(les filles sont dans le couloirs, Twi assomme le zombie et le traine dans son appartement, avant de... refermer la porte de son appart, elles dedans avec un canapé qui bloque la porte et le zombie dehors qui gratte...)

Les jours avaient passé…

Trois exactement, ça faisait trois jours que nous nous étions barricadées dans l’appartement. Le temps passait tant bien que mal.

Le plus long jour à passer était le premier : nous avions passé une nuit blanche à cause du cadavre qui s’obstinait encore et toujours à vouloir entrer. Il était increvable et déterminé, cependant, il fallait se rendre à l’évidence, il ne pouvait pas entrer, mais nous ne pouvions sortir. Nous étions donc en état de siège. Celui qui abandonnera le premier, déclarera l’autre vainqueur, et le mort-vivant qui frappait à notre porte avait, si je puis dire, toute sa mort devant lui. Un combat perdu d’avance. Cependant, j’avais eu la bonne idée, deux jours avant, d’avoir fait les courses : le frigo était plein, suffisamment pour toute une semaine. Si on se rationnait, on pourrait compter sur quelques jours de plus. En espérant que quelqu’un soit assez fou pour monter jusqu’au dernier étage, le sixième qui plus est, d’un immeuble de Los Angeles pendant une invasion de zombies.

J’avais ressorti la télé que mes parents m’avaient léguée à leur mort. Je ne la regardais presque jamais, je préférais de loin un bon livre qu’une quelconque émission abrutissante. Je l’avais branchée, histoire de savoir quoi faire, si le gouvernement avait déployé des forces de récupération des rescapés. Par malchance, au moment où je trouvais le moyen de mettre une chaine, le courant se coupa dans tout l’immeuble, et bien que je sache m’en servir, je ne possédais pas d’ordinateur. J’avais fait le choix de vivre loin des médias modernes, j’en payais les conséquences. Le seul média qui me restait, c’était mes fenêtres : un spectacle de gens pourchassés par la mort, de voitures brulées, de combats de rue, de coups de feu, d’effusions de sang et de familles déchirées, littéralement. Fluttershy refusait de savoir ce qu’il se passait. Je la comprenais. Vers 14 heures, le cadavre avait arrêté de frapper et Fluttershy avait enfin trouvé le repos, roulée en boule et assaillie par les cauchemars. Je le savais, elle ne cessait de se réveiller en sursauts, parlant de mort, de sang et pleurant à voix basse depuis une heure. Je m’étais approchée de la porte et avais regardé par le judas.

« Oh, merde… »

Ils étaient trois désormais, d’anciens voisins, tous zombifiés, le regard avide de chair humaine, la peau pale et ensanglantée. Mon interjection n’était pas restée inaperçue. La masse pourrissante, stagnant à l’entrée, s’activa et se remit à frapper de plus belle, ce qui réveilla la «belle au bois dormants».

« Que se passe-t-il ? » Demanda-t-elle.

- Je t’expliquerai, aide moi à pousser cette étagère contre la porte ! »

Ravalant sa salive, elle retira le canapé et m’aida dans le déplacement du meuble garni de livres. Il faillit tomber sur elle mais je l’avais retenu suffisamment longtemps pour qu’elle se dégage. Le meuble était désormais couché et les livres étaient à terre. Nous les avons retirés et nous avons replacé le canapé contre la porte, en soutien de la barricade.

« Bon, maintenant c’est officiel : on sortira pas d’ici sans aide.

- On fait quoi maintenant ?

- On attend… Ils sont trois, voire plus, derrière cette porte.

- Alors on est… condamnées ? » Elle fondit en larmes et tomba à genoux sur le sol.

Je m’assis à coté d’elle, la prenant dans mes bras pour la réconforter.

« Ne dis pas ça… On peut, non, on VA s’en sortir !

-Mais on est au dernier étage d’un immeuble situé en plein centre ville, cerné par des morts-vivants, alors que tout le monde cherche à sauver sa vie ! »

Elle marquait un point. Ses paroles étaient plus que pessimistes, mais réalistes. J’y avais moi aussi pensé, mais il ne faut jamais dire jamais, il y a toujours de l’espoir.

« Tu oublies que dehors, il y a quelqu’un qui te cherche, quelqu’un qui tient à toi ! »

Elle releva sa tête de mon épaule et me regarda droit dans les yeux. J’y voyais une lueur d’avenir, d’espoir se raviver en elle. Je m’étais relevée et elle me suivit. Elle me reprit finalement dans ses bras pendant quelques minutes. C’était devenu si rare, que ça m’arrive, que j’en avais oublié ce que ça faisait. Quand elle me relâcha, je remarquai qu’un sourire s’était dessiné sur son doux visage. Elle avait repris confiance en elle. Il fallait qu’elle garde le moral, sinon, c’est la folie qui l’attendait.

« Je vais me faire un café. » Avais-je dit alors que je me dirigeais vers le coin cuisine de mon appartement. « Pendant ce temps, essaie de dormir un peu, je te laisse ma chambre. Tu as besoin de repos.

- Mais toi aussi ! Ce ne serait pas juste que je dorme dans ton lit, chez toi, après que tu m’aies sauvé la vie, alors que tu tombes de sommeil !

- Ne t’inquiètes pas pour moi, je dormirais bien tôt ou tard. Pour le moment, tu passes en priorité. Si jamais les bruits des affreux t’incommode, il y a des boules Quiès dans le tiroir de la commode, à droite du lit. Fais comme chez toi, je t’en prie. »

Pour toute réponse, elle hocha la tête, partit vers ma chambre et ferma la porte.

Faire du café sans électricité était un peu plus dur, mais nettement moins bruyant. Le gaz aussi avait été coupé, ce qui n’arrangeait pas mon affaire. J’avais, cependant, une grosse boite de bougies dans un de mes placards. Après en avoir relié 4 ensemble, je plaçais un système assez simple de surélévation : deux grosses casseroles de chaque coté, surmontées de la plaque de grill de mon four. J’allumais alors mes bougies, après avoir remplit d’eau une autre casserole. L’eau n’avait pas été coupée, pour le moment, c’était le moment de faire des réserves : plusieurs bassines, remplies à ras bords d’eau du robinet, de quoi tenir des semaines. Ça m’avait permis de faire passer le temps qu’il fallait pour faire chauffer l’eau, soit à peu près une bonne demi heure. Une fois le café prêt, je l’avais mis dans deux bouteilles thermos, pour ne pas avoir à renouveler cette pénible opération.

J’avais fouillé dans la pile de livres qui trainait devant la porte dans l’espoir d’en trouver un qui pourrait nous aider. Je savais exactement lequel serait parfait pour ça : Le guide de survie en territoire zombie de Max Brooks. Je ne pensais pas, qu’un jour, il me serait utile. Cependant, les conseils qu’il procure sont parfaits, aussi bien pour la défense, les déplacements ou le nettoyage de zone.

