Untiring Quill courut droit vers sa maison. C’était un foyer très simple, bien moins excentrique que l’écrivaine en herbe qui y vivait. Elle poussa la porte de bois d’un coup de tête, trébucha sur un crayon qui traînait là, lui colla une ruade pour se venger et continua à foncer droit vers l’escalier.
L’espace était déjà exigu, mais la terrestre n’avait pas fait grand-chose pour gagner de la place. Des parchemins s’entassaient partout, couverts d’écritures, d’idées de scénario, de scènes comiques à intégrer dans d’éventuelles œuvres… Elle bouscula une pile sur laquelle était posée une ridicule étiquette indiquant "Brouillons". Les brouillons plongèrent sur une nouvelle pile cette fois nommée "Scénarios". Explosion de feuilles, d’écritures et d’encre. Au milieu du carnage, Untiring, regardant avec tristesse ses bonnes idées se mélanger les unes aux autres. « Bah, ça arriverait bien un jour. » Sur ce, elle grimpa l’escalier quatre à quatre.
Un bureau et des piles de parchemins. C’était à peu près la même chose qu’au rez-de-chaussée, mis à part le meuble. La jument s’approcha de son bureau, un sourire malsain, voire carnassier aux lèvres. Ses yeux reflétaient une lueur de folie. Elle ouvrit un tiroir du bureau de bois et en sortit un orbe diaphane. Un petit coup de sabot, très léger, le fit soudainement briller. Devenant d’un coup sombre, le globe s’éleva lentement dans les airs, une étrange aura autour de lui. A l’intérieur, des dizaines de petites étoiles scintillaient. Untiring Quill affichait un sourire de démente, les pupilles réduites à l’état de minuscules points noirs, les dents montant presque jusqu’à ses oreilles, ses cheveux décoiffés lui donnant l’apparence d’un savant fou…
« Maître, dit-elle d’une voix lugubre que personne n’avait jamais entendu jusqu’alors, j’ai pu m’infiltrer chez ces stupides juments. Elles imaginent pouvoir vous vaincre. Quelle ineptie… Dois-je les éliminer dès maintenant ? »
Elle appuya cette dernière remarque d’un clin d’œil très prononcé envers la sphère qui flottait devant elle.
« … Qu’est-ce que tu racontes, Untiring Quill ? Evidemment que tu as pu t’"infiltrer" puisque c’était prévu dans le scénario, patate. »
Le sourire dément de la terrestre disparut d’un coup, et à la place, son sabot droit s’éleva dans les airs pour retomber sur son front, tandis qu’elle baissait la tête avec une expression honteuse.
« Tu peux aussi me dire à quoi ça rime, cette histoire de "Maître" ? Et pourquoi est-ce que je voudrais que tu élimines mes personnages, à la fin ? Tu te crois dans Cupcakes ? Et comment ça, "elles croient pouvoir nous"…
-Chut ! Chut, chut, chut ! Ah, j’y crois pas ! Je prévoyais un de ces retournements de situation, et toi, pouf ! Tout est réduit à néant ! T’as pas compris le sens des clins d’œil ? Fallait que tu joues la comédie ! » cria la jument en tournant le dos à l’étrange orbe qui semblait ne rien comprendre du tout.

Un long silence s’ensuivit, puis l’orbe demanda alors :
« Je crois comprendre… Tu n’avais quand même pas l’intention de prévoir le scénario à ma place ?
-Bah… Je voulais juste rajouter du mystère, quoi ! Que les lecteurs se disent, "ouah la vache, c’est une traîtresse, trop cool" ! Mais toi, bien sûr, il faut que tu gâches tout !
-Untiring, c’est moi l’auteure de cette fiction, et ce n’est pas parce que tu sais que tu es ma représentation ici que tu peux écrire à ma place ! Tu sais quoi ? Je prévoyais de te révéler un bout du scénario histoire de gagner du temps, mais tu peux toujours courir, ma grande ! Et en prime, j’intègre cette scène à la fiction !
-Non ! Je t’en supplie, tout mais pas ça ! Nooon ! »
L’étrange objet rond redevint transparent et tomba sur la table. Untiring le considéra un instant, puis leva la tête et adressa un regard mauvais à ce qui semblait être un mur.
« Vous trouvez ça drôle ? »
Se retournant avec majesté, elle se mit une selle sur le dos, accrocha deux sacs bleu clair dessus, les bourra de parchemins, d’encre et de plumes pour écrire. Puis elle sortit de sa maison sans la ranger, ferma la porte et tira la langue à son mur.


Pinkie Pie, la crinière toujours lisse, les yeux toujours tristes, avançait comme une âme en peine. Elle mit vingt minutes pour arriver à Sugarcube Corner, la pâtisserie de Ponyville, là où d’ordinaire elle mettait cinq secondes pour faire tout le trajet. Montant à l’étage, elle y trouva Gummy, son alligator de compagnie, la bouche pleine de confettis, qui la regardait avec un air de stupidité profonde.
Elle lui adressa un très faible sourire, puis saisit ses sacs roses. Elle en ouvrit un et ne ria même pas quand une tarte à la crème lui sauta sur la figure. Elle n’ouvrit même pas la bouche pour avaler la délicieuse crème qui dégoulinait partout. Ouvrant le deuxième, elle reçut une rasade de confettis dans la tête. Sans broncher, elle avança droit vers une bibliothèque. Mais pas n’importe laquelle : dans cette bibliothèque, elle avait consigné, classé, rangé, archivé toutes ses fêtes, toutes les activités qu’elle avait planifiées, toutes les bonnes idées pour s’amuser. Elle ouvrit un album et tomba sur une photographie de groupe. Cela lui fit l’effet d’un électrochoc.
Rarity avait une tenue absolument superbe, toute de paillettes étincelantes, et adressait un magnifique sourire d’une blancheur éclatante à la cantonade. Sur sa robe se trouvait une grosse tache de chocolat, issue d’un gâteau que lui avait lancé Rainbow Dash, mais la licorne blanche ne semblait pas s’en soucier. Elle était avec ses amies et c’était tout ce qui comptait.
Rainbow Dash survolait la pièce, l’air espiègle, toujours prête à faire une farce. Elle avait un reste de gâteau au chocolat dans la crinière et Pinkie se rappela la bataille de tartes qui avait eu lieu à cette fête. Même Rarity y avait participé : la licorne et la pégase s’étaient défiées et ce fut une grosse partie de rigolade pour les jeunes amies.
Applejack était à côté de Rarity, les yeux brillants, une tarte aux pommes sur le sabot, et regardait la licorne blanche d’un air moqueur. Quelques pages plus loin, Applejack avait le visage couvert de tarte et on pouvait voir des étincelles voleter autour de la corne de Rarity. S’en était suivie une bataille mémorable au cours de laquelle Applejack avait su se venger de l’affront magique.

