__L’espace.
__De tous temps, l’espace fut une source inépuisable d’inspiration. Par ce que l’on en savait, ce qu’on pouvait en voir, mais surtout par ce qu’on ignorait de lui. Ce sont les mystères nés de ces fantasmes qui ont façonné les aventures.
__D’abord une toiture sombre et incrustée de pierreries, puis une vaste masse de vide au centre de laquelle flottait la Terre ; même à l’heure où les premières fusées et premières créatures fuyaient le sol ferme et sûr de la planète natale, et encore aujourd’hui alors que naviguent sur des années-lumière les différents vaisseaux de la Fédération Pangalactique… non, l’espace n’a jamais été compris pleinement par l’humanité.
__Mais chaque jour qui passe, nous le connaissons un peu plus.


Message de l’auteur :
__« Peut-être le titre de cette fiction vous a interpellé, car composé de deux termes bien spécifiques ; il ne laisse que peu de doute sur le contenu de ce récit. Vous connaissez au moins l’un de ces termes, sans quoi vous ne seriez pas ici : "Equestria", qui démontre déjà, en effet, le lieu où se déroulera une bonne partie de l’intrigue. Le second est sans doute moins connu… "Star Ocean" est une série de jeux vidéo à la base éditée par Enix prenant place dans un univers futuriste de Space Opera où l’humanité commence à explorer l’espace et à s’étendre dans la galaxie ; chaque épisode suit certains de ces explorateurs interplanétaires.
__Star Ocean : Equestria est donc par définition un crossover des deux, cependant avec des personnages originaux du coté de Star Ocean (ce qui explique l'absence du tag [Crossover]).
__Par prévention, je tiens à dissiper les doutes concernant la nature même de l’histoire ; il ne s’agit pas d’une fiction comme par exemple Fallout : Equestria où l’univers des poneys prend les traits de celui de Fallout, mais bel et bien un mélange des deux univers. C’est-à-dire que, sans vouloir spoiler, l’humanité spatiale et nos poneys magiques se rencontreront. Je conçois que cela n’est pas aux goûts de tous, j’ai moi-même du mal avec la plupart des écrits de ce style. Mais n’adoptez pas un comportement de Hater ; avant de quitter ce sujet en maudissant ma descendance sur vingt-cinq générations, il faut que je te dise à toi, lecteur, que je ferai tout mon possible pour rendre par écrit toute la maturité, toute la surprise, toute l’appréhension, bref tout l’intérêt de cette rencontre entre deux espèces si éloignées.
__Et maintenant, si vous êtes toujours là, veuillez vous asseoir et boucler vos ceintures, notre appareil va effectuer le Saut dans… dix ; neuf ; huit… »



01 - Space

__Les gigantesques réacteurs à antimatière du Cole rugirent dans le silence vide de l’espace, propulsant sans peine la frégate au large de la station spatiale Alya-601 où elle était affectée. Cette base était l’un des avant-postes les plus avancés de la Fédération Pangalactique, et en conséquence bénéficiait d’un système de défense à la pointe de la technologie régulièrement mis à jour. Le revers de la médaille consistait en sa position en zone semi-sécurisée, qui lui devait de nombreux appels de détresse et plus rarement de quoi tester son fameux système défensif sous la forme d’attaques directes -ou non- de l’Empire Aldian. Mais la Fédération tenait fermement cette position stratégique.
__A propos des appels de détresse en revanche, vingt-quatre frégates se relayaient les départs en urgence afin de porter secours aux trop nombreuses victimes d’avaries, d’accidents ou d’attaques en tous genres. Plus largement, les équipages de la Fédération avaient pour ordre de « maintenir dans le secteur une présence militaire sécurisante pour les populations de la Fédération », ce qui englobait également un certain nombre d’enquêtes sur les différents phénomènes spatiaux… naturels ou non.
__C’était justement ce pourquoi partait le Cole. Cette frégate, dernier modèle de la classe Ronyx, était équipée des dernières avancées en ingénierie spatiale, tant en propulsion et communication qu’en équipement militaire. Système défensif laser accru, blindage semi-lourd et divers phaseurs et torpilles ; elle possédait en outre un canon à Création, le type d’arme le plus puissant de la Fédération à ce jour et officiellement en service depuis moins de dix mois standards. Cela cependant, pouvait ne pas suffire à assurer la sécurité du vaisseau et de son équipage lors de cette sortie en zone inconnue… Il s’agissait pourtant d’une mission sans engagement avéré ; un navire civil de transport de marchandises, le Domion, avait subi une vague d’avaries importantes - mais courtes et finalement réparées au bout de quelques heures - en traversant une zone à priori stable, et avait capté des échos inhabituels juste avant le phénomène. Le commandement avait donc ordonné une enquête ; ainsi le Cole, à quai depuis près d’un mois, était tout désigné pour cette mission.
__L’immense vaisseau stellaire faisait route en direction de l’origine supposée des signaux non-identifiés, et avait déjà disparu des baies d’observation de la station spatiale.

