“Bam !”
De nombreuses pommes churent de l’arbre, sous mes coups répétés contre ce dernier. J’avais commencé la récolte le matin même et, alors que la nuit tombait, je tombais de fatigue. BigMac, Granny Smith et AppleBloom devaient sûrement m’attendre. Du coup, je commençais à repartir vers la grange, en tirant un énorme chariot rempli du produit de mon travail. Un sourire aux lèvres, je pensais au lendemain : le pic-nic annuel de la famille Apple ! Énormément de monde allait se retrouver sur une colline non loin du verger. D’un coup, je tressaillis. C’était à moi, cette année, de m’occuper des desserts ! J’aurais voulu demander à Pinkie de m’aider, mais j’avais complètement oublié, accablée par le travail à accomplir. Qu’allait dire la famille Apple toute entière ?

“Que dois-je faire ? Aller voir Pinkie Pie, malgré l’heure tardive, ou proposer à ma famille des pommes simples ?”

Évidemment, ce n’était pas possible de proposer des pommes simples, car il fallait que ce soit des plats un minimum cuisinés. Et puis, je serais passée pour une radine. En entrant dans la grange, il me vint une idée.

“Je vais aller lui demander de juste me donner la recette ! Je retournerai ici après, et je ferai les tartes seule. Ainsi, je ne la dérangerai pas trop.”

Une fois cette décision prise, je déposa la plupart de mes pommes dans un stock, et partie vers Ponyville. C’était le crépuscule, et le peu de soleil qui pointait à l’horizon délivrait une douce lumière sur la campagne entourant la ville. À l’intérieur de cette ville, d’ailleurs, les magasins fermaient un à un, et moi, quelques pommes dans ma sacoche, m’aventurait dans la plus grande allée. Juste devant, mon objectif : le Sugar Cube Corner. Celui-ci, comme la plupart des boutiques, était fermé. Mais je savais que Pinkie serait chez elle car aucun évènement ne se déroulait ce soir.... D’ailleurs, elle était morose depuis quelques temps, et n’avait même pas organisé de fête en l’honneur d’Angel le lapin de Fluttershy, alors que c’était pourtant son anniversaire. Peut-être avait-elle des ennuis ? Je choisis de résoudre le problème qui rongeait apparemment Pinkie, si je le pouvais.

“Toc-Toc”

Je venais de frapper à la porte du magasin. Pinkie Pie était sûrement seule, et devait tester une nouvelle recette de muffins. Elle se retourna et se demanda qui pouvait bien venir à une heure pareille. Elle voulut lancer à travers la porte un “On est fermé, désolé !” mais se ravisa bien vite. En temps normal, elle serait allée ouvrir promptement, en espérant voir ses amis. Il fallait qu’elle fasse semblant.
Il ne fallait pas que ses amies découvre son secret, pas encore.
La ponette se déplaça donc jusqu’à la porte, et l’ouvrit pour me découvrir, toute souriante.

“ Salut Pinkie !
–Oh, bonjour, AppleJack ! Qu’est-ce que tu viens faire ici à cette heure ? Il est tard !”

La ponette rose avait repris son air guilleret qui lui convenait si bien.

“ J’ai besoin de ton aide. Tu vois, sucre d’orge, je dois faire des tartes pour la réunion de la famille Apple, qui a lieu demain, mais j’ai complètement oublié, et je suis en retard, du coup.
–Tu veux qu’on fasse des tartes ensemble ! C’est une très bonne idée !
–Non, je pensais plutôt que tu …
–Suis-moi, Gummy et moi adorons faire la pâtisserie !”
AppleJack suivit donc son amie à la cuisine.