Des larmes coulèrent sur les joues de Pinkie. Elle secoua la tête, déterminée à ne pas mouiller son album.
« Pinkamena Diane Pie, annonça-t-elle d’une voix tremblante, reprenez-vous et… Gummy ? »
Le petit alligator s’était approché. Un de ses yeux était caché par un chapeau de carton aux couleurs criardes. Le reptile pencha sa tête à droite, ouvrit grand la bouche et tomba lamentablement par terre, les yeux écarquillés, au milieu des confettis et de la crème fouettée. Il claqua des mâchoires, roulant les yeux, l’air complètement idiot.
La ponette rose considéra l’alligator pendant cinq secondes. Tout restait immobile. Le temps lui-même semblait s’être arrêté, comme si l’univers entier retenait son souffle. Rira, rira pas ?
Un hoquet jaillit de la bouche de Pinkie Pie. Des éclats de voix morcelés, jaillissant par à-coups, résonnèrent dans tout l’espace. Un déclic. Un bruit de ballon qu’on regonfle.
Pinkie riait.
Gummy avait sauvé sa maîtresse. Son devoir accompli, il se remit tant bien que mal sur ses pattes et s’en retourna tout fier, laissant une Pinkie pleine de rire, qui faisait son sac en pleurant de joie. Elle emportait avec elle des albums photos pleins de joie, de fêtes et de sourires. Effleurant l’un d’eux avec son sabot, elle déclara, pleine de confiance retrouvée :
« Vous en faites pas, les amies. La fête n’est pas encore annulée. »



Lullaby Charm était seule dans sa petite maisonnette. D’habitude, il y avait sa colocataire, mais elle devait travailler aujourd’hui. Tant mieux, elle ne voulait pas donner d’explications.
Ce voyage allait peut-être lui donner une chance de retrouver sa mère. Si l’histoire se répétait, elle aurait forcément cette opportunité. En plus, elle allait voyager et quitter un peu cette vie monotone. Alors autant saisir cette chance.
Elle saisit sa selle dorée, y attacha deux sacs qu’elle remplit avec un carnet pour éventuellement consigner des informations importantes, un crayon, une dizaine de pommes, trois gourdes et enfin une carte d’Equestria. Elle compléta son sac par un oreiller et une tente monoplace. Après une hésitation, elle ajouta aussi une boussole.
Après ces préparatifs, elle posa ses affaires pour ensuite commencer à chanter. Elle avait encore une bonne demi-heure, alors autant se faire plaisir. Sa voix pure retentit dans tout le voisinage, de nombreux poneys se laissèrent bercer par les mélodieuses vocalises de Lullaby Charm, connue comme la meilleure chanteuse du quartier.


Twilight avait bien évidemment choisi des dizaines de livres tous plus massifs les uns que les autres pour le voyage. Boussoles, livres d’Histoire, lampes de poches. Elle n’oublia pas non plus les gourdes et les provisions. Il lui fallait aussi quelques parchemins pour écrire à la princesse Celestia… Mais il n’y avait plus de princesse du soleil. Elle les retira, puis elle regarda ses manuels.
« Les sorts de… » Elle s’interrompit. Pas de magie non plus. Elle regarda partout autour d’elle, paniquée.
« Je suis censée prendre quoi d’autre ?! »


Rainbow Flash volait à toute allure vers sa maison. Ouvrant la porte, elle constata que ses enfants et son mari étaient rentrés. Zut… Elle allait devoir faire des adieux… Elle détestait ça. Sapphire Feather, son mari, un pégase bleu de la crinière aux sabots, arborant une plume bleue scintillante comme cutie mark, s’avança. Il savait déjà pour Rainbow Dash et Applejack, et se doutait bien que sa femme allait partir pour trouver un moyen de soigner son idole. Aussi avait-il déjà sorti les sacs. Rainbow lui adressa un regard reconnaissant.
Elle les ouvrit, pensive. Ses enfants étaient à l’école, sauf sa fille. Elle monta dans la chambre de Lovely Rainbow. La petite dormait toujours, sa longue crinière noire tombant en mèches éparses sur l’oreiller. Un bout de la queue arc-en-ciel de la petite terrestre était visible. Rainbow Flash déposa un petit baiser sur le front de la ponette et sortit de la chambre sombre où elle dormait. Puis elle s’attela au difficile remplissage de ses sacs.
D’abord le plus important : la photo dédicacée de Rainbow Dash, le badge représentant la cutie mark de Rainbow Dash, la carte de membre officielle du fan club de Rainbow Dash ainsi qu’une divine et sublime relique que l’alicorne avait trouvée par hasard et ce sans même payer : une plume de Rainbow Dash. Mais… Non, la plume risquait de s’abîmer. Elle la posa, puis choisit finalement de prendre la réplique de la plume de Rainbow Dash qu’elle avait créée.
Rassurée sur le destin de sa relique, elle entreprit de bourrer son autre sac – bah oui, on ne mélange pas les trésors de Rainbow Dash et les machins inutiles, voyons ! – avec des pommes, une carte, une gourde et une boussole. Puis elle embrassa son mari, vérifia si les sacs étaient bien en place et prit son essor.