__« Coordonnées calculées, prêt pour le Saut, annonça le pilote assis à son poste devant le siège du capitaine.
- Attendez une seconde, répondit ce dernier en ouvrant le canal d’annonce interne de la frégate. A tout l’équipage, ici votre capitaine. Notre vaisseau va maintenant s’engager dans une zone spatiale inexplorée. Nous ne savons pas ce qui peut nous attendre à l’autre bout de l’espace. Nous ne pouvons… que donner le meilleur de nous-même, en toute circonstance. C’est ce que j’attends de vous. »

__Il marqua un temps.

__« Paré pour le Saut. Bonne chance à tous, terminé. » Puis il coupa le canal.

__L’officier en second, homme de taille moyenne maigre et sec, lança la procédure sur un signe de tête de son supérieur, sur le même canal d’annonce : « Attention pour le Saut ; entrée dans cinq ; quatre ; trois ; deux ; un… Déclenchement du Saut. »
__Sur ordre du pilote qui maniait les commandes de la distorsion spatiale, le Cole se mit à vibrer fortement durant quelques secondes, balloté par les forces immenses qui s’entrechoquaient autour de lui, avant que chaque membre de l’équipage ne se colle à son siège à cause de la vitesse ahurissante qui était désormais la leur. Et tout redevint normal. Le Cole était passé dans l’espace WARP.
__Le capitaine Kenneth sourit alors d’un fin retroussement des lèvres qui se voulait confiant et rassurant à l’équipage de commandement, dont chaque membre le regardait plus ou moins en biais ; son bouc grisonnant parfaitement taillé suivit le mouvement, comme en écho avec les cheveux qui encadraient ses tempes. C’était une habitude qu’il avait prise, depuis les douze années qu’il avait été nommé capitaine, que de faire un bref discours d’encouragement à tout son équipage, placé sous sa responsabilité. Cela l’aidait lui-même à gérer ce stress qui ne le quittait pour ainsi dire jamais, et ses hommes s’y étaient si bien habitués qu’il leur paraitrait étrange de ne pas avoir ce petit mot de départ, signe de mauvais augure pour la mission… Comme si le capitaine lui-même l’avait jugé inutile dans une situation désespérée. Et ici, il n’y avait pas de quoi s’alarmer ; les capacités furtives du Cole suffisaient largement à cacher sa présence aux ennemis de la Fédération.
__Non, Le capitaine Kenneth, s’il ne partait désormais plus pour des missions de routine, possédait le bâtiment, l’équipage et l’expérience nécessaires pour mener à bien une enquête comme celle-ci. Il n’avait pas de quoi s’inquiéter. Il connaissait bien l’espace et avait toujours su réagir comme il le fallait. Pas de quoi s’inquiéter.

__Ces pensées étaient inconsciemment partagées par la majorité de l’équipage, ceux qui avait déjà servi sur le Cole, dont le sergent de maintenance Sanderson. A la tête d’une équipe de mécaniciens et ingénieurs spatiaux, sa mission première était de veiller au bon fonctionnement des systèmes principaux du Cole, de la gestion de l’énergie jusqu’au système de défense en passant par la propulsion et l’armement, en bref, tout ce qui était vital à la frégate.
__Ce vétéran avait été affecté au Cole six mois après sa mise en service alors que son prédécesseur avait péri lors d’une escarmouche, et depuis six ans ne l’avait plus quitté. Il le connaissait par cœur, et savait généralement quoi faire avant que les choses ne tournent mal. C’est donc l’esprit tranquille et confiant qu’il boucla sa ceinture alors que le vaisseau passait en WARP, se disant que son capitaine pouvait compter sur lui et sur tous ses hommes pour maintenir le navire à flot aussi longtemps qu’il l’ordonnerait.

