucre si elle avait dit la vérité pendant qu'il en restait encore, et désormais, c'était les plus hautes autorités du royaume qui devaient montrer l'exemple en subissant la crise encore plus que tous les autres; une révolution grondait, et en ces temps-là, le moindre signe d'opulence de la part de la famille royale pourrait mettre le feu aux poudres.

C'était peut-être même la raison du voyage diplomatique des jours passés de sa soeur; quoi qu'en dise le peuple, elle paraissait remuer ciel et terre pour mettre un terme à la situation, et peut-être que les zèbres ne s'étaient pas montrés aussi compréhensifs qu'elle ne l'espérait, ce qui aurait pu expliquer son humeur de la veille.

Luna quitta la salle à manger en traînant le pas, songeant qu'en matière de privations et de serrage de ceinture, elle avait déja donné, et que la vie était décidément injuste. "On en est là..." soupira t-elle, l'image d'un pot de glace de cinq livres encombrant son esprit tout entier.

Les couinement du pas lent de Luna dans les couloirs du vaste château ponctuaient son passage d'un lanconique rythme incertain, comme le chant d'un oiseau dépressif. Un jour de plus au paradis; L'alicorne pensait a toute les choses qu'elle allait faire sitôt sa préparation matinale terminée tandis qu'elle montait vers le rempart. Tout ce qu'elle avait rêvé de faire lorsqu'elle vivait sur la lune glacée, sans avoir la moindre chance de les faire, en se contentant de souvenirs qui s'étiolaient doucement au fil des années..

Elle avait cru devenir folle. Mais tout cela etait terminé.

Le chateau etait grand mais lorsque l'un des occupant manquait, on s'en apercevait vite. Celestia n'etait pas là, ce qui conférait à Luna le titre de plus haute autorité résidente en les lieux. Peu importe où est-ce que sa soeur etait allée, la marche de la jument bleue s'etait faite plus haute, plus distinguée. Elle jetait des regards désinvoltes aux valets qu'elle croisait, ignorant leurs gloussement lorsqu'ils pointaient du sabot ses chaussons ridicules et bruyants, elle marchait au milieu de l'allée et y restait, même si cela fendait en deux le flot de poneys qui allaient dans l'autre sens. Elle etait enfin reine, et cette reine allait procéder a ses ablutions, et par la même, écraser tout Equestria de son autorité indéfectible. Une fois arrivée en haut des remparts, Luna ôta ses royal chaussons, qu'elle aligna à coté d'elle, se mis dos au vide, fit claquer ses sabots au sol en prenant appui, et se détendit pleinement.

D'entre ses cuisses fermes jaillit une cascade dorée, myriade d'étoiles étincellantes au soleil, qui s'étiola a quelque distance en une brume légère d'ou naquis un arc en ciel.

Le visage tourné vers les rayons bienfaisants du soleil, les yeux mi-clos, Luna savoura son autorité se déversant sur le peuple, les imaginant écrasés d'humilité et d'obédience, prosternés au sol devant ce cadeau divin, cet honneur d'un dieu, ou du moins de quelque chose en ayant fait partie, qui descendait vers la terre. Les rare poneys et pégases qui s'etaient trouvé non loin et avaient assistés au spectacle etaient écrasés de honte, choqués devant tant de vulgarité et de sans-gêne; toute l'éducation et l'apprentissage des bonne manières d'une mère envers sa pouliche venait de tomber a l'eau.

La jument bleue termina tranquillement en se secouant, gratta du sabot dans un antique réflexe propre a son espèce, qui venait du fond des ages, et s'apprêta a remettre ses chaussons lorsqu'une ombre parut devant elle.

-Celestia! l'accueillit Luna. Comment s'est passée ta matinée?

La déesse du jour lui adressa un sourire triste. Un peu plus tard, tout le monde serait au courant et les photos finiraient dans quelque magazine à scandale, mais cela, Luna ne le savait pas.

-Luna. Les choses ne se font plus comme ça, dit-elle simplement.

Parfois, Luna ressentait une sorte de curiosité de la part des autre occupants du château. Une curiosité melée de mépris. Elle l'ignorait la majeure partie du temps mais peut-être que ce n'etait pas juste la rancoeur habituelle des moins que rien envers ceux qui, dans un monde parfait, auraient été les seuls à occuper le monde (mais qui aurait fait le café?).