Fluttershy avait le nécessaire. Un kit de soin pour animaux, une trousse de secours, des sparadraps, un manuel d’utilisation du cri qui tue. Elle sortit de sa maison harnachée comme un garde royal de Canterlot, mais alors qu’elle voulut s’envoler, elle s’aperçut que l’armure la clouait au sol.
« Bon, et bien j’imagine que je vais rester à la maison, comment pourrais-je aller sauver le monde sans armure, après tout ? Haha… »
Pitoyable. Elle était pitoyable. Elle retira son armure qui se composait d’un casque de hockey et d’une bonne dizaine d’oreillers, saisit ses sacs et s’envola. En chemin, elle vérifia si elle avait pris son ours en peluche… Damnation, elle l’avait. Quelle excuse pouvait-elle trouver pour échapper à cette épopée, maintenant ?!


Se retrouvant devant la bibliothèque, les ponettes prirent ensuite le chemin de la gare pour s’entendre dire que le conducteur du Friendship Express refusait de se réveiller.
« On dirait qu’on va devoir conduire par nous-mêmes… murmura Twilight, très peu enthousiaste.
-Chouette ! J’ai toujours rêvé de conduire une chaudière ! » s’écria Pinkie avec sa jovialité habituelle. Elle grimpa aussitôt dans la locomotive avant de dire « Montez tous, l’avion va décoller ! »
Très hésitantes, les juments finirent par bouger une par une et rentrèrent dans les wagons. La dernière à monter fut Fluttershy, absolument terrifiée et déroutée par les évènements. Tandis que Twilight, Untiring Quill et Rainbow Flash se dirigèrent vers le tas de charbon et que Lullaby restait avec Fluttershy dans un wagon de première classe, Pinkie Pie donna un grand coup de sifflet.
« A tribord, toute ! »

Applejack ne se sentait pas bien du tout. Même si elle avait retrouvé ses amies, qu’allaient-elles bien pouvoir faire ? Contre un ennemi intangible et assez puissant pour endormir même les princesses alicornes, que pourraient-elles tenter ? Elles n’avaient pas les Eléments d’Harmonie et même si elles les avaient, comment auraient-elles pu les utiliser à trois ?
Elles avançaient ensemble dans l’immensité noire.


Quand on tente d’imaginer l’infini, un mur se construit et pose une limite à l’infini imaginé. On tente alors d’imaginer autre chose derrière ce mur car l’infini, par définition, ne se termine pas. Mais à chaque fois qu’on veut imaginer l’infini, un mur apparaît, une limite à notre propre esprit. Notre esprit ne peut imaginer l’infini car lui-même n’est pas infini.
C’était exactement ce qui se passait dans cet endroit. Il semblait ne jamais avoir de fin, mais les juments ne pouvaient l’imaginer. Plus les ponettes avançaient, plus elles avaient la sensation de se perdre. Rarity fut la première à paniquer. Elle avait peur, elle ne savait pas de quoi. Elle était juste terrifiée…
« Je crois que je… Je me sens indisposée… » murmura la licorne blanche.
Elle tenta de lever son sabot du sol. Mais celui-ci restait englué. Elle était coincée ! Applejack et Rainbow Dash semblaient n’avoir rien remarqué !
« Les filles ! Les filles ! Revenez ! Aidez-moi ! » cria Rarity, qui était de plus en plus terrorisée…
Elle essaya désespérément de se dégager. Mais rien à faire ! Elle commençait à plonger dans une sorte de mélasse noire. « Beurk ! C’est dégoûtant ! » pensa-t-elle. Mais elle s’inquièterait du sort de sa crinière plus tard : elle devait sortir de là !
La boue noire entra dans sa bouche, dans ses naseaux, dans ses oreilles. Sa conscience la laissa sombrer dans l’obscurité.


Rainbow Dash n’avait rien entendu. Aucun appel au secours. D’ailleurs, c’était bizarre, Applejack ne lui adressait même plus la parole.
Se retournant, la pégase cyan remarqua que Rarity avait disparu. Tiens, elle avait dû passer par un autre chemin.
Elle avança. Applejack aussi avait disparu. Elle était toute seule ?!
Que se passait-il ici ?!
Elle colla son sabot à ses yeux pour les frotter. Elle ne vit pas son sabot. Elle sentit le contact. Elle avait peur.
La jument cyan découvrit alors que ses yeux et maintenant son sabot étaient enduits d’une matière collante et noire…
Rainbow n’eut même pas le temps de crier.


Applejack continuait à trotter. Elle n’entendait plus ses amies. Tournant la tête, elle vit que Rainbow et Rarity avaient disparu. Elle voulut faire volte-face mais elle se cogna contre un mur.
Un mur gluant et noir. Elle tenta de s’en extirper mais plus elle faisait d’efforts et plus elle s’enfonçait dans le mur. Que ?! Mais !
Elle y plongea toute entière.