__Ce que personne dans cet appareil ne savait… c’était que la Célébration du Soleil d’Eté approchait.

02 - Celestia

__La magnifique Canterlot, citée incrustée dans la montagne, était en totale effervescence alors que les festivités du solstice approchaient à grand pas. Même si cette année l’attention devait être porté sur Ponyville où serait présente la souveraine, la fête avait toujours lieu partout en Equestria. Comme se le disaient les poneys entre eux, le soleil était le même pour tout le monde. La princesse Celestia souriait lorsqu’elle entendait ce genre de propos. Un sourire d’aise, lui rappelant que la vie de ses sujets n’était pas si compliquée… Elle s’en félicitait, la plupart du temps.
__Pour elle, actuelle régente d’Equestria, la vie n’avait rien de vraiment simple. Si elle était heureuse de voir l’épanouissement et la joie de vivre des poneys placés sous sa protection, leur candeur était comme un doux coup de masse lui martelant sans cesse l’époque où elle aussi pouvait jouir de tout cela… Lorsqu’elle était encore là. Celestia soupira. Le jour arrivait, de toutes manières, où cela cesserait enfin. Mais à quel prix ? Elle l’ignorait totalement.
__Il y avait tant de chose qu’elle ignorait, finalement. Même si aucune créature d’Equestria ne possédait un dixième de ses connaissances, les frontières de celles de Celestia la limitaient beaucoup trop à son goût. Elle n’hésitait certes pas à placer sa confiance en d’autres personnes, comme elle prévoyait de le faire d’ici à peine quelques jours, mais ce qui la dérangeait vraiment était de ne pas connaitre le but, la finalité de tout ce qui se passait, et qui seuls pouvaient lui faire comprendre comment agir. Elle se fichait d’avancer à l’aveuglette si cela la menait quelque part. Mais elle refusait simplement de pousser ses sujets les plus dévoués dans un précipice masqué…
__En fait, Celestia avait peur. Peur que ses estimations soient erronées, peur que la tranquillité qui s’était installée parmi tous ces poneys débordants de vie soit balayée par sa faute. Peur d’envoyer Twilight Sparkle droit vers la mort.
__Celestia, lorsqu’elle avait identifié ce sentiment, s’était questionnée sur sa provenance, et avait rapidement trouvé la réponse ; au fond d’elle-même, elle savait que ce qui était arrivé il y a déjà si longtemps en Equestria, si longtemps que même les plus vieux livres ne s’en rappellent que bien mal et d’un souvenir qui s’effrite et tombe en poussière, ne pouvait pas simplement être le fruit des entités qu’elle avait connu alors. Au fond d’elle-même, une ultime sensation s’accrochait, refusant de céder au temps.

__Alors qu’il se tournait vivement vers elle, et que l’Inconnu continuait d’avancer, au loin… Celestia levait les yeux vers le ciel étoilé.
« Il va pourtant falloir stopper cela, » disait-il sans le moindre tremblement dans la voix. Celestia l’approuvait lentement. Elle ne l’écoutait qu’à moitié, en vérité. Sa corne vibrait, doucement. Elle se demandait pourquoi il ne le sentait pas.
« J’y vais, » lançait-il sans appel alors qu’il s’envolait. Elle, cherchait d’où cela venait. Du ciel, mais elle ne distinguait rien… et c’était faible. C’était loin. Mais c’était aussi puissant, et beaucoup trop près. Elle secouait la tête alors que la sensation glissait en elle sans qu’elle puisse la rattraper… Elle savait que ça n’annonçait rien de bon pour eux. Alors seulement, elle mesurait les paroles qu’elle venait d’entendre et tournait le regard dans sa direction supposée.
« Hein ? Non, ne fais pas ça ! Reviens ! » Il n’était plus en vue.