Ainsi, je m’écroulais de fatigue, une tasse de café dans une main, le guide dans l’autre, dans le dernier fauteuil confortable de mon appartement, qui ne se situait pas contre la porte, en même temps, je ne possédais que mon canapé et ce fauteuil comme places assises. Les râles incessants, le bruit causé par le martellement de la porte et la fatigue m’avaient fait décrocher du livre avant même le début du chapitre portant sur les armes. Il fallait que je ferme les yeux, que je me détende. Les récents événements m’avaient fatigué et terrifié. Si seulement je pouvais tuer ce connard qui s’acharne sur ma porte… Il me rendait folle. J’en tremblais à chaque choc de ses poings sur le bois de ma porte. Cependant, je m’efforçais de rester calme avec Fluttershy. Je n’avais pas envie que sur le coup de la colère je lui fasse du mal, elle qui est si gentille, si timide, si impressionnable… La bonté incarnée.

Alors je m’imaginais une île déserte. Pas de zombies, pas d’autres personnes. Juste moi et le sable fin. Je ne me souviens plus de la suite de mon rêve, mais lorsque je me suis réveillée, Fluttershy préparait le repas, à la lueur d’une bougie.

« Oh, désolé si je t’ai réveillée. Je m’excuse, vraiment…

- Ce n’est pas grave. Bien dormi ?

- Plutôt bien, oui… Merci de m’avoir prêté ta chambre. C’était vraiment très gentil de ta part.

- Il est quelle heure ? Il fait déjà nuit ?

- Il est 20 heures, d’après l’horloge. Tient, ça a pris du temps, mais j’ai réussi à faire cuire des pâtes. Très ingénieux ton système, dommage que ce soit si long… On se rabattra sur tes conserves froides pour la suite.

- Je crois qu’on devrait plutôt se concentrer sur ce qui est encore frais. Je n’entends plus rien à la porte, les zombies sont partis ?

- Non, ils sont encore là… De toute façon, tu ne comptes pas sortir pas vrai ?

- Il le faudra bien tôt ou tard… »

Le deuxième jour s’était passé comme un autre, nous dormions à tour de rôle, nous lisions des livres et jouions, difficilement, aux échecs. Il faut dire qu’avec les bruits extérieurs comme les coups de feu, les hurlements, les explosions et les trois bouffeurs de chair d’à côté, il était dur de se concentrer. Elle avait parfois de violentes crises de nerfs : elle se roulait en boule sur elle-même ou se jetait dans mes bras en pleurant. Elle affirmait que notre fin était proche, qu’on allait tous mourir, que c’était fini. Je la rassurais, du moins, j’essayais. Ses crises n’étaient jamais longues, mais elles arrivaient aléatoirement, et si je ne faisais rien, elles pouvaient empirer. J’étais constamment à ses côtés, sauf quand elle dormait bien sûr, pour prévenir toutes «phases de pessimisme aggravées », comme je les appelais. À un moment, elle me surprit quand elle me conseilla de me couper les cheveux, ou de mes les attacher, sous peine qu’un zombie puisse m’agripper violement par une mèche. Son raisonnement était justifié, et le guide encourageait une telle conduite. J’optais pour la seconde solution. Je tenais trop à mes longs cheveux que je m’étais obstinée à me laisser pousser depuis tant d’années… Enfin, la queue de cheval ne m’allait pas trop mal encore, si, en plus, elle me permettait d’augmenter mes chances de survie. Je lui avais proposé d’apprendre les rudiments du «self-défense», ou plutôt de «comment repousser violement un adversaire contre un mur, avant de lui embrocher le crane avec un couteau de cuisine de 15 centimètres». Elle était un peu opposée à l’idée de faire du mal à quelqu’un, mais elle comprit que c’était pour son bien.

Le troisième jour s’était passé de la façon suivante : réveil, café, lecture, self-défense, repas, tentatives infructueuses d’appel à l’aide par la fenêtre, échecs (5 parties), lecture, self-défense, repas, nuit.

Au bout du quatrième jour, nous avions bien compris que toute la ville avait été évacuée. Un char passa près de l’immeuble, écrasant nombre de zombies sur son passage, sans nous remarquer quand nous criions à leur intention. Les équipes à pied ne faisaient pas long feu. Soit elles fuyaient les morts qui les poursuivaient, soit elles mourraient suite à un excès de zèle et d’héroïsme. Dans ce monde de morts, les héros ne font pas long feu… Des hélicoptères passaient régulièrement, mais semblaient nous ignorer, malgré nos grands gestes et nos hurlements. Nous étions officiellement seules sur ce coup.

Du moins, c’est ce que nous croyions.

Vers 22 heures, alors que je dormais paisiblement depuis une heure dans mon lit, Fluttershy, qui montait la garde, me réveilla paniquée comme jamais. Elle tremblait d’excitation, les pupilles dilatées par le manque de lumière et la gorge nouée par l’angoisse.

« Réveille-toi, vite ! Twilight ! Vite ! Réveille-toi !

- Qu’est ce qu’il se passe Fluttershy ? Les zombies ont réussi à entrer ?

- Il y a quelqu’un dans le couloir. Quelqu’un de vivant !

- Tu es sûre que ce n’est pas simplement un de ces foutus zombies ? »

Elle parut hésiter, puis finalement elle me cria dessus, emplie d’une assurance qui m’avait fichue la trouille.

« Je sais ce que je dis ! Il y a quelqu’un dehors et ce quelqu’un va venir nous sauver ! Lève-toi vite ! »

Je m’exécutais et avançais vers la porte, escaladant la barricade et regardant par le judas.

Personne. Pas l’ombre d’un zombie. Malgré que le courant ait été coupé, le couloir était encore éclairé, le câble de mon appartement à certainement dû être coupé. Soudain, un hurlement venu d’outre-tombe, un puissant raclement de gorge provenant d’une goule, vraisemblablement morte de faim et ayant enfin trouvé une proie convenable, retentit dans tout le couloir. Elle passa en courant devant la porte puis un coup de feu retentit. Il y avait effectivement quelqu’un, et il était armé. Un autre coup de feu retentit et le hurlement se coupa net.

Un mort, plus que deux.

Les deux derniers étaient plus lents, laissant au tireur le temps de bien aligner ses cibles. Deux balles, deux morts, juste devant la porte. L’inconnu s’avança, mais la seule chose que je pus voir, c’est une casquette militaire et la fumée d’une cigarette, avant que celui-ci se retourne et recule rapidement pour faire face à un hurlement strident qui venait de retentir. Trois balles venaient de partir juste avant que l’arme de notre sauveur s’enraille.