Un cri. Un long cri. Rarity criait. C’était la seule chose qu’elle pouvait faire, de toute façon. Elle était prisonnière. Enfermée dans un infâme cocon de boue. Un être ignoble, tout entier fait de détritus, s’avança vers elle. Non. Non. NON !
Elle se mit à courir. Se heurta aux parois. Elle se retourna en gémissant de frayeur. Il avançait. Où était-elle ?! Que pouvait-elle faire ? C’était… C’était horrible. Ce tas de crasse allait la toucher, la couvrir d’affreuses scories… La licorne blanche avait les yeux larmoyants.
« Laissez-moi… Laissez-moi… Par pitié ! »
Elle éclata en sanglots.


Rainbow Dash était en sueur. Le stress la clouait au sol. Elle se sentait… Comme Fluttershy. Elle ne pouvait pas voler. Ses ailes refusaient de bouger. Autour d’elle, des centaines de poneys. Tous la regardaient. Son cœur battait. En son for intérieur, elle avait l’impression de se vider de toutes ses forces. Elle ne sentait plus rien en elle. Juste le cœur battant à rythme infernal, qui drainait son énergie…
Elle tenta un battement d’ailes. Les autres poneys commencèrent à rire. Non. Non. Non. Tout mais pas ça. Surtout pas. Les rires vrillaient son crâne, brisaient sa fierté, déchiquetaient son honneur. La jument arc-en-ciel ferma les yeux. Les rires s’intensifièrent encore plus.
« Rainbow Dash, Rainbow Dash, n’est rien de plus qu’une bravache, Rainbow Dash, Rainbow Dash… »
NON ! PAS CETTE CHANSON ! NON !
« AU SECOURS ! »


« Où étais-tu durant tout ce temps, Applejack ? »
La jument orange ouvrit les yeux. Apple Bloom se trouvait devant elle. Qu’est-ce qu’elle avait grandi ! Et… Hein ? Elle ne connaissait pas cette petite baraque en bois, presque en ruines … Où était la ferme ? Que s’était-il passé ? Apple Bloom parlait avec un accent qui ne lui était pas familier.
« Qu’est-ce c’qui s’passe donc, Apple Bloom ?
-Tu me demandes ce qu’il se passe ? TU OSES ?
-Du calme, Nelly !
-COMMENT VEUX-TU QUE JE SOIS CALME ?! cria la jeune jument. Elle regarda sa sœur avec une haine non dissimulée, ce qui fit sursauter Applejack.
-Qu’est-ce qui s’passe à la fin ?! Explique-toi !
-Oh, c’est vrai, durant toutes ces années tu étais… Ailleurs. Tu voulais lutter contre cet ennemi inconnu avec ton petit collier en or, hein ? HEIN ? Et à cause de toi… »
Applejack sentit son cœur s’arrêter. Elle courut à la fenêtre. Autour, des champs ravagés, impropres à la culture. Deux tombes au pied de la cabane. La jument orange était tétanisée.
« Mais… Mais qu’est-ce que…
-Pendant que tu étais partie, Granny est… Et Big Mac s’est littéralement tué au travail. Tout ce que j’ai maintenant, c’est juste cette pathétique cabane. Ce qu’il reste du verger est si loin… »
Applejack se retourna et soudain, elle vit que sa sœur était tombée au sol. Elle galopa vers elle… Elle était froide. Comment était-ce possible ?! Non ! Elle était… NON !

comme euh... chaque poney englouti par la boue fait se rapprocher un peu plus le Grand Méchant de son objectif, comme si ça le nourissais... Je sais pas moi...

« C’est parti mon kiki ! »
Pinkie Pie s’éclatait avec les commandes du train. Elle tiraillait le sifflet toutes les dix secondes pour s’amuser et vérifier si plusieurs notes différentes étaient disponibles.
« Encore un si bémol ? Zut ! »
Twilight subissait le bruit avec une patience toute relative, Rainbow Flash renâclait à chaque coup de sifflet et Untiring Quill, en tant qu’inventive écrivaine, avait trouvé une solution originale : elle s’était collé deux gros morceaux de charbon dans les oreilles. Malheureusement, la créativité ne fait pas tout, et les bouts de charbon offraient une protection dérisoire face aux terribles coups de sifflet.
Lullaby Charm était toute crispée. Si elle avait su que cette aventure commencerait ainsi, elle aurait galopé hors de ce maudit train à toute allure. Fluttershy sursautait à chaque hurlement des rails, ce qui arrivait souvent. D’un coup, le train s’arrêta, envoyant voltiger les deux passagères, projetant les trois charbonnières dans la masse de suie et laissant la chauffeuse s’écraser la tête sur les commandes.

Elles se réunirent dans le compartiment de première classe.
« Allô Hoofington, on a un problème ! caqueta Pinkie.
-Je ne comprends pas ! Tout était normal et là, le train refuse de bouger ! répétait Twilight dont l’esprit logique ne pouvait pas imaginer pareille chose.
-Que préconisez-vous ? Aller à Canterlot en marchant sur les rails ? demanda Lullaby Charm, narquoise.
-Moi, je préconise de te fracasser la face ! gronda Rainbow Flash qui perdait le peu de sang-froid qu’elle avait.
-Faute de grammaire, dit simplement Untiring Quill.
-Hum… Regardez…
-L’heure n’est pas aux combats ! On a un gros problème et… Pinkie, qu’est-ce que tu fabriques ?
-J’ai toujours un kit de réparation du train mécanique de Pound Cake sur moi, en cas d’urgence ferroviaire ! Les outils sont un peu petits, mais ça devrait fonctionner, non ?
-S’il vous plaît, regardez…
-Je vous interdis de lever ne serait-ce que le sabot sur moi.
-Tu es juste insupportable ! J’en ai marre de tes airs supérieurs !
-Hé ho… Hum… Excusez-moi…
-Auteure, viens à mon secours, par pitié…
-REGARDEZ ! hurla Fluttershy. Hum… Désolée. »
Les six juments se retournèrent et se dirigèrent vers une fenêtre. Devant elles, sur les rails, se trouvait un énorme tronc d’arbre. Les juments tentèrent de pousser l’énorme végétal, mais il était beaucoup trop lourd.
« Bon, j’imagine que nous allons marcher… »