__Celestia ferma les yeux pour chasser ces relents d’une époque révolue. Elle en avait terminé avec cela, totalement terminé. Elle en avait terminé elle-même et rien depuis cette époque n’avait troublé Equestria comme alors. Comme elle se le disait à chaque fois qu’une pointe de mélancolie perlait à son cœur ; elle devait maintenant se tourner vers l’avenir. L’avenir proche désormais inéluctable et pour lequel elle devait être prête et forte ne pourrait se passer d’elle. C’était sa responsabilité. Pour ses sujets, et pour eux, les autres… pour lui… Pour Luna.


__Le sergent Sanderson, bien que n’étant pas réellement de garde à la maintenance, ne pouvait s’empêcher de faire un tour du côté des moniteurs de service pour vérifier l’état global de l’appareil dont il avait –partiellement – la charge. A cet instant, il naviguait vers les dossiers des vieux rapports d’avarie WARP qu’avait pu connaitre le Cole. Un seul fichier pour lui, d’aucune utilité puisque causé par une série de tirs de phaseurs ennemis. Or la frégate n’avait plus subi d’escarmouche depuis un certain temps ; et de toutes manières avait été entièrement remis à neuf bien avant le départ.
__Il grommela.

__« T’es en train de te rendre malade pour rien, sergent, fit une voix derrière lui.
__- La ferme, Carry. » Le dénommé Carry, un grand type aux cheveux dorés coupés à la nuque, lui tapa dans le dos en lançant un sourire insolent.
__« Non, mais sérieusement. C’est même pas notre quart, et t’es déjà en train de te bousiller la santé à chercher la solution d’un problème qui n’existe pas.
__- Je fais bien ce que je veux, répondit l’intéressé en lui jetant un regard torve. Qu’est-ce que ça peut te faire ?
__- On allait se faire une belote avec les autres. On trouve pas Jake, il nous manquait un joueur, annonça-t-il avec son air le pus faussement innocent. Quoi ? reprit-il en avisant la mine du sous-officier, c’est vrai !
__- Mouais… bon. Admettons, » lança-t-il, peu convaincu.
__Presque à regret, il quitta l’ordinateur et suivit Carry qui ricanait joyeusement. Enfin… en espace WARP, et hors d’une quelconque situation de combat… que pouvait-il arriver d’imprévu ?

03 - Tension

__« Mon lieutenant, heu… on a comme un imprévu, annonça le pilote du Cole à l’officier en second d’une voix un peu tendue.
__- De quel ordre ? » Celle du lieutenant Park était plus mesurée, comme on pouvait s’y attendre en observant ses solides états de service.
__« Au niveau de la navigation, lieutenant, le module me signale des anomalies de vitesse et de direction dans l’espace WARP. Je transmets, dit-il en pianotant sur son clavier.
__- Je vois, répondit le lieutenant d’un ton égal, ses yeux relisant sans cesse le rapport d’erreur. Réduisez la vitesse de quatre pourcent. Je passe en code Bleu. »