« Foutu matériel russe ! Viens ici connard, que je te fasse ta fête ! »

La réponse ne se fit pas attendre : le mort vivant venait de sauter, oui, de sauter sur son agresseur qui le repoussa violament, le plaqua contre notre porte et enfonça une longue lame noire dans son crane, traversant la porte à quelques centimètres de moi. Je sursautais, tombant ainsi de l’étagère à la vue de cette lame noire mat, ruisselante de sang, traversant ma porte en bois. Elle se retira lentement, puis on entendit le corps tomber par terre.

« Il y a du vivant ici ? » demanda l’inconnu d’une voix assez aigue pour un homme, mais trop grave pour être celle d’une femme. « Si vous êtes vivants, ouvrez moi, y a plus personne et je ne suis pas blessée. »

Fluttershy ne retenait plus son excitation : nous avons été sauvées !

« Attendez, on vous ouvre ! » Avais-je alors dit.

- Bon sang ! Enfin des vivants ! Je commençais à croire que tout le monde s’était barré avant que je passe ! » Dit-il pendant que nous dégagions l’entrée.

J’ouvrais enfin la porte. En face de moi, une femme. 1 mètre 75 environ, yeux roses très profonds, une caquette couleur camouflage forêt, un T-shirt bleu ciel surmonté d’un blouson en cuir marron ouvert, un pantalon assorti à sa casquette et une paire de rangers, ces bottes de cuir de l’armée. La seule chose qui me permettait de confirmer que c’était une femme était sa silhouette et sa poitrine assez avancée. Elle portait un pistolet à sa ceinture, une machette ensanglantée dans la main et un sac noir sur le dos.

« Je m’invite un peu, mais j’ai passée une journée assez dure. » Dit elle, entrant dans l’appartement et s’allumant une cigarette « Vous allez bien ? Vous n’êtes pas blessées ?

- Non, je vais bien, rassurez vous. Je n’ai pas été mordue.

- Ravie de le savoir. » Elle expira sa fumée « Vous êtes seule ?

- Non il y a… Fluttershy ? »

Elle sortit, tremblante de peur, de derrière le fauteuil.

« Ou… Oui ? »

La nouvelle venue éclata de rire, ce qui vexa légèrement Fluttershy. Soudain, elle redevint sérieuse, dévisageait Fluttershy et sortant une photo qu’elle regarda à la lumière du couloir.

« Vous êtes Nikita Azimov ? »

Fluttershy rougit puis finalement, après un moment de silence, répondit finalement d’un simple hochement de tête approbateur. Notre sauveuse tira un talkie-walkie qu’elle avait à la ceinture.

« AJ, tu m’entends ? Cherche plus, je l’ai trouvée. » Elle s’adossa au mur et retira sa casquette, dévoilant des cheveux mi-longs, aux couleurs arc-en-ciel.

« Au fait, vous pouvez m’appeler Rainbow. »

Rainbow nous avait alors ordonné de faire nos « valises », de ne prendre que le nécessaire : chaussettes, deux t-shirts, une bouteille d’un litre d’eau chacune, quatre boites de conserve, des paquets de biscuits, des allumettes, une lampe torche, des piles, des lunettes de soleil, une partie de ma pharmacie personnelle, notamment des cachets d’aspirine et ma paire de jumelles. Rien ne manquait. Vu qu’il me restait de la place dans le sac de randonnée, hérité de mes parents, je me permettais d’y ajouter trois livres : Le Guide antizombies, un livre explicatif de médecine et de chirurgie, ainsi que le vieux grimoire que Spike m’a offerts pour la Saint-Valentin. J’ignorais pourquoi, mais je ne voulais pas laisser ce livre ici, malgré son poids et son volume.

« Vous avez une arme ? Un fusil ? Un pistolet ? »

Nous hochions négativement la tête à chacune des questions.

« Une machette ? Une tronçonneuse ? Un taille-bordure ? » S’obstinait-elle

« On n’a que ces couteaux-là, Rainbow. » Avais-je répondu en montrant notre « arsenal ».

« …Une Hache ? Une arbalète ? Un Lance-roquette ? »

Le visage de Fluttershy s’alluma d’une expression de surprise, puis elle traversa le salon, passa par le couloir sans s’arrêter et ouvrit la porte de son appartement dans un brouhaha d’animaux affamés.

« C’est quoi ce merdier ? » Me demanda Rainbow, surprise en voyant sortir furets, souris, quelques chauves-souris, deux chouettes et un perroquet.

« Nikita ?

— Juste 5 minutes, je cherche quelque chose.

— Roooh… Faits vite alors, d’autres cadavres pourraient se pointer. »

Justement, deux morts-vivants avançaient vers nous, les bras en avant, le regard vide, la bouche ouverte, avide de chair fraiche. L’un d’eux me regardait. Il avait la mâchoire du bas en moins et un énorme vide au niveau de son cœur, par lequel s’évacuaient des hectolitres d’hémoglobine coagulée. Son cœur était bien visible, n’était plus qu’une masse inerte et sombre retenue au reste du corps par seulement quelques artères inutiles. Cependant, il continuait à avancer, difficilement, mais surement. Ils n’étaient qu’à environ 50 mètres de nous quand Rainbow ouvrit le feu. Elle avait réarmé son arme pendant que nous discutions, quelques minutes auparavant. Une dizaine de balles avait traversé le couloir. Chacune d’elles avaient touché leur cible, cependant, une seule avait eu la puissance nécessaire pour abattre le mort-vivant, qui s’effondra sur le sol de tout son poids, le crâne percé. Elle rechargea, visa le second qui sentit une montée en puissance et se mit à courir vers sa nouvelle cible : la jeune femme aux cheveux multicolores. Elle attendit qu’il soit proche, très proche, pour lui enfoncer le canon de son arme dans ce qui lui restait de sa gorge et de tirer une balle qui fit gicler une partie de sa cervelle sur le plafond. Il s’effondra lui aussi par terre, et ne se releva pas. Elle souffla lourdement, nettoya le sang qui avait giclé sur elle et son arme.

« Il ne manquerait plus que cette saloperie s’enraye… »

Une aura d’héroïsme et de grande classe se dégageait d’elle. Elle semblait si imperturbable, si forte… Mais dans ses yeux, il brillait une profonde tristesse, masquée par du stress et une grande assurance. Face à ça, je n’étais que la « coincée » du sixième étage, sans ami et sans ambition, livrée à elle-même, face à un monde où seuls les plus audacieux survivent. J’étais toujours tétanisée au vu du massacre qui s’était déroulé juste sous mes yeux. L’odeur du cadavre n’arrangeait pas non plus la chose, étant donné que ces deux-là s’ajoutaient à la pile de ceux tués précédemment.

« Voilà, je l’ai retrouvée. » Dit Fluttershy en sortant de son appartement.