Pinkie sautillait, comme à son habitude, au lieu de marcher. Je la suivais, de près, en me disant qu’après tout, elle ne devait pas aller si mal.
Une fois à la cuisine, la pâtissière commença à faire sa pâte feuilletée. Elle la perça de plusieurs trous pour faire passer l’air, puis posa de fines rondelles de pommes sur toute la superficie du plat. Je suivais les mouvements de mon amie avec attention, pour pouvoir refaire la recette plus tard. Mais la ponette rose continuait de faire des tartes, même après avoir mise la première au four.

“Sucre d’orge, j’ai vu comment faire un tarte, je pense que tu n’a pas besoin d’en faire cinquante. J’en ferais d’autres chez moi.
Pinkie se retourna presque violemment vers moi.
“Je compte bien en faire d’autres ! La dernière fois que tu t’es mise à la pâtisserie, tu avais rendu Ponyville malade !”

Je m’amusais de ce souvenir. Je n’avais pas été dans mon meilleur état ce jour-là, mais j’en riais désormais. Du coup, j’acceptai de bonne grâce l’aide de mon amie.

Nous passâmes plus de deux heures à faire de nombreuses tartes pour la réunion de la famille Apple. Deux heures de cuisine amusantes, animées par les blagues de Pinkie Pie, et ma bonne humeur.

Alors que on attendait que les dernières tartes cuisent dans un grand four, on buvait chacune une grande tasse de chocolat chaud.

“Pinkie, j’ai une question à te poser.
-Je t’écoute. Tu peux tout me dire, tu sais. Je sais garder un secret !” dit-elle d’un ton enjoué.
“-Je pense que c’est plutôt toi qui a besoin de te confier.”

La ponette rose me regarda d’un air des plus intrigués.

“Comment ça ?
–Depuis quelques jours, tu te comportes bizarrement...
–Je ne vois pas de quoi tu parles, vraiment !” Elle me regardait avec un air qui se voulait sérieux.
Mais je savais qu’elle cachait un secret, bien enfoui.
“Sucre d’orge, on se connaît depuis maintenant un long moment. S’il te plaît, dis-moi ce qui ne va pas.” Pinkie s'écartait un petit peu de moi, désormais. Sûrement avais-je touché un point sensible.
“Tu n’as pas à avoir peur, vraiment. Je te soutiens, tu sais...
–Je ne comprends pas, AppleJack ! Que t’arrive-t-il ?”
Je savais que c’était le bon moment. Je posai un sabot sur son corps.
“Je sais que tu m’aimes, et je suis prête à accepter cet amour.”
La suite fut assez rapide, il faut dire. Je me suis prise une poële à frire en plein dans la tête, et je dois avouer que cette expérience était quelque peu douloureuse, mais c’était peut-être la façon qu’avait Pinkie de m’aimer, qui sait ?

À ma grande surprise, je fus mise à la porte quasi-immédiatemment, avec dans un petit chariot prêté par mon amie les tartes toutes chaudes. Alors que je me retournais pour voir Pinkie, celle-ci claqua la porte, et lança un “Reviens demain, quand tu sera calmée !”

L’amour est une chose si merveilleuse....

Cela faisait maintenant deux jours que j’avais repoussé les “avances” d’AppleJack. En fait, tout ceci était vraiment... bizarre. La vie était calme, avant. Trop calme pour moi, évidemment. Il est vrai que j’aurais bien aimé voir de l’action, mais là....
Enfin... du coup, mes relations avec AppleJack était plus tendues que d’habitude, même si elle ne s’en rendait pas forcement compte. Elle était persuadée que je l’aimais, et qu’elle me faisait une fleur de me rendre mon “amour”. Je n’ai jamais voulu m’engager dans un truc pareil ! Certes, je l’aimais, mais seulement comme une amie ! Et je ne voulais vraiment pas la blesser. C’est la première fois que je suis confrontée à ce genre de problème. Je veux dire, je ne sais pas quelle gymnastique mentale AppleJack a fait pour se convaincre que je l’aimais, mais ça prouve qu’elle m’aime vraiment. Ah, que faire ?

“Pinkie, tu es là ?
–Qu’y a-t-il, Twillight ?”