__Lorsque le capitaine entra dans la salle de commande, la plupart des officiers étaient déjà à leurs postes, la vitesse WARP était réduite autant que possible et les équipes de maintenance en faction ne parvenaient pas à trouver l’origine de ces défaillances. La situation avait évolué en code Orange.
__« Capitaine, attaqua l’opérateur de timonerie, on se met à dévier de plus en plus, le recalcul est en cours, mais les données sont trop instables !
__- J’ai réduit la vitesse, mais d’après le navigateur, on va encore beaucoup trop vite… Je ne comprends rien à ce qu’il se passe, » continua le pilote. Kenneth hocha la tête, les sourcils froncés.
__« A quel point la situation est-elle différente de nos prévisions ? questionna-t-il, à l’adresse de tous ; c’est son second, Park, qui lui répondit.
__- Le navigateur affiche une vitesse environ une fois et demi supérieure à la norme, ainsi qu’une déviation du trajet originel de presque douze U.A. vers le point Bêta. » Un schéma animé apparut alors sur l’écran principal pour appuyer ses dires, et la courbe rouge qui se tordait vers la gauche contrastait de manière effrayante avec la droite bleue qu’ils auraient dû suivre. Kenneth étouffa une grimace. « Si on continue sur cette voie-là, on peut dériver vers des zones non sûres, et en admettant qu’on y parvienne vivants, à des années-lumière de notre destination, et…
__- Capitaine ! le coupa un opérateur interne sans quitter des yeux son écran de contrôle, l’équipe de maintenance 5 nous rapporte une défaillance technique dans le réacteur WARP qui chauffe dangereusement sans raison apparente !
__- Baisse de puissance générale boucliers déflecteurs abaissés à soixante-dix pourcent, » lança un autre presque instantanément, et la tension dans la salle de commande monta encore d’un cran.
__Comme pour souligner ces dernières paroles, un choc raisonna comme un glas dans la cabine, et certainement dans l’appareil tout entier, durant de longues secondes.
__« Choc mineur non identifié, fuselage bâbord de proue légèrement endommagé, analysa un sous-officier tendu par le stress. Sans doute une particule isolée mal déviée. » Le capitaine se passa la main sur le visage.
__« Nous allons devoir effectuer une sortie de Saut d’urgence. Lancez un appel à l’équipage et passez toutes les équipes en stand-by.
__- Paré pour la sortie de Saut d’urgence, » dit le pilote qui n’avait retenu que ça, pressé d’en finir.
__Un nouveau choc secoua la frégate. L’opérateur qui passait l’annonce interne marqua une pause, inquiet, et une goutte de sueur perla à la tempe de Park.
__« Mon capitaine, le scanner est brouillé sur une dizaine d’U.A., droit devant nous… on va naviguer en aveugle !
__- Il faut sortir de Saut immédiatement, réagit vivement l’officier en second en se retournant à moitié sur son siège, vers son supérieur.
__- Attendez encore un peu. Les derniers relevés étaient parfaits concernant notre direction… Si on s’arrête maintenant, nous perdrons trop de temps. On s’approche d’une zone susceptible de nous en apprendre plus sur ces signaux inconnus, et je suis persuadé que ces avaries ont un rapport avec celles du Domion, et même avec toutes celles de sa zone dont n’avons jamais repéré la cause. A ce propos, pas de nouvelles ?
__- Rien d’anormal ici, mon capitaine, répondit un sous-officier d’une petite voix, on ne capte rien.
__- On attend, » conclut donc le capitaine.

__Le silence pesa lourd sur la cabine durant deux bonnes minutes, troublé seulement par l’oppressent martèlement des quelques particules qui frôlaient la coque à une vitesse ahurissante ; et à une moindre échelle par le cliquetis plus ou moins régulier d’un ou deux claviers qui s’affairaient à réparer –ou plutôt à maintenir en état de marche relatif- les outils de bord défectueux. L’officier en second essaya de nouveau de convaincre son supérieur, qui ne voulait rien entendre.
__« Sortie de la zone Thêta-B5, entrée en I-B57.
__- Zone inconnue sans scanner, mon… attendez, s’interrompit le timonier. On dirait que le scanner refonctionne. Je ne vois pas grand-chose, c’est… bizarre.
__- On maintient encore dix secondes avant la sortie de Saut, » décida Kenneth en tiraillant sur ses poils de moustache.
__Ces dix secondes furent sans doute les plus longues de leur vie, pour chaque membre de l’équipage de commande. Le compte-à-rebours qu’avait affiché le capitaine sur l’écran central, implacable, semblait leur indiquer le temps qu’il leur restait à vivre. S’ils vivaient jusqu’à la fin.
__« Hé, qu’est-ce que… Quelque chose droit devant nous, capitaine, mais rien de précis, je ne sais pas ce que c’est… » Le zéro pointa finalement, et sans plus attendre, le pilote stoppa la distorsion sur ordre de Kenneth, qui étouffa un juron en voyant son appareil sortir de Saut à grande vitesse à la lisière d’un champ d’astéroïde.

__Une seule seconde d’hésitation pouvait mener l’ensemble de son équipage à la mort, aussi le capitaine ne s’autorisa pas le luxe de la surprise.
__« Manœuvre d’évasion, réduisez la vitesse ! Toute la puissance restante dans les déflecteurs avant, on passe en code Rouge ! Code Rouge ! Tout le monde à son poste, phaseurs avant en position de tir ! Pilote, évitez celui-ci par tribord et restez dans l’axe, le champ y est moins dense, » continua-t-il moins fort, mais tout aussi tendu, sourcils froncés et doigts crispés. Un éclat explosa contre le blindage magnétique et secoua le navire.