Dans ses mains, elle tenait une magnifique arbalète de compétition équipée d’un viseur et d’un pointeur laser, ainsi qu’une douzaine de carreaux en carbone. Sur le côté était gravé : « Qu’importe tes choix, je serais toujours là pour toi. »

« Si un jour on m’avait dit que je croiserais une fille avec une arbalète à LA, crois-moi, je serais venu bien avant tout ce bordel… » Déclara Rainbow, surprise de l’arme que possédait désormais mon amie

« Je ne pensais pas qu’un jour je m’en servirais. Mon père me l’a offerte il y a deux ans, quand je lui ai présenté…

— Tu sais au moins t’en servir ? » Coupa Rainbow.

— Euh… Oui. J’ai fait de la compétition, quand j’étais jeune, en Ukraine…

— OK, OK. Moi, tout ce que je veux savoir, c’est si tu es capable d’abattre un de ces connards avec ton joli machin »

Son visage se glaça, puis elle articula finalement :

« Tu… Veux… Que je… Tue quel… Quelqu’un ? »

L’expression de Rainbow devint grave. Elle éteignit sa cigarette en l’écrasant sous sa chaussure. Elle s’était rapprochée d’elle tout en parlant.

« Va falloir que je t’explique un truc ; tu vois ça ? C’est que des morts » elle shoota dans la tête d’un zombie. Elle se détacha dans un bruit d’os brisé et vola jusqu’à l’autre bout du couloir. « Il n’y a pas de vie. Ni dans leurs yeux, ni dans leur tête, ni dans leur ventre. Tout ce qui les anime, c’est une envie de bouffer constante. Ils commencent par bouffer les vieux et les handicapés, puis les enfants, nos amis, notre famille et enfin nous. On est que de la bouffe pour eux et eux, ce ne sont que des cadavres sans âme, des lambeaux de chair pourris montés sur des os ! » Elle L’avait collé contre le mur et la regardait d’une expression menaçante. « On est dans un putain de jeu vidéo, et celui qui tient les manettes à l’air de bien se marrer. » Elle libéra sa prisonnière et ajouta : « C’est toi, ou eux, à toi de choisir. »

Elle l’arrêta et lui demanda.

« Au fait, comment me connaissez-vous ? » lui demanda-t-elle

Elle réfléchit un moment.

« J’ignore pourquoi, mais l’AUDEC vous veut vivante. Une sacrée prime a été placée sur votre tête. D'ailleurs, je devrais peut-être marquer l’adresse de la planque sur la porte, qu’on ne vous cherche pas. »

Elle sortit un gros feutre noir et écrit à même ma porte l’adresse d’un magasin de sport avant de signer.

« Bon. On a assez perdu de temps, en route. »

Non sans dégout, nous avions enjambé, Fluttershy et moi, les quelques cadavres qui jonchaient notre route. Nous avions emprunté l’escalier, que notre meneuse avait sécurisé en montant jusqu’au deuxième étage, après, il était bloqué par du mobilier et des planches de bois.

La peur au ventre, nous étions sortis de la cage d’escalier pour entrer dans un autre couloir. Au milieu de celui-ci, un zombie nous tournait le dos et semblait ne pas nous avoir repérés.

« Voilà ta première cible, fillette » Chuchota Rainbow « Prend ton temps, concentre-toi, aligne ton pointeur sur sa tête et tire. »

Elle suivit ses conseils et prit son arbalète. Elle l’aligna sur son ennemi et… S’arrêta. Elle trembla, de plus en plus fort. Elle commença à pleurer en répétant :

« Je ne peux pas… C’est trop dur…

— Calme-toi et tue-le. Je sais que c’est dur, la première fois. Alors, calme-toi, tout ira bien.

— Non, non, je ne peux pas… Je ne pourrais jamais ! » Elle baissa son arme et pleura de plus en plus fort et se réfugia dans mes bras, après avoir désarmé son carreau.

« Bon, ce n’est pas grave, je vais le faire. » Finit alors Rainbow

Elle leva son pistolet, visa le zombie et pressa la détente.

*CLIC*

Aucune détonation. Aucun projectile projeté. Aucune victime. Le coup qui devait être tiré aurait dû l’abattre d’un coup, d’après mes connaissances en balistique. Mais rien n’y fit. Juste le bruit du choc métal contre métal et les hurlements du cadavre qui fonçait sur nous, attiré par les nouveaux bruits qui étaient apparus dans son dos.

« Putain de matériel russe de merde ! » Jura Rainbow en essayant de décoincer la douille qui refusait de sortir de la chambre de combustion de son arme.

Fluttershy se cramponnait à moi, paralysée par la peur, voyant sa fin proche, très proche.

Sa fin ? Surement pas !

Je ne sais pas pourquoi j’avais fait ça, c’était terriblement stupide et ça aurait pu me couter la vie, mais j’avais foncé sur ce zombie. Il m’avait regardé de ses yeux vides, me glaçant le sang, mais je continuais à courir à la même vitesse que lui, parcourant les quelques mètres qui nous séparaient. Au fur et à mesure que je me rapprochais, le filet de bave et de sang mêlé qui sortait de sa bouche s’épaississait, bien décidé à vouloir me voir comme plat de résistance. Puis, au moment du contact, je lui fis changer de direction, le plaquant contre le mur, face à moi, avant de lui enfoncer un couteau de cuisine dans l’œil et de tourner cette lame dans son orbite, d’un bref mouvement rotatif du poignet. Son sang avait giclé sur mes mains et il s’affaissa sur lui-même. Je tombais, genoux à terre, face à lui.

Je venais de le faire… J’avais tué quelqu’un… de mes propres mains, désormais maculées de son hémoglobine…

Je me sentais… Étrangement libérée… Comme si un verrou de ma conscience venait de sauter, comme si je venais de réaliser l’impossible. Je ne pus m’empêcher de rire nerveusement. Je venais de faire quelque chose d’horrible et je riais… Etais-je devenu… Un monstre ? En tout cas, pas un zombie étant donné qu’il ne m’avait pas blessé, ni mordu. Non, mais je sentais une flamme brûler en moi… Comme si tous les codes moraux qui étaient encrés en moi venaient d’être brulés, comme on brule un livre.

Et John Milton a dit « Qui détruit un bon livre, tue la raison elle-même. »

C’est donc à ce moment-là que je perdis la mienne. Mais je me sentais plus… forte. Comme investie d’une puissance surnaturelle qui brulait en moi.

Rainbow s’approcha de moi, suivie de loin par Fluttershy, m’aida à me relever puis, sans autre forme de procès, me donna un coup dans la joue, de la crosse de son pistolet, ce qui eu pour effets secondaires de déloger la douille du canon de l’arme et de me faire revenir à la raison.

« T’as de la chance qu’il était enraillé…

— Je ne sais pas ce qui m’a pris, je... Dé…

— Avance, on parlera de ça plus tard. » Coupa-t-elle « Je te signale qu’on n’est pas encore en sécurité. »

Fluttershy hésitait à m’approcher au vu de la quantité de sang sur mon T-shirt et de mon action qui tenait de la folie pure

« Je suis vraiment désolé Rain…

- Chuuuuut ! »

Elle s’arrêta, nous demandant ainsi de l’imiter. Nous tendions l’oreille. Un bruit de pas, lent et progressif, mêlé à un cliquetis métallique.