Celestia etait patiente. En récuperant sa soeur après un exil de mille ans sur un caillou désert, elle se doutait qu'elle aurait peut-être perdu quelque standards. Mais c'etait tout le contraire qui s'etait produit, Luna etait restée la princesse digne et grâcieuse de "ce temps là", et avait gardé toute son éducation et tout ses standards. Le problème était qu'en mille ans, ils avaient périmés. Luna en avait un peu conscience, et ne sortait pas souvent du château, mais la réalité aurait été très douloureuse, elle n'etait tout simplement pas sortable. Celestia etait patiente; Luna restait au château, faisant subir au personnel son attitude déplorable, et ça ne sortait pas de ce cadre. Les choses auraient pu etre pires.

Celestia termina sur cette phrase son sermon et retourna vaquer a ses occupations, indiquant un vague endroit où on pourrait la trouver au besoin, laissant là la licorne bleue envahie d'un incompréhensible sentiment de gêne. Le soleil etait au zénith, c'etait bientot l'heure d'aller manger. Ensuite, elle irait dans sa chambre, jouerait avec ses jouets ou lirait un livre, ou marcherait dans la cour du chateau, ou irait prendre un bain avec des bulles et un canard jaune. Comme tous les jours.

Mille ans passés à désirer la terre, a la désirer avec une intensité inimaginable, au point de perdre tout espoir de la revoir. Mille ans à rêver de faire des choses, et maintenant qu'elle etait de retour, elle ne faisais rien. Les pierres de ce château etaient aussi froides que la Lune.

"Mon petit poney, mon petit poney ... ha ha ha ..." chantait faux la déesse lunaire dans sa luxueuse baignoire, au grand dam des serviteurs qui étaient dans le coin. Ça faisait bien une heure qu'elle barbotait, comme tout les soirs après avoir pris son dernier dessert, et tout le monde au palais attendait qu'elle ait enfin finie pour pouvoir enfin s'abandonner au sommeil ; en effet, personne ne savait à l'avance qui aurait l'honneur d'être choisi pour la sortir du bain et la sécher, et les valets tuaient le temps en jouant aux cartes dans la salle commune. Au bout d'une demi-heure de torture auditive, l'un d'eux se leva en soupirant, s'approcha de la salle de bain sur la pointe des sabots, et en calfeutra la porte avec des serviettes enroulées, avant de repartir à la salle commune déjà un peu plus vivable.
Mais à peine 1 seconde après que le jeu ait repris, une clochette sonna. Un des poneys attrapa une bouteille vide, la posa sur le côté d'un air solennel, et la fît tourner du sabot. Sous les yeux grands ouverts de l'assistance, la bouteille tourna à toute vitesse, puis ralentît avant de s'arrêter finalement sur un poney malchanceux, et le désigné se dirigea vers la salle de bains en grommelant, alors que les autres partirent se coucher avec soulagement.

Il jeta les serviettes sur le côté et tapa à la porte, avant d'entrer. "Vous m'avez demandé, Princesse?"
Luna était à demi immergée dans la mousse, les pattes avant posées sur les bords de la grande baignoire en bronze, un verre de vin flottant devant elle. Elle le toisa de haut en bas d'un oeil pas tellement vif qui laissait clairement deviner quelle n'en était pas à son premier verre de vin. "Non. J'ai demandé Zébulon. Où est il?".

"Il n'est plus de ce monde, votre Majesté." répondit le valet, affreusement embarrassé. "Vous le savez bien, ça fait 980 ans.".

"Bien sûr." fît la Princesse d'une voix affligée. Elle plongea son sabot dans l'eau, en sortit un poney des mers en plastique, et lui fît faire le tour de la baignoire, à travers la mousse. "J'avais oubliée."

Le silence s'étira péniblement, à peine perturbé par le bruit de l'eau et le ronronnement du chauffage. "Voulez vous rester encore un peu, votre Majesté?" demande timidement le valet. La Princesse hocha la tête d'un air absent, et se redressa. Elle eût un peu de mal à trouver son équilibre et pendant 5 secondes d'horreur, le valet crût bien qu'elle allait tomber et se fracasser le crâne par terre. Mais elle tînt bon, et sortît de la baignoire, et se tînt là, dégoulinante, chancelante.
Le valet attrapa une épaisse serviette, et s'affaire à la sécher des sabots jusqu'a la tête, en se forçant à garder une expression professionnelle et désintéressée alors qu'il aventurait la serviette sur l'intrigue royale. En remarquant cela, Luna ne pût s'empêcher de ricaner, et remua le flanc, au désespoir du pauvre valet qui ne réussissait plus à frotter correctement.