Laissant le Friendship Express derrière elles, les six courageuses juments avancèrent vers Canterlot. Seul problème, elles étaient bien moins rapides que le train, et cela faisait plusieurs heures qu’elles marchaient, mais la ville semblait bien lointaine.
Finalement, alors que la nuit tombait, les ponettes décidèrent de s’arrêter. Twilight Sparkle se glissa dans un sac de couchage, Fluttershy s’endormit dans un arbre, Pinkie sortit une tente de nulle part, Lullaby Charm déploya la sienne, Untiring sortit une dizaine de manuscrits de son sac et se recouvrit avec, Rainbow Flash s’emmitoufla dans un nuage. Elles dormirent d’un sommeil sans rêves.


Twilight fut la première à se réveiller. Elle regarda ses amies, les secoua, et fut soulagée de les voir s’éveiller les unes après les autres. Les juments se remirent en route, mais le voyage était harassant. Il ne semblait pas avoir de fin…
Enfin, la porte de Canterlot décida de paraître, au bout de deux jours de marche épuisante. Twilight pénétra en première dans la majestueuse cité, suivie de ses deux amies et des trois juments. Rainbow Flash tremblait de tous ses membres et refusait de poser ne serait-ce qu’un sabot au sol.
« Mais qu’est-ce qui t’arrive ? lui demanda Untiring Quill.
-C’est juste que… Rien, rien. Je hais Canterlot, c’est tout. »
Se dirigeant vers la bibliothèque royale, Twilight Sparkle fut surprise de constater que les rues n’étaient pas bien remplies. Tous les poneys devaient s’être cloîtrés chez eux : c’est vrai, qui voudrait s’endormir dans la rue durant une durée indéterminée ?

Les gardes maintenaient leur ronde. Déterminés, ils étaient prêts à ne laisser entrer aucun intrus. L’un d’eux reconnut néanmoins les trois ponettes héroïques.
« Qu’êtes-vous venues chercher ? Canterlot est en état d’alerte maximale.
-Il faut que nous accédions aux bibliothèques. Je vous en prie, c’est important !
-Et qui sont celles-ci ?
-Elles nous accompagnent. S’il vous plaît, laissez-nous entrer ! »
Pensif, le soldat licorne tapota sa lance.
« Pour vous trois, c’est bon, mais les autres restent là. Désolé, c’est le protocole. »
Untiring sembla frustrée : des livres légendaires juste à côté, et elle ne pouvait même pas les regarder !

Twilight, Pinkie et Fluttershy se dépêchaient de saisir chaque livre et d’en examiner les pages. Elles étaient exténuées après leur voyage, mais elles devaient trouver un indice. Quelque chose, n’importe quoi. Elles cherchèrent dans l’histoire antique d’Equestria, celle de Zebraika, lurent rapidement les combats menés par les légendaires guerriers bisons, mais ne trouvèrent rien de particulièrement concret. Cherchant dans les rayons consacrés aux changelins, elles y découvrirent plusieurs tactiques pour vaincre un changelin, le pistage des ruches, les élucubrations de chasseurs de trésors abusés par ces créatures vicieuses…
« Le sommeil des changelins, la faim des changelins, la fin des changelins… Les Changelins, le Jour des Changelins, la Révolution des Changelins… » Twilight finit par pousser un cri de rage.
« Des romans, des sagas, des documentaires, des connaissances incomplètes et rien sur un potentiel sommeil collectif !
-Twi ! Regarde ça ! »
De guerre lasse, la licorne mauve regarda le livre que lui tendait Pinkie Pie. Timidement, Fluttershy s’approcha pour lire par-dessus l’épaule de son amie.
« Les changelins peuvent parfois contracter certaines maladies qu’ils transmettent aux animaux dont ils dévorent l’amour. Par exemple, la maladie du sommeil… Sommeil ?! Pinkie, tu es un génie ! Comment l’as-tu trouvé ?
-C’était dans les E ! » chantonna la jument rose.
Twilight considéra le titre du livre, qui était « En balade chez les changelins ». Levant un sourcil, elle se promit d’effectuer un rangement complet de la bibliothèque de Canterlot.

Rainbow s’était trouvé un nuage confortable. Les randonnées, ça fatigue les ailes. Lullaby Charm fredonnait ce qui semblait être une berceuse, tandis qu’Untiring Quill faisait les cent pas devant les hautes grilles de fer. Le garde les regardait avec attention, saisissant sa lance à chaque mouvement suspect. « Il fait bien son boulot, au moins », pensa Flash.
Enfin, le portail bougea enfin et les juments fondirent comme un seul poney sur leurs compagnes. Celles-ci s’éloignèrent sans un mot, ce qui vexa les trois malchanceuses. Ces dernières suivirent, néanmoins, et ce ne fut qu’à une centaine de mètres qu’elles purent enfin recevoir une parole.
« Vite, mettons-nous quelque part. »
La conversation était si intéressante que Lullaby Charm se mit à siffloter. Enfin, les ponettes trouvèrent ce qui semblait être un hôtel, mais celui-ci était fermé. Fluttershy fut désignée pour aller demander si on pouvait leur ouvrir.
« Hum, euh, enfin, voilà… Euh, vous savez, eh bien… Mes amies, et moi aussi, nous, euh, aimerions, juste, une chambre, s’il vous plaît…
-Mademoiselle, vous m’en voyez navré, s’exclama le patron, mais nous fermons nos portes le temps que ce sommeil s’en aille. Une dizaine de mes clients se sont endormis dans leurs chambres et c’est pas bon pour mes affaires.
-Je, je vous jure que nous ne nous endormirons pas, enfin si, mais pas de cette façon, vous voyez…
-Désolé, mademoiselle… Y a une petite auberge au coin de la rue, au pire. »
Les juments se rendirent donc à cette minuscule auberge, où la patronne leur fit payer plein pot, parce que « C’est la crise ! » et elles purent s’installer à six, dans une chambre où trois poneys auraient étouffé.
« Twilight, c’est quoi le plan ? demanda Rainbow Flash.
-Demain ! J’essaie de dormir ! Demain ! »
Seules Pinkie, Lullaby et Fluttershy réussirent à dormir. Les trois autres furent ou trop stressées pour trouver le sommeil, ou trop gênées par les ronflements de Lullaby Charm.