À cet instant, Fluttershy, qui ne pouvait plus se retenir, éternua très faiblement.

Le bruit s’était arrêté. Rainbow pointa son arme en direction de l’endroit d’où provenait le bruit : le côté du couloir vers lequel nous nous dirigions.

« Un zombard, ça n’éternue pas ! » Hurla une voix au bout de ce couloir. « Baisse ton arme Rainbow, c’est moi ! »

Assez surprise, elle obéit. Une ombre apparaissait alors à la lumière du couloir, puis apparut entière devant nous. Une grande jeune femme aux longs cheveux blonds en queue de cheval, coiffée d’un chapeau de Cow-boy, portant une chemise à carreaux orange et blanche aux manches retroussées et un pantalon en cuir. Elle avait aussi des bottes de cuir avec des éperons sur le talon et une étoile en argent accroché la poitrine, lui donnant un air de « Cow-girl » très stéréotypé. Elle était armée d’un fusil de chasse à double canon qu’elle tenait d’un seul bras, posé sur son épaule, et d’un révolver de la marque Colt, qui devait être de facture très ancienne.

« AJ ? Comment t’as fait pour me reconnaitre ?

— Le bruit d’armement de ton Glock, ma belle ! » Répondit la dénommé « AJ » avec un fort accent texan. « Le bruit caractéristique du flingue qui va forcement s’enrailler vu que tu l’as choppé sur le corps encore chaud d’un flic qui venait s’en servir ! » Elle s’arrêta et me dévisagea. « Tu m’avais pas dit que tu prenais du monde en plus ! Et comment elle se prénomme la miss ? »

Rainbow se posait la même question, étant donné qu’elle ne me l’avait jamais demandé.

« Je… Je m’appelle Twilight, Twilight Sparkle. Et elle, c’est Nikita. » Disais-je en m’écartant, permettant à AJ de la voir. « Mais vous pouvez l’appeler Fluttershy.

— Entendu miss Twilight ! Moi, c’est Abigail Johnson, mais tout le monde m’appelle AJ, j’imagine que vous pouvez en faire autant.

— Dis, tu peux lui filer ton flingue ? Elle est assez barge pour foncer sur un zombie avec un couteau de cuisine, je n’ai pas envie que ça se reproduise.

— Et j’imagine que t’as pas pu t’empêcher de lui filer une correction. Décidément, faut être vraiment aussi dure que toi pour frapper une aussi jolie fillette. »
Fillette ? Moi ? Elle ne devait pas avoir plus de deux ans de plus que moi !

« Enfin, si ça peut éviter une mort inutile, attrape ! » Elle me lança une boite de munitions son lourd révolver que j’attrapais in extremis. « Eh ! Attention ! Il appartenait à mon arrière arrière grand oncle ce colt ! Heureusement, il marche aussi bien qu’au premier jour.

— Bon, et si on se tirait de cette baraque pourrie ? » Demanda Rainbow.

« Je… Je suis d’accord avec toi… Rainbow » Dit Fluttershy toujours cachée derrière moi, d’une voix douce.

« Wow ! Elle parle en plus ? » Railla AJ.

« Bon, assez ri. Ma caisse est prête à partir, et l’étage du bas est sécurisé. J’ai l’honneur de vous assurer que vous êtes sauvés ! »

« OK, je l’admets. C’était pas du tout prévu ça… »

Ça faisait déjà un quart d’heure que nous roulions et cinq bonnes minutes que le voyant moteur du Pick-up blindé d’AJ clignotait en rouge. « Ça tiendra le temps qu’on arrive » avait même ajouté Rainbow. Apparemment, ça n’avait pas tenu.

Stoppées en plein milieu d’une avenue, le moteur laissant échapper une épaisse fumée noire, trahissant bien plus notre présence que le bruit de celui-ci en marche, nous étions obligées de nous répartir les rôles. Rainbow et AJ penchées sur le moteur et Fluttershy roulée en boule sur le siège arrière, j’héritais de la tache de surveiller et d’assurer notre protection. Debout sur le toit de la voiture, le lourd révolver dans la main droite et ma paire de jumelles dans l’autre, je faisais l’état de notre situation, qui n’était pas si désespérée que ça. Nous étions presque arrivées à un carrefour, nous laissant une triple échappatoire au cas où. L’avenue en elle-même était vide. Quelques voitures accidentées, diverses flaques de sang, par-ci, par-là, des piles de douilles, des cadavres, mais pas l’ombre d’un zombie. Il faisait pourtant presque nuit, mais les divers incendies des bâtiments avoisinants, sellés par l’AUDEC à l’aide de portes métalliques, et les quelques carcasses en feu, donnaient suffisamment de lumière pour voir très nettement tout ce qu’il y avait à voir.

Notamment ce qui essayait de nous suivre tant bien que mal.

« Zombies… » Avais-je alors dit calmement en observant le bas de la rue « Beaucoup…

— Combien environ ? » Avait demandé Rainbow, sortant sa tête de dessous le capot. « Une douzaine ? Une vingtaine ?

— Compte plutôt en centaines… »

Laissant tomber sa clé à molette, elle m’arracha les jumelles, monta à mes côtés et regarda à son tour. Elle fut tellement surprise de la taille de la horde, qui fonçait droit sur nous, lentement mais surement, qu’elle laissa tomber, de sa bouche, sa cigarette fraichement allumée.

« On a été se foutre dans une sacrée merde…

— À ce point ? » Demanda AJ

« Tu te crois capable de réparer la voiture en moins de 5 minutes ? Parce que d’ici là, on sera submergées…

— Bon, bah. On dirait bien qu'il va falloir continuer à pied. Prenez vos sacs, et n’oubliez rien. On ne reviendra pas. » Elle s’arrêta au niveau de la portière et frappa deux coups dessus. « Désolé sucre d’orge, mais on marche. »

Toute tremblante de peur, et de froid, Fluttershy sortit de la voiture, prit son arme en main et nous accompagna. La chance nous souriait, car les grands immeubles sur les côtés et les quelques voitures en travers de la route étaient inoccupés. Cependant, au vu de la progression des non-morts, il nous était impossible de nous arrêter pour tout fouiller. La nuit tombait et le thermos de café que j’avais préparé il y a deux jours était déjà épuisé. Nous marchions lentement, mais suffisamment vite pour être discrètes, concentrées et pouvoir garder une distance suffisante avec les morts-vivants.