"Votre Majesté! Restez immobile, s'il vous plaît ..." bredouilla t il, et la Princesse recula soudainement, lui collant son intrigue au visage, et il tomba sur le dos. Il essaya de se relever, mais c'était déjà trop tard, Luna était déjà au dessus de lui, et elle s'assît sur son visage. Le valet poussa un cri étouffé par le coussin charnu et humide qui pesait sur lui. Complètement paniqué, il attrapa l'intrigue de la Princesse et donna une forte poussée en avant. Elle poussa une exclamation de surprise et s'affala de tout son long sur le ventre. Le valet décampa en hurlant, réveillant ainsi tout le dortoir dans lequel il s'enferma et en barricada l'entrée, avant de se cacher sous le lit pour y rester toute la nuit.

Dans salle de bains, prostrée en position foetale, Luna pleurnichait en attendant de pouvoir se relever. Elle avait très mal aux pattes, et l'alcool n'aidait pas. Lorsqu'elle comprît qu'elle n'y arriverait pas avant de s'être au moins évanouie un moment, elle rampa jusqu'à la baignoire, s'y glissa au prix d'un effort suréquin, et s'allongea précautionneusement dedans. Puis elle ferma les yeux et sombra dans l'inconscience.

Elle se réveilla une heure plus tard, lorsque l'eau savonneuse entra dans sa bouche grande ouverte. Elle s'étouffa et cracha, puis rejoignit à grand peine sa chambre en maudissant le monde, s'écroula sur son lit et ne se réveilla que le lendemain midi.

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A peine sortie de sa chambre, elle fût accueillie par des regards mi-terrifiés mi-moqueurs de la part des serviteurs. Apparemment, sa mésaventure de hier soir avait fait le tour du château, en récoltant quelques détails croustillants au passage.
"Et elle lui a demandée de lui nettoyer sous la queue! Avec la langue!" chuchota une soubrette à une autre, qui pâlit et émît un "bleeeeeh" dégoûté.

Luna se força à faire semblant de ne rien entendre et se dirigea d'un pas mal assuré vers la salle à manger, et lorsqu'elle demanda à ce qu'on lui fasse son petit déjeuner, on lui répondît qu'il était trop tard pour ça. Elle commença à s'enerver, et pour éviter un scandale, le cuisinier fût rappelé, et lui prépara ses tartines au beurre. Un autre serviteur fût appelé pour lui apporter, et c'est ainsi que dans une véritable orgie de mauvaise volonté, Luna eût son petit déjeûner. Son café était toujours aussi ignoble, et elle le vida par terre, devant les yeux scandalisés d'une pouliche de ménage.
"Depuis quand ne m'aime t-on plus?" pensa Luna, en mordant tristement dans ses tartines. Pourquoi, ces derniers temps, avait-elle l'impression d'être une intrus dans son propre royaume? Pire, dans son propre palais? Bien sûr, elle n'avait jamais été la plus populaire, et elle avait finie par l'assumer. Mais là, c'était pire que tout.

"Luna?" fît la voix de sa soeur derrière son dos, l'arrachant à ses pensées. "Ce n'est plus une heure pour déjeûner ..."

"JE SAIS, D'ACCORD?" cracha Luna en se retournant. Elle remarqua que Celestia n'était pas seule ; à côté d'elle se tenait la plus pathétique créature jamais inventée, plus collante qu'une tique ; Etincelle du Crépuscule, qui la dévisageait d'un air arrogant. Luna lui renvoya un regard glacial, et la pouliche violette sembla se ratatiner, et se déplaca sensiblement derrière Celestia. "J'ai finie, de toute façon.". Luna repoussa son assiette, ou restait encore une moitié de tartine trempée de beurre fondu, et quitta la pièce la tête haute, sans un regard en arrière, et se dirigea vers sa chambre. Puis elle, pris d'un doute, elle retourna discrètement a l'entrée de la salle à manger, et tendît l'oreille.

" ... Princesse Celestia, qu'est ce qui arrive à Princesse Luna?"

"Rien de très grave, Etincelle. Elle est juste un peu sur les nerfs avec cette histoire de sucre. Nous le sommes tous. Et elle doit se sentir un peu seule, mes devoirs royaux me prennent tellement de temps." Elle poussa un soupir, un peu faux.

"Princesse ... Ça vous arrive de vous sentir seule?"

"Bien sûr que non!" Elle poussa un hennissement amusé. "Je t'ai, toi, ma plus fidèle étudiante. Et j'ai toute la journée pour ..."

Luna tourna les sabots, dégoutée, et s'en alla. Toutefois, elle ne galopa pas assez vite pour éviter à ses oreilles d'entendre quelques gémissements et autres exclamations de plaisir. Mais en chemin, une idée lui vînt, une idée qui eût tout le temps de mûrir les jours suivants. Elle allait donner une bonne leçon à sa soeur. Elle allait lui prendre Etincelle du Crépuscule.