La licorne violette venait d’entrer au SugarCube Corner, et s’approchait du comptoir, derrière lequel je ruminais mes pensées peu avant.

“Pinkie, je viens de croiser AppleJack...”

Mince, ça s’annonce mal, pensais-je.

“Elle m’a dit que vous sortiez ensemble, c’est bien ! Je suis très contente pour vous deux !”

Je me donna alors assez violemment un coup de sabot sur la tête.

“Il y a eu un malentendu, Twillight. Avant-hier, AppleJack est venue chez moi pour me demander de lui faire des tartes....”

Je lui raconta alors toute l’histoire, et ma théorie sur son amour pour moi qu’elle ne peut contrôler, et qu’elle imagine comme un fantasme de situation inversée, ou un truc comme ça.
Du coup, Twillight avait l’air assez inquiète, parce que ça voulait dire qu’AppleJack avait énormèment changée. Surtout si elle lui avait menti !

“Pinkie, as-tu une idée de ce que ça veut dire ? Elle est tellement obsédée par toi, qu’elle se créée un univers dans sa tête rien que pour être avec toi ! C’est très dangereux pour sa santé mentale. Cela peut entraîner, comme j’ai pu le voir, de la mythomanie ! Il faut que tu lui annonces que tu n’as pas envie d’être avec elle, mais d’une manière simple et clair, qu’elle puisse comprendre sans problème.
–Je lui ai quand même donner un coup de poêle à frire sur la tronche, tu sais. Je pensais que ça suffirait pour lui faire comprendre...”

Au moment où j’avais évoqué l’incident de la poêle à frire, Twillight commença à faire une drôle de tête.

“Putain, vous êtes vraiment spéciales... Une qui s’invente une histoire d’amour dans sa tête, et l’autre qui lui file un coup d’instrument culinaire.... Dans un sens, vous vous accordez bien.
-Twillight, j’ai vraiment besoin de ton aide.”

La licorne réfléchit quelques instants.

“Pinkie, tu veux qu’AppleJack soit heureuse ?
–Évidemment ! J’ai juste envie qu’elle arrête sa folie !
–Alors j’ai peut-être une idée....”

Pinkie Pie, lumière de ma vie, feu de mon âme, tentatrice de mon cœur. Mon péché, mon plaisir. Pin-kie-Pie. Ces syllabes me font t’embrasser, t’aspirer puis t’embrasser encore. Pinkie Pie.

Cela faisait maintenant quatre jours que nous sortions ensemble, depuis que tu m’avais avoué ton amour au Sugar Cube Corner. D’ailleurs, nous ne nous étions pas vues depuis. Si je ne savais pas que tu m’aimais, j’aurais pu penser que tu m’évitais. Et là, je me rappelais : Même en sortant avec moi, tu restais Pinkie Pie ! Il était normal de constater des comportements « bizarres » de ta part.

Une pomme me tomba sur la tête. Évidemment, elle ne me fit pas mal, mais elle me surprit. Je parlais encore avec Pinkie alors qu’elle n’était pas là. Avant, je me parlais à moi-même, maintenant, c’était à Pinkie. C’était vraiment une drôle de manie. Mais ça me rassurait quand à notre amour car, si je m’inventai une Pinkie pour être avec moi toute au long de la journée, n’était-ce pas une preuve mon attachement.

Puis, en empilant les pommes, me vint une idée. Pourquoi ne pas envoyer une invitation pour un rendez-vous romantique au parc ? On pourrait montrer que l’on s’aime, et qu’on a pas peur d’être ensemble devant les autres. Mais bon, Pinkie Pie qui est, ne l’oublions pas, un peu « fofolette », n’a pas répondu à mes trois précédentes invitations. Voyons si cette fois, elle se stabiliserait un peu !