Rainbow nous demanda, après dix bonnes minutes de marche, de faire une halte. Un 4x4 militaire était encastré dans une berline noire, le tout barrant une voie de la route. Autour de la voiture, trois cadavres, partiellement déchiquetés. Un homme et deux femmes. Tous étaient cependant armés. Les deux adultes portaient des fusils d’assaut alors que la plus jeune, encore une adolescente, portait un pistolet chromé et un gilet pare-balles. Après s’être assuré que les deux cadavres resteraient à l’état de cadavres — c'est-à-dire immobiles —, la jeune femme aux cheveux lumineux s’approcha du cadavre de la fille, à notre grande surprise, en ignorant les deux armes automatiques.

Voyant que je lorgnais sur le fusil le moins ensanglanté, elle prit la parole, cassant le silence s’étant imposé pendant la marche.

« Ça ne te parait pas louche que deux personnes lourdement armées soient mortes aussi facilement alors qu’ils leur restaient des cartouches ? » Me demanda-t-elle. « C’est des M16A2, les mêmes que ceux datant du Viêt Nam. De vieux fusils en plastocs qui ne peuvent même pas servir de massue. Ils ont dû s’enrailler, comme d’habitude avec ce genre de modèle. Par contre, la fille m’intéresse. Gilet pare-balles renforcé de deux plaques de céramiques, avant et arrières, et son arme, un colt 45 avec deux chargeurs en supplément. » Elle prit une expression sombre puis ajouta en se retournant vers Fluttershy et moi, « Elle a dû avoir les foies de tirer, voilà ce qui arrive. Elle a même une machette » dit-elle en la lançant vers la fille aux longs cheveux roses. « Bon, je pense qu’elle a plus besoin de tout ça… »

Elle détacha le gilet couvert de sang et allait l'enfiler.

« Tu ne vas pas mettre ça ? » s’exclama AJ.

« Mieux vaut jouer la sécurité. Je suis assez égoïste, et je ne suis pas sûr de vos talents de tireurs. » Elle avait raison, même si c’était totalement ignoble. Elle essaya d’arracher l’arme de la main de la fille, mais du forcer au point de lui briser les doigts dans un grand craquement d’os qui nous retourna le cœur. Fluttershy n’en pouvait plus, elle vida son estomac derrière une voiture et revint, tremblante de plus en plus.

Soudain, un long hurlement se fit entendre. J’en avais déjà entendu un similaire, mais impossible de me rappeler où.

« Un chasseur… » Dit AJ, paniquée. « Faites ga… »

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’elle fut plaquée à terre par un monstre encapuchonné ayant sauté depuis les toits.

Sans que le zombie eût le temps de faire quoi que ce soit, Rainbow fonça à vive allure sur lui, attrapant un des fusils au passage et lui éclatant celui-ci dans la face, sous le regard d’une Texane terrorisée, passée à deux doigts de la mort. Le coup fut d’une telle force, que la crosse ne résista pas au choc et qu’il projeta sa victime sur le capot d’une voiture en stationnement. Elle en profita pour essayer son nouveau « jouet », décochant trois balles à bout portant qui lui arrachèrent un bras et fit gicler sa cervelle sur le pare-brise.

Une violente confrontation qui se solda par la victoire de la chasseresse sur le « chasseur » et le déclenchement de l’alarme du véhicule.

De toutes parts, les hurlements montaient, la horde hurlait son envie de chair fraiche, traduisant cela par une violente accélération. De chaque côté de la rue, des macchabées sortaient de nulle part, nous forçant à courir, courir pour notre survie.

Évitant rapidement les obstacles et tirant à plusieurs reprises sur nos opposants, nous avions remonté la rue après que j’ai crié :

« Le carrefour ! Notre seule chance ! »

Celui-ci était vide, comme la rue de droite et de gauche, nous n’avions que peu de temps pour nous décider.

L’Easy Street…

« Quelle… MERDE ! » Hurla Rainbow, à bout de souffle.

« C’est fini, c’est ça ? Je vais me réveiller ? Dites-moi que je vais me réveiller ! » Cria Fluttershy dont les larmes coulaient abondamment sur ses joues

« Tu ne rêves pas, et ce n’est pas fini ! » Répondit AJ en rechargeant son fusil « J’ai pas fait… Tout ce putain de chemin… Pour crever maintenant ! Une idée ? Quelqu’un ? »

Je connaissais cette rue…

« À DROITE ! VITE ! » Hurlais-je

L’immense incendie qui éclaircissait le bout de la rue les fit hésiter.

« T’es sure de ton coup ? » Demanda AJ après avoir éclaté le crâne d’un zombie téméraire d’une double décharge de calibre 12

« J’ai quelqu’un à sauver… » Murmurais-je « On a plus le temps ! Tout le monde derrière moi !

— Suivez Twilight ! » hurla Rainbow « Et j’espère que tu ne te plantes pas ! »

Je ne me trompais pas. D’ailleurs, c’est un peu narcissique de dire ça, mais je ne me trompais jamais.

En à peine 10 minutes, nous avions déjà atteint la moitié. À une centaine de mètres, un amas de voitures en flammes se dessinait dans le paysage triste et sombre de cette rue. Devant un immeuble précis, je demandais à tous de nous arrêter.

Résidence Anchorage, 58, Easy Street

« Ici. On sera en sécurité » avais-je simplement dit.

« Tu déconnes ? Et si tu nous mettais au parfum, ma jolie ? » Questionna AJ.

« Je… J’ai quelqu’un à sauver ici…

« Spike ? » Demanda Fluttershy

« C’est bien lui… » J’avais marqué une pause. Je me demandais si c’était une si bonne idée, de faire ce détour. Plus le choix, je devais trouver un bon argument pour garder la confiance de tous. « Ce gamin connait la ville entière comme s’il l’avait bâtie. Il doit surement connaitre toutes les zones sures et notamment…

— Le meilleur itinéraire vers l’abri. » Continua Rainbow. « Bon plan, mais, comment on entre ? On sonne ? On défonce la porte en verre ?

— Ça serait idiot. Si une alarme retentit, on sera dans une super-merde… Non, j’ai une autre idée. L’immeuble fait 4 étages et Spike habite au 3e. Si on lance un grappin…

— On pourrait passer plusieurs étages d’un coup » coupa une seconde fois Rainbow. « J’ai eu la même idée, la voie des airs. J’ai la corde, manque plus que le grappin. »

Je regardais à terre. Plusieurs débris de voiture, dont un qui m’intéressait particulièrement : Un morceau de pare-buffle recourbé, ne demandant qu’à être utilisé. Je le ramassais puis liait solidement la corde à celui-ci. Après m’être assuré de la solidité de l’ensemble, je le donnais à Rainbow avec pour consigne de viser une fenêtre du deuxième étage, pour ne pas faire en sorte que la montée soit inutile et fatigante.

« Où t'as appris ça ? » Questionna AJ

« Je lis beaucoup… » En voyant sa réaction, j’avais compris que j’avais gaffé.

« Crois-la, j’ai vu son appart : une vraie bibliothèque.