« C’est parti mon kiki ! »
Pinkie Pie s’éclatait avec les commandes du train. Elle tiraillait le sifflet toutes les dix secondes pour s’amuser et vérifier si plusieurs notes différentes étaient disponibles.
« Encore un si bémol ? Zut ! »
Twilight subissait le bruit avec une patience toute relative, Rainbow Flash renâclait à chaque coup de sifflet et Untiring Quill, en tant qu’inventive écrivaine, avait trouvé une solution originale : elle s’était collé deux gros morceaux de charbon dans les oreilles. Malheureusement, la créativité ne fait pas tout, et les bouts de charbon offraient une protection dérisoire face aux terribles coups de sifflet.
Lullaby Charm était toute crispée. Si elle avait su que cette aventure commencerait ainsi, elle aurait galopé hors de ce maudit train à toute allure. Fluttershy sursautait à chaque hurlement des rails, ce qui arrivait souvent. D’un coup, le train s’arrêta, envoyant voltiger les deux passagères, projetant les trois charbonnières dans la masse de suie et laissant la chauffeuse s’écraser la tête sur les commandes.

Elles se réunirent dans le compartiment de première classe.
« Allô Hoofington, on a un problème ! caqueta Pinkie.
-Je ne comprends pas ! Tout était normal et là, le train refuse de bouger ! répétait Twilight dont l’esprit logique ne pouvait pas imaginer pareille chose.
-Que préconisez-vous ? Aller à Canterlot en marchant sur les rails ? demanda Lullaby Charm, narquoise.
-Moi, je préconise de te fracasser la face ! gronda Rainbow Flash qui perdait le peu de sang-froid qu’elle avait.
-Faute de grammaire, dit simplement Untiring Quill.
-Hum… Regardez…
-L’heure n’est pas aux combats ! On a un gros problème et… Pinkie, qu’est-ce que tu fabriques ?
-J’ai toujours un kit de réparation du train mécanique de Pound Cake sur moi, en cas d’urgence ferroviaire ! Les outils sont un peu petits, mais ça devrait fonctionner, non ?
-S’il vous plaît, regardez…
-Je vous interdis de lever ne serait-ce que le sabot sur moi.
-Tu es juste insupportable ! J’en ai marre de tes airs supérieurs !
-Hé ho… Hum… Excusez-moi…
-Auteure, viens à mon secours, par pitié…
-REGARDEZ ! hurla Fluttershy. Hum… Désolée. »
Les six juments se retournèrent et se dirigèrent vers une fenêtre. Devant elles, sur les rails, se trouvait un énorme tronc d’arbre. Les juments tentèrent de pousser l’énorme végétal, mais il était beaucoup trop lourd.
« Bon, j’imagine que nous allons marcher… »

Laissant le Friendship Express derrière elles, les six courageuses juments avancèrent vers Canterlot. Seul problème, elles étaient bien moins rapides que le train, et cela faisait plusieurs heures qu’elles marchaient, mais la ville semblait bien lointaine.
Finalement, alors que la nuit tombait, les ponettes décidèrent de s’arrêter. Twilight Sparkle se glissa dans un sac de couchage, Fluttershy s’endormit dans un arbre, Pinkie sortit une tente de nulle part, Lullaby Charm déploya la sienne, Untiring sortit une dizaine de manuscrits de son sac et se recouvrit avec, Rainbow Flash s’emmitoufla dans un nuage. Elles dormirent d’un sommeil sans rêves.


Twilight fut la première à se réveiller. Elle regarda ses amies, les secoua, et fut soulagée de les voir s’éveiller les unes après les autres. Les juments se remirent en route, mais le voyage était harassant. Il ne semblait pas avoir de fin…
Enfin, la porte de Canterlot décida de paraître, au bout de deux jours de marche épuisante. Twilight pénétra en première dans la majestueuse cité, suivie de ses deux amies et des trois juments. Rainbow Flash tremblait de tous ses membres et refusait de poser ne serait-ce qu’un sabot au sol.
« Mais qu’est-ce qui t’arrive ? lui demanda Untiring Quill.
-C’est juste que… Rien, rien. Je hais Canterlot, c’est tout. »
Se dirigeant vers la bibliothèque royale, Twilight Sparkle fut surprise de constater que les rues n’étaient pas bien remplies. Tous les poneys devaient s’être cloîtrés chez eux : c’est vrai, qui voudrait s’endormir dans la rue durant une durée indéterminée ?