Lorsque j’arrivai au ranch, Twillight m’y attendait en tenant grâce à la magie une enveloppe rose. Elle arborait un grand sourire, et je sus immédiatement que ça ne pouvait être qu’une bonne nouvelle concernant notre couple.
« Salut AppleJack ! Pinkie m’a demandée de t’apporter cette lettre. Tu veux que je te la lise ? »
« Non merci, je vais le faire toute seule. »
J’ouvris donc l’enveloppe que mon amie licorne me tendait et la parcourut rapidement. En effet, il y avait de quoi se réjouir ! Un invitation de Pinkie au parc ! Elle faisait enfin un pas pour faire avancer notre relation !
« AppleJack, tu devrais, à mon avis, te préparer pour ton rendez-vous. Tu ne peux pas y aller avec seulement ce chapeau, Rarity voudrait ta mort. Tu dois bien avoir un ensemble léger, non ? »

Je réfléchis. Quand j’étais plus jeune, Granny Smith m’avait offert une petite robe bleue, qui allait bien avec ma « robe » naturelle. J’espérais qu’elle m’irait toujours. Twillight prétexta une tâche qui l’attendrait ailleurs, mais je ne l’écoutais plus. Je pensais déjà à ma tenue, et au rendez-vous. J’avais oublié ce qui se passait autour de moi.
Après le repas, je m’habillais avec la robe bleue. Elle me serrait un peu, mais dans l’ensemble, elle m’allait bien. Je courus au parc de Ponyville, avant de me rendre compte du fait que j’avais presque une heure d’avance. Tant pis ! Du coup, j’achetai des fleurs.

Une heure plus tard, j’étais assise sur le banc prévu dans la lettre, tenant dans ma bouche des jacinthes, les fleurs préférées de mon aimée. Et alors je la vis. Pinkie Pie. Elle arrivait dans une belle robe rose, sans se presser. Automatiquement, je me levais lorsqu’elle atteint le banc. Alors que je commençais à l’enlacer, elle prit la parole.
« AppleJack… Je suis désolée de ne pas t’avoir répondue, et aussi de t’avoir donnée un coup de poêle à frire. J’ai réfléchi, et je me suis rendue compte, comme tu me l’avais dit, que je t’aimais, et… »
Elle ne put finir sa phrase, car j’avais alors collé ma bouche contre la sienne, pour lui donner un baiser passionné. Je sentis à ce moment des larmes de joie couler sur ses joues.

Je sais, vous trouvez la fin bizarre, et stupide scénaristiquement. Mais attendez la suite.

Chère Princesse Celestia,
J’ai appris quelque chose ces derniers jours, et beaucoup de trucs me sont arrivés subitement. Il y a une semaine, je travaillais à la pâtisserie des Cakes, et la seule chose qui me préoccupait était la prochaine fête à organiser.
Mais je dus faire face à un problème qui me dépassait largement.
Comment résister à l’amour disons… envahissant d’un poney que l’on aime seulement comme ami ? Comment lui expliquer qu’on ne veut pas recevoir de lettres de rendez-vous tous les jours ?
Heureusement que j’avais quelqu’un comme Twillight. Vous savez, c’est quelqu’un de bien, et c’est aussi une amie qui sait écouter, ce qui est très rare. C’est elle qui m’a aidé à comprendre AppleJack. C’est elle qui m’a aidé à trouver comment lui parler, et que faire.
C’est grâce à elle que je finirais ma vie avec AppleJack. Elle m’aime, c’est sûr, et son plus grand souhait est de passer sa vie avec moi, et bien, qu’il en soit ainsi. J’ai entendu parler de poneys qui risquaient, et parfois donnaient leur vie pour leur amis, et c’est ce que je m’apprête à faire. AppleJack est mon amie, et si je dois passer ma vie à faire semblant pour qu’elle soit heureuse, je le ferais.
À un moment, il faut savoir grandir, et savoir à quoi on est destiné. Il faut savoir se sacrifier.
Pinkie Pie.