__L’alerte collision retentissait dans toute la frégate. L’équipe du sergent Sanderson était en stand-by sur le pont Deux, prête à intervenir là où on le lui indiquerait.
__Carry ne riait plus vraiment maintenant ; et pas seulement à cause du regard que lui avait lancé le sergent qui semblait signifier "T’as vu, je savais bien qu’il y aurait un problème." Non, il avait l’habitude de l’humeur parfois irascible de son chef d’équipe. Carry avait simplement peur. Comme tout le monde. Cependant il n’avait pas rejoint l’équipage du Cole pour rien, et son corps entier était tendu afin de pouvoir répondre présent au moindre ordre, ne serait-ce que renouer les lacets du capitaine, alors qu’il se remémorait de tête les gestes de sécurité en environnement spatial. Il se passa de longues minutes de secousses, échos et craquements… Manifestement, les tirs de phaseurs ne parvenaient pas toujours à dévier les objets célestes de leur chemin.
__Il glissa un œil à droite et chercha un visage. Là, planquée derrière Jake et Limm’, Elsa tapotait des doigts sur le sommet du casque qu’elle enserrait dans son bras gauche. Elle le regarda à son tour, ses fins cheveux blonds dansants autour de son visage maigre. Ils ne se dirent rien, car il n’y avait rien à dire, mais la même anxiété, la même résignation et le même courage les pétrissaient. Un grand choc et son écho retentirent, immédiatement suivi par une forte secousse.
__Un caporal qui monopolisait le moniteur prit la parole.
__« Il y a une baisse de pression pas loin du troisième pont secondaire, à bâbord. » Lui aussi réussissait à garder son sang-froid. Il allait certainement falloir bouger… La nervosité le raidit de plus belle.
__Mais c’était leur boulot.


__« Capitaine, nous sortons du champ d’astéroïde, c’est le dernier, lâcha le pilote comme un soupir.
__- Enfin, dit Kenneth, relâchant les épaules et fermant brièvement les yeux. Rapports d’avarie…
__- Nous avons essuyé seize collisions au total, dont quatre directes. Dépressurisation importante aux abords du pont Six ; baisse de régime importante également dans le second générateur, son blindage externe est endommagé… peut-être ouvert. Le réacteur WARP ne refroidit toujours pas, mais s’est stabilisé. Divers impacts mineurs.
__- Seize collisions… C’est un miracle que l’on avance encore. Envoyez… qui reste-t-il ? les équipes 2, 4 et 7 sur place. »
__L’opérateur eut l’air embarrassé, et se tourna vers le capitaine.
__« Le couloir en direction du pont Six est en feu, mon capitaine… »


__« Sergent Sanderson, on vous demande au moniteur. La salle de commande. »
__Les quatre autres paires d’yeux de l’équipe 4 le braquèrent instantanément. Sanderson, lentement, se leva, se doutant de l’ordre qu’il allait recevoir, et se dirigea vers le poste. Une tête coiffée d’un béret blanc étoilé d’or l’y attendait. Il salua en s’annonçant.
__« Sergent Sanderson, le générateur 2 est endommagé et nécessite une réparation d’urgence. Sauf que l’accès est bloqué. Vous allez devoir passer par l’extérieur. » Son regard semblait s’excuser de donner un tel ordre, cependant, son ton était sans appel. « Bien mon lieutenant, s’entendit répondre Sanderson.
__- Nous détachons un pilote pour vous y conduire. Vous prenez la navette numéro sept. Le chef mécanicien vous briefera en route. Bonne chance, sergent. » Il salua, et la conversation coupa. En tournant la tête vers son équipe, il vit à leurs mines qu’il n’avait rien besoin de répéter.