Les gardes maintenaient leur ronde. Déterminés, ils étaient prêts à ne laisser entrer aucun intrus. L’un d’eux reconnut néanmoins les trois ponettes héroïques.
« Qu’êtes-vous venues chercher ? Canterlot est en état d’alerte maximale.
-Il faut que nous accédions aux bibliothèques. Je vous en prie, c’est important !
-Et qui sont celles-ci ?
-Elles nous accompagnent. S’il vous plaît, laissez-nous entrer ! »
Pensif, le soldat licorne tapota sa lance.
« Pour vous trois, c’est bon, mais les autres restent là. Désolé, c’est le protocole. »
Untiring sembla frustrée : des livres légendaires juste à côté, et elle ne pouvait même pas les regarder !

Twilight, Pinkie et Fluttershy se dépêchaient de saisir chaque livre et d’en examiner les pages. Elles étaient exténuées après leur voyage, mais elles devaient trouver un indice. Quelque chose, n’importe quoi. Elles cherchèrent dans l’histoire antique d’Equestria, celle de Zebraika, lurent rapidement les combats menés par les légendaires guerriers bisons, mais ne trouvèrent rien de particulièrement concret. Cherchant dans les rayons consacrés aux changelins, elles y découvrirent plusieurs tactiques pour vaincre un changelin, le pistage des ruches, les élucubrations de chasseurs de trésors abusés par ces créatures vicieuses…
« Le sommeil des changelins, la faim des changelins, la fin des changelins… Les Changelins, le Jour des Changelins, la Révolution des Changelins… » Twilight finit par pousser un cri de rage.
« Des romans, des sagas, des documentaires, des connaissances incomplètes et rien sur un potentiel sommeil collectif !
-Twi ! Regarde ça ! »
De guerre lasse, la licorne mauve regarda le livre que lui tendait Pinkie Pie. Timidement, Fluttershy s’approcha pour lire par-dessus l’épaule de son amie.
« Les changelins peuvent parfois contracter certaines maladies qu’ils transmettent aux animaux dont ils dévorent l’amour. Par exemple, la maladie du sommeil… Sommeil ?! Pinkie, tu es un génie ! Comment l’as-tu trouvé ?
-C’était dans les E ! » chantonna la jument rose.
Twilight considéra le titre du livre, qui était « En balade chez les changelins ». Levant un sourcil, elle se promit d’effectuer un rangement complet de la bibliothèque de Canterlot.

Rainbow s’était trouvé un nuage confortable. Les randonnées, ça fatigue les ailes. Lullaby Charm fredonnait ce qui semblait être une berceuse, tandis qu’Untiring Quill faisait les cent pas devant les hautes grilles de fer. Le garde les regardait avec attention, saisissant sa lance à chaque mouvement suspect. « Il fait bien son boulot, au moins », pensa Flash.
Enfin, le portail bougea enfin et les juments fondirent comme un seul poney sur leurs compagnes. Celles-ci s’éloignèrent sans un mot, ce qui vexa les trois malchanceuses. Ces dernières suivirent, néanmoins, et ce ne fut qu’à une centaine de mètres qu’elles purent enfin recevoir une parole.
« Vite, mettons-nous quelque part. »
La conversation était si intéressante que Lullaby Charm se mit à siffloter. Enfin, les ponettes trouvèrent ce qui semblait être un hôtel, mais celui-ci était fermé. Fluttershy fut désignée pour aller demander si on pouvait leur ouvrir.
« Hum, euh, enfin, voilà… Euh, vous savez, eh bien… Mes amies, et moi aussi, nous, euh, aimerions, juste, une chambre, s’il vous plaît…
-Mademoiselle, vous m’en voyez navré, s’exclama le patron, mais nous fermons nos portes le temps que ce sommeil s’en aille. Une dizaine de mes clients se sont endormis dans leurs chambres et c’est pas bon pour mes affaires.
-Je, je vous jure que nous ne nous endormirons pas, enfin si, mais pas de cette façon, vous voyez…
-Désolé, mademoiselle… Y a une petite auberge au coin de la rue, au pire. »
Les juments se rendirent donc à cette minuscule auberge, où la patronne leur fit payer plein pot, parce que « C’est la crise ! » et elles purent s’installer à six, dans une chambre où trois poneys auraient étouffé.
« Twilight, c’est quoi le plan ? demanda Rainbow Flash.
-Demain ! J’essaie de dormir ! Demain ! »
Seules Pinkie, Lullaby et Fluttershy réussirent à dormir. Les trois autres furent ou trop stressées pour trouver le sommeil, ou trop gênées par les ronflements de Lullaby Charm.

Après une nuit affreuse, les six juments quittèrent l’auberge, le poil en bataille, les yeux cernés et les crins emmêlés. S’éloignant le plus possible des endroits où les gardes faisaient leurs rondes, elles s’assirent au sol et Twilight sortit le livre de sa sacoche.
« Grâce à Pinkie, nous avons trouvé un premier indice. La maladie du sommeil est une infection dont souffrent certains changelins. En dévorant l’amour d’un poney, il est possible que cette infection se soit transmise.
-Ha ha ! s’écria Rainbow Flash. Tu ne le savais pas, hein, mademoiselle Je-sais-tout-sur-les-changelins ?
-Je le savais.
-Alors pourquoi n’en as-tu pas parlé ? demanda Twilight, outrée.
-La maladie du sommeil n’est contagieuse que dans l’échange entre le poney et le changelin. Pour faire simple : le poney infecté ne transmet pas la maladie une fois qu’il l’a contractée. De plus, elle ne se transmet pas par la magie, et elle n’occasionne pas de cauchemar permanent ; enfin, pour conclure, le poney dort bien plus que d’habitude mais il continue à se réveiller, et peut même présenter des signes de somnambulisme s’il n’a pas l’habitude de dormir autant. En bref : mauvaise pioche. On y retourne ou on abandonne ? »
Au fur et à mesure que Lullaby Charm débitait son exposé, les cinq juments ouvraient des yeux de plus en plus ronds. Twilight, la logicienne, n’eut même pas besoin de deux secondes pour se rendre compte, avec les explications de Charm, qu’elles étaient sur une fausse piste. La frustration de la licorne se traduisit par un violent coup de sabot au sol.