« Mouais… » Répondit la Texane en réajustant son chapeau. « Lance voir ton truc au lieu de discuter, j’ai pas envie de finir en chair à zombies. »

Le grappin improvisé brisa une des fenêtres du troisième et s’accrocha solidement du premier coup.

« C’est fait. Y a plus qu’à monter.

— Wow, du premier coup Rainbow ! » S’enthousiasma Fluttershy

— Des années d’entrainement ! J’ai pas de mérite !

— Ouais, encore une cambrioleuse… » Ajouta AJ, dont le regard s’assombrissait à notre attention.

Rainbow vit rouge. Son honneur venait de prendre un coup.

« J’ai passé… 5 ans, 5 putain d’années dans l’armée ! Lancer un grappin, je l’ai appris pour mes 20 ans ! Alors s’il te plait, montre-moi que t’es capable de faire autre chose que de nous insulter et grimpes à cette corde ! À moins que tu ne te sentes pas capable de soulever ton barda, soldat ? »

Elle repoussa la jeune femme qui s’était approchée d’elle en criant de la crosse de son fusil.

« Avec le sac de Twilight, et à une main je te fais les deux étages !

— Pari tenu ?

— Pari tenu !

Sans ajouter un mot de plus, elle me prit mon sac, pesant plus de cinq kilos, mit son fusil dans son dos et grimpa à cette corde, montant ainsi les deux étages… D’une seule main ! Elle entra, fit une rapide reconnaissance et annonça que la zone était libre.

Après un rapide tour, j’en déduis que c’était à moi. Rainbow avait exprimé son désir de passer en dernier en avançant l’argument de nous protéger et de porter les sacs de Fluttershy, qui elle, passerait après moi. Je déglutis difficilement. J’avais honte de l’avouer, étant donné que ce n’était pas rationnel, mais j’avais le vertige.

Il fallait que je m’accroche. Littéralement.

Main gauche, main droite et on tire sur ses bras.

Répétez cette opération jusqu'à atteindre le sommet.

Je tirais ça d’un manuel d’alpinisme que j’avais lu, il a de ça quelques années. Au bout de quelques minutes d’ascension, j’atteignais la fenêtre où une Cowgirl blonde m’attendait, la main tendue pour m’aider à m’agripper. J’eus tout de même le malheur de poser ma main gauche sur un débris de verre particulièrement acéré, causant une sacrée plaie douloureuse, que je m’empressais de bander tant bien que mal pour stopper l’hémorragie.

« Jolie blessure, sucre d’orge. Tu sais, je t’en veux pas perso, je suis juste… méfiante...

— Je te comprends. Crois-moi, je suis le cadet de tes soucis » avais-je répondu, lui décrochant un sourire enfin amical. « Espérons que ça tienne…

— C’est justement ce que je suis en train de me dire… »

Elle regardait avec moi Fluttershy en train de monter, sous les conseils criés de Rainbow et d’AJ. Elle était lente, car la peur la paralysait, mais elle faisait de son mieux. Une fois arrivée, la première chose qu’elle fit fut de me prendre dans ses bras, comme pour s’assurer qu’elle était bien vivante.

Elle remarqua mon bandage ensanglanté.

« Oh mon… Tu t'es blessée ? Laisse-moi voir ça. »

Je la laissais faire. Elle défit mon bandage et après avoir eu un haut-le-cœur m’annonça :

« C’est grave… ça ne va pas cicatriser si on ne fait rien. Il va falloir te recoudre, maintenant…

— Hé ! T’es médecin pour me dire ça ? » Je me rendis compte que je venais de crier sur Fluttershy. Elle resta tétanisée pendant un moment, puis attrapa sa trousse de premiers soins. « Désolé, je n’aurais pas dû…

— Tu m’as dit que je devais être forte, et bien, je vais te dire la même chose. Ça va faire mal, je suis désolé… »

Sans plus attendre, elle aspergea la plaie d’alcool pour la désinfecter, puis un fil de suture et une aiguille. La douleur était infernale, mais la rapidité et la précision des mouvements de Fluttershy faisaient état de son professionnalisme. Finissant de coudre, elle versa de nouveau de l’alcool sur la plaie sanguinolente puis couvera le tout d’un bandage serré.

« Désolé, vraiment désolé, désolé si je t’ai fait du mal. Tu… Tu peux bouger ta main ?

— Ouah… Je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie... » Je refermais et ouvrait ma main dans une douleur atroce. « Je crois que ça ira. Merci Fluttershy. »

« Eh, venez voir ça. » Demanda Rainbow qui venait de finir de monter, les sacs de Fluttershy et le sien sur le dos. Elle regardait avec AJ par la fenêtre, l’amoncellement de morts-vivants à la porte de l’immeuble. « Encore un peu, et on en faisait partie. Twilight, je crois qu’on te doit la vie.

— T’emballes pas Rainbow, ton petit génie nous a pas encore tirées d’affaire. Quand la porte en bas cédera, et que l’alarme retentira, on sera submergées. » Répondit AJ

« Tout juste » répondais-je « On s’en va ?

— Ouais… »

L’appartement dans lequel nous étions était vide. Littéralement. Pas de meubles, pas de vivres et même pas de robinets… Dans un placard, servant à cacher le ballon d’eau chaude, je trouvais deux tubes plastiques et quelques vis. Ça pouvait toujours servir, me disais-je, et je les mettais dans mon sac. Nous avions fait une très courte halte dans cet appart. J’en profitais pour observer chacun. Rainbow discutait d’armes à feu, de comment les nettoyer, les entretenir avec AJ. Elle semblait s’y connaitre dans ce domaine. Après tout, elle avait dit qu’elle avait été dans l’armée. Fluttershy, elle, méditait sur l’inscription sur son arbalète. La phrase semblait avoir un impact psychologique très puissant sur elle, se rappelant qu’il y avait toujours de l’espoir, qu’elle aurait toujours du soutien et que ceux qu’elle aime vivent toujours, en elle. Je pris une bouteille d’eau de mon sac et la fit passer à tout le groupe, puis nous partîmes, laissant cette bouteille, seule trace de notre passage, sur le sol, et nous entrions dans un couloir, aussi sombre que vide.

Pour renforcer l’aspect « couloir de film d’horreur », comme avait dit Fluttershy, AJ demanda à ce que l’on allume nos lampes torches. Elle était au premier rang, son fusil chargé, bloqué sur son épaule, prêt à tirer. J’étais juste derrière elle, la main droite sur le revolver que je gardais dans son étui, à ma ceinture, et la main gauche tenant la lampe, balayant le couloir de sa lumière. Derrière nous, la même formation s’était effectuée. Nous avancions dos à dos, lentement mais surement, dans un silence absolu, vers les escaliers. Nous les atteignons sans difficulté et nous montions. La porte de Spike se situait à l’autre bout du couloir. La seule porte encore éclairée à l’intérieur, grande ouverte. Une pile de 5 cadavres, aux membres arrachés et aux crânes éclatés, trônait à l’entrée. Nous avancions vers celle-ci, la peur au ventre, et la faim aussi.