__En arrivant près des quais de lancement des navettes, trois hommes s’approchèrent. Parmi eux, le chef mécanicien.
__« Votre équipe entame la mission la plus périlleuse à ce stade, sergent. Je reste avec vous par radio pendant toute la mission, quoi qu’en disent les gradés. » Un sentiment de reconnaissance apaisa un peu l’angoisse de Sanderson. « Voici votre pilote, continua-t-il en introduisant un jeune homme d’une vingtaine d’année au plus, les cheveux châtains en bataille, dont le sourire posé détendait étrangement ceux qu’il regardait. Il s’appelle Duart. Quant à lui, c’est Ellis Raine. Il est physicien, spécialiste en propulsion à antimatière. Puisque vous allez effectuer une réparation difficile et peu commune, il va vous accompagner pour minimiser votre temps dans l’espace.
__- Enchanté, lança le scientifique sans en avoir l’air du tout, avant d’échanger une poignée de main avec le sergent. Je vous préviens immédiatement ; une fissure sur le blindage externe juste à côté de notre panneau de contrôle d’urgence, en espace profond entre deux véhicules en mouvement… ça ne va pas être facile. Il faudra en même temps nous charger de la fissure avant que le champ de force ne cède et que l’antimatière nous explose à la figure et réduise le vaisseau en cendre.
__- C’est grave à ce point ? s’alarma Sanderson.
__- Pas encore, mais mieux vaut éviter de tenter le diable.
__- La navette est parée, chef, » annonça un mécanicien, coupant court à la discussion.

04 - Our dream

__Ils embarquèrent. Le véhicule aurait pu être assez spacieux sans le matériel de réparation entreposé dans la soute avec les hommes. Duart s’assit au poste de pilotage avec assurance, sans personne à sa droite. Une navette de cette taille pouvait largement s’en passer. Les autres bouclèrent leurs casque et combinaisons alors que le jeune homme verrouillait le sas de la navette en premier lieu, puis celui menant à la cabine. Ils ne communiquaient plus que par radio.
__L’ampoule rouge vira rapidement au vert, leur donnant l’autorisation de décoller. Ce dont Duart ne se priva pas, avec maitrise et précision. « On est partis, fit-il d’une voix étonnamment ferme. Ce n’est pas vraiment loin, on y est dans cent soixante secondes. Je lance la dépressurisation quand vous êtes prêts, faites-moi signe.
__- On est bon, Duart, tu peux y aller. » Le jeune pilote acquiesça et, petit à petit, vida la soute de tout l’air qu’elle contenait dans les caissons de la navette, entièrement hermétiques. Les combinaisons spatiales et réserves personnelles prirent le relais, et plus personne ne parla afin d’économiser ces dernières. Le chef mécanicien lança un appel depuis le Cole, leur rappelant en détail ce qu’ils devaient faire, sous la direction de Sanderson, alors que Duart déployait les ailerons de propulsion. Puis arriva le moment de sortir dans l’espace. La navette se mobilisa à quelques mètres de la coque de la frégate, et Duart rouvrit le sas de la soute, qui donnait désormais sur le noir profond et silencieux de l’espace. Bien que la situation ne se prêta pas vraiment à ce genre de détails, la vue était absolument fantastique.
__Les astronefs humains se trouvaient à quatre ou cinq centaines de kilomètres seulement d’une superbe lune en tout point semblable à celle de la Terre, mis à part que les différents cratères semblaient y dessiner quelque chose… d’indéfinissable. Chacun y voyait ce qu’il voulait.
__« Contrôle, lança Sanderson à travers son micro, heu… sommes-nous à proximité d’une planète ?
__- Affirmatif Navette Sept, on passe en orbite autour pour se stabiliser… Vous êtes aveugles ou quoi ? »
__En effet, derrière eux, de sorte que seul Duart, qui leur tournait le dos dans la cabine, avait dû y faire attention, se trouvait une immense boule bleue tâchée de quelques continents, et derrière encore, une étoile, non, un Soleil à moitié dissimulé derrière la masse de roche en orbite qu’était cette planète… qui illuminait la scène d’un éclat blanc comme seul un soleil peut le faire. A la vue de ce monde nouveau, manifestement totalement inexploré par l’homme puisque situé en zone inconnue, une émotion étrange et bienfaisante envahit Sanderson, Carry, et l’ensemble de ceux qui observaient le spectacle ; même Raine. Parce que c’était pour ça qu’ils avaient tous intégré la flotte de la Fédération Pangalactique ; c’était là la seule chose qui suffisait à combler les heures d’entrainement passées sur Terre et dans l’espace ; c’était là tout le salaire qu’ils demandaient… Savoir qu’ils ne sont pas seuls. Que la vie prolifère, partout, sous toutes formes ; et que le simple fait d’être là pour le constater est déjà merveilleux.
__« Allez, tous… Au boulot. »

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