Les juments quittèrent Canterlot, mais avaient tout de même gardé le livre. On ne savait jamais, après tout, au cas où Lullaby Charm ignorait certaines choses.
Elles avaient décidé de se rendre à l’Empire de Cristal pour y chercher une solution avec Cadence. Il fallait néanmoins traverser les montagnes d’Equestria pour arriver au majestueux château étincelant. Les juments avançaient prudemment, le moindre cri pouvant occasionner un éboulement.

Fluttershy était angoissée. Ses amies ne pipaient mot. Il y avait trop de silence. Le bruit fait peur, mais le silence encore plus. Elle regardait à gauche, à droite, sous ses sabots. Le danger pouvait être partout. Soudain, ses sabots croisèrent la route d’un gros caillou. Trop occupée à surveiller ses arrières, le choc causa une douleur foudroyante à la pégase jaune.
« COUREZ ! » hurla-t-elle, croyant qu’on les attaquait.
La panique chez ses amies ! D’autant que là-haut, de sinistres grondements indiquaient que les rochers avaient décidé de bouger un peu. Les ponettes pressèrent le pas, puis se mirent à galoper franchement quand elles virent la marée de cailloux qui arrivait. Fluttershy cria à nouveau, terrifiée par les éboulis qui lui griffaient le visage. Rainbow Flash poussa la gentille jument en arrière, s’esquiva, et laissa un rocher s’écraser au sol sans faire aucune victime. Pinkie Pie semblait narguer la rocaille : elle filait si vite qu’elle n’était plus qu’une vague traînée rose entre les débris de montagne. Twilight aurait voulu lancer des sorts pour se protéger : entre son instinct de licorne et son instinct de poney terrestre, il n’y avait qu’une feuille de papier. Elle galopa, se forçant à refouler les élans magiques que lui envoyait son corps tout entier. Lullaby Charm courait derrière Untiring Quill, cette dernière s’essoufflant très vite, n’ayant jamais appris à courir aussi longtemps.

La chance avait souri aux juments, mais elle repartit vers d’autres horizons, laissant les ponettes en panique. Untiring Quill, épuisée, fit quelques pas maladroits, et se retrouva les quatre fers en l’air, dans une petite crevasse. Une idiote de crevasse qui attendait là de piéger les voyageurs distraits, ou les randonneurs trop fatigués pour la remarquer. Untiring Quill tenta de se relever, mais son souffle court ne lui permettait pas de fournir un effort supplémentaire. L’œil embué, elle considéra la sombre masse qui plongeait droit sur elle, la condamnant à une mort certaine. La jument violette n’avait même pas la force d’envoyer un dernier calembour, comme on rêve de mourir avec une phrase épique dans la bouche, quand on désire faire un ultime pied de nez au reste du monde. Elle regarda, les yeux dilatés, haletante, la mort lui tomber dessus.
Lullaby Charm avait ralenti dès qu’elle avait vu Untiring Quill tomber dans la crevasse. Ses sabots glissèrent, mais elle parvint à se rétablir. Levant le regard, elle vit, chose très facile, l’énorme rocher, promesse d’une mort immédiate pour celle qui se retrouverait en dessous.
« Je n’ai pas le choix. » pensa-t-elle immédiatement. Elle espéra que personne ne la regardait.
Se dressant de toute sa hauteur, sa longue corne tendue vers le rocher, elle prit une profonde inspiration. La magie afflua en elle. La corne pointue s’enveloppa d’une étrange aura verte, brillante, éclatante, envoûtante. Le roc s’arrêta dans les cieux, recouvert de cette même lueur. Avec un gémissement, Lullaby tourna violemment la tête, envoyant l’énorme dolmen s’écraser au loin. Tombant à genoux au sol, elle toussa, chercha à retrouver l’air nécessaire pour calmer son corps, puis s’étala largement par terre, vidée de ses forces.
Untiring Quill cligna des yeux. Elle n’avait pas rêvé, la pierre venait de se volatiliser ! Elle se sentait à la fois heureuse… mais aussi inquiète. Qui donc avait pu la sauver ?
« Lullaby Charm… ? »

Twilight Sparkle se retourna. Lullaby Charm était étalée au sol, sans connaissance ! La licorne mauve galopa vers la licorne bleue, et la chargea sur son dos. Mais… Au fond d’une crevasse se trouvait également Untiring Quill… Que faire ? Elle ne pouvait pas porter les deux à la fois… Un éclair rose arriva alors en trombe. Pinkie Pie bondit dans le trou, en ressortit avec Untiring Quill chargée sur le dos, se métamorphosa en tornade et emporta les trois juments pendant que Twilight criait au secours. Une fois à l’abri avec Fluttershy et Rainbow Flash, la ponette surdouée se tourna vers Pinkie.
« Mais… Que… Comment tu as fait ? »
Pour toute réponse, Pinkie fit un grand sourire.

Après une nuit de bivouac où Untiring Quill put reprendre son souffle, les juments se remirent en route. Au bout de quelques jours, elles avaient atteint les grandes plaines glaciales du Nord.
« Il f-f-f-f-fait f-f-f-f-f-f-froid… murmura Untiring, claquant des dents.
-Tu sors d‘où ? On est en pleine banquise, bien sûr qu’il fait froid.
-J-j-j-j-j-e sors pas souv-v-v-v-v-vent… »
Quelques heures plus tard, l’Empire de Cristal étincelant se découpait dans les cieux.