Ma main me faisait mal, et je ne pus m’empêcher de lâcher la lampe qui tomba sur le parquet en bois du couloir, dans un fracas qui brisa le silence.

Rien.

Aucune réaction au niveau de notre environnement.

Au moins, nous étions seules.

Nous atteignions la porte, défoncée et criblée de balles de gros calibre. Les cadavres étaient bien des zombies. Nous entrions prudemment. Deux cadavres de plus. Celui d’une femme d’une cinquantaine d’années, zombifiée, et celui d’un homme du même âge, dos à une armoire, un fusil d’assaut couleur camouflage désertique dans la main, un gilet pare-balles couvert de son sang, coulant encore de sa carotide tranchée par une puissante mâchoire et l’arrière du crâne défoncé par une arme contondante. Pas de trace de l’adolescent de 15 ans que je cherchais cependant.

« Putain de merde… » Dit Rainbow.

« Ouais, c’est horrible… » Ajouta AJ

« Mourir avec un SCAR-H dans les mains… Comment il a pu s’en procurer un ? » Fini la fille aux cheveux colorés. Elle s’approcha du cadavre et lui vola son fusil, ses quatre chargeurs et son gilet pare-balle avant de le juger plus fin que le sien et le laisser.

« T’es vraiment trop conne… » Commenta AJ

« Rectification : égoïste, je l’ai déjà dit je crois. Un gilet Fluttershy ?

— Sans… Sans-façon…

— Rainbow, je crois que t’as raison de jouer la sécurité, file-le-moi» avais-je répondu

Je l’enfilais, non sans dégout vu qu’il y avait des taches de sang encore fraiches dessus. La sécurité avant tout. Il était très léger, comme si ce n’était que du tissu, pas comme du kevlar, cependant, il semblait aussi résistant que celui de Rainbow.

Un long silence s’ensuivit durant lequel, on entendait un bruit de respiration, régulier et forcé, émanant de l’armoire, derrière le cadavre fraichement dépouillé.

Je déplaçais le corps, puis l’ouvrit.

Spike.

Le jeune homme était recroquevillé sur lui-même, tentant de stopper une hémorragie qui débutait à la base de son cou, du à une morsure. Il baignait dans son propre sang et tenait un marteau dont la tête était couverte de sang.

« SPIKE ! Merde, c’est pas bon, vraiment pas bon !

— Dé…so…lé… Twi…

— Non, ne parle pas, ne te fatigue pas…

— Tues… Moi… »

La demande était suffisamment explicite, cependant… Je… Je continuais à croire que ce n’était pas terminé pour lui.

« Il y aura un remède, on te soignera… Tu…

— TUES-MOI ! »

L’ordre venait de fuser, me paralysant tous mes membres. Il avait pris par ma main de la sienne ensanglantée le revolver, le tirant de son étui, mon doigt sur la détente.

« Les plans… Sur la table… Tire… Fais-le… »

Je n’arrivais pas à décrocher du regard cet enfant, pâle comme un linge, perdant son sang à vue d’œil, sa main sur le canon de l’arme, le canon sur son front. Il avait le regard froid, le même que celui de mes parents. Mes parents… Pourquoi étaient-ils ? Pourquoi étaient-ils morts ? Toutes ces questions… Je ne voulais pas que ça recommence…

« Tires putain, vas-y ! »

Tant de maturité… Du vrai gâchis… C’était mon ami, jamais je ne pensais en arriver là. C’était sa dernière volonté. La mort, pas la réanimation.

« Désolé Spike…

— Merci, Twi, bon voyage… »

Puis la détonation.

Un bruit sourd qui secoua tout le monde.

Le jeune homme s’effondra au sol, le crâne percé, les vêtements ensanglantés.

Je venais de le tuer… De sang-froid…

Mon seul ami…

Rainbow me prit dans ses bras. Je pleurais toutes les larmes de mon corps.

Je venais de le tuer… Et cette chaleur dans mon corps… Elle n’avait pas lieu d’être…

« Je suis là… Ne t’en fait pas Twilight… Je suis là… » Me murmurait-elle.

« Il a été mordu ? » Avait murmuré Fluttershy

« C’était la seule solution, sinon, il se serait transformé… » Lui répondit AJ « Condoléances, Twi… »

Elle prit une expression paniquée, comme si elle avait raté quelque chose. Quelque chose de fatal.

« Il n’y a pas de solution à ça ? Antibiotiques ?

— Fluttershy… » AJ se leva

« Plasmaphérèse ?

— Fluttershy… » AJ se rapprochait de plus en plus d’elle, son fusil dans la main.

« Saignée ?

— FLUTTERSHY ! »

Elle se paralysa, dos au mur.

« Où ? » Questionna AJ.

Elle hésita un moment, puis dévoila son épaule. Une magnifique cicatrice, dessinant une belle morsure. AJ leva son arme, dégagea la sécurité puis dit :

« Serre les fesses, je vais faire ça bien…

- STOP ! » Avais-je crié.

« Ne te mêle pas de ça, Twi. On ne sauve pas toujours tout le monde »

Me dégageant de Rainbow, je tirai. La balle s’encastra dans le mur, à quelques centimètres de Fluttershy

« Écoute-moi ! » Avais-je crié « Depuis quand tu as ça Fluttershy ?

— De… depuis… Depuis que tu m’as sauvé…

— Depuis 3 jours donc ?

— Ou… oui… »

AJ parut hésiter.

« Je croyais que la transformation durait 24 heures… » Déclara-t-elle « T’explique ça comment le génie ? »

Je creusais dans mon cerveau encore chamboulé.

« Une immunité naturelle… Elle serait immunisée naturellement au truc qui zombifie… Et ça explique la prime de l’AUDEC, elle aurait le vaccin en elle !

« Merde… » Ajouta AJ « J’ai failli faire une belle connerie. »

Elle baissa son arme et s’excusa.

Je soupirais de soulagement. Je pris ensuite la carte sur la table et annonça :

« Je sais où on va dormir ce soir. J’espère que vous aimez dormir à la belle étoile… »

Le moment où elles sont dans le couloir, ça aurait pu faire une putain de scène flippante, genre le faisceau de la lampe voit le cadavre, une des filles tire une rafale avant de s'apercevoir que c'est un cadavre mort.
L'autre passage, c'est la mort de Spike. Un piti flash-back ou un autre moyen de rendre ça plus intense et la décision de Twi plus dure à avaler, ça aurait pas été de refus. Ou alors, c'est lié au fait que j'écoute une musique joyeuse et que je suis pas dans l'ambiance...

A part cet aspect un poil trop rapide, j'aime