De tous les couloirs noirs et angoissants, celui dans lequel nous nous étions engagées méritait un prix en la matière.

Rien. Il n’y avait absolument rien.

Ni bruit ni odeur ni lumière. L’expression « Y voir à travers une pelle » utilisée par AJ résumait bien la situation. Et le stress était malheureusement présent, rampant à travers nos esprits comme un serpent, mais violent, comme les zombies en fait...

Cet état d’esprit fut instauré grâce à Rarity, étant donné qu’elle nous avait confirmé la présence des zombies dans ces couloirs. Pour plus de clarté, AJ et Rainbow allumèrent les lampes montées en dessous de leurs armes, révélant notre position à une de ces horreurs qui se tenaient dos au mur.

Le monstre se retourna, hurla tout en fonçant droit sur nous, les bras tendus, avec un regard aussi expressif qu’un poisson rouge.

Sans réfléchir, Fluttershy tira un carreau sur le monstre, la peur au ventre et les mains tremblantes, qui le toucha en plein cœur, ce qui n’eut malheureusement aucun effet sur ce dernier qui continuait à avancer jusqu’à ce qu’une balle de M21, tirée par Rarity, entre les deux yeux, sous les regards ébahis de Rainbow et AJ, qui venaient à peine de mettre en joue notre ennemi. La chose s’effondra par terre, sans bruit, avec un léger nuage de poussière. La voie étant libre, nous pouvions reprendre notre chemin, AJ et Rainbow insultant en silence leur acte et les « stylistes flingueuses », Rarity avançant avec prudence, mais satisfaction, Fluttershy extirpant au passage son carreau d’arbalète, avec un dégout non masqué, tandis que je fermais la marche, vérifiant que le mort-vivant était plus mort que vivant.

La scène se répéta trois fois.

Par trois fois, Fluttershy les touchait en plein cœur, ou toute autre partie inutile d’un de ces monstres, et Rarity les achevait d’une balle en pleine tête, si bien que la fille aux cheveux roses lâcha, les yeux humides :

« Je vous suis vraiment inutile... »

À ces mots, Rarity répondit, brisant le silence de cette marche funèbre :

« Hé ! Ne dis pas ça, ma chérie... Tu les touches à chaque fois, c’est le principal. Maintenant, il faut viser la tête, comme pour cet idiot... Celui que tu as tué. »

Fluttershy devint livide, mais prit sur elle, avant de passer la porte menant à l’entrée de l’immeuble.

Une entrée dés plus propre, comme si elle était nettoyée régulièrement, ce qui était impossible vu le peu de personnes vivantes croisées récemment.

Les grandes vitres de verre nous donnaient une pleine vue sur la rue : des cadavres, des carcasses de voitures, des douilles éparpillées au sol, des barres de fer, des couteaux, d’autres armes de mêlée ensanglantées et sans propriétaire, toujours au sol ou planté dans un de ces cadavres ambulants, qu’il soit définitivement mort ou pas. Cependant, nous ne partions pas tout de suite, un peu de repos n’étant pas de refus.

Rainbow avait identifié une réserve intéressante : celle des gardiens de l’immeuble. Ainsi, les riches décorations prenaient un sens. Dans cet hôtel de luxe, la sécurité des riches gens était plus importante que dans un immeuble quelconque. Ce qui expliquait aussi l’alarme qui nous hurla dessus quand nous ouvrîmes la porte.

La surprise de cette découverte céda la place à l’horreur quand la première horde surgit pour se jeter droit sur la baie vitrée et la porte que nous venions de barricader AJ et moi.

« Quelle conne, putain ! » Jura Rainbow en abattant un poing rageur sur le mur.

« Mais d’où sortent tous ces connards ? » Repris AJ, épuisée tout comme moi après avoir poussé les meubles.

Derrière ce qui ressemblait à un aquarium, des dizaines de zombies s’agitaient, tentant de détruire cette vitre.

« Et si on passait en force ? »Proposa Rarity.

« Aucune chance... » Répondirent AJ et Rainbow en cœur.

— Un autre passage ?

— Pas même une fenêtre... où alors elle est trop petite. »

L’alarme s’arrêta, laissant pour seul fond sonore les râles des zombies et les sanglots de Fluttershy qui s’était roulée en boule dans un coin.

« Cool... En plus, on va pouvoir crever en silence... Twilight ? Tu pourrais débrancher le détecteur de fumée ? J’ai envie de m’en griller une avant de mourir... »

L’alarme...

Si elle les a attirés...

Je venais d’avoir une idée terrible, celle qui allait nous sauver.

En plus de débrancher l’alarme, je l’arrachais totalement du mur, laissant pendre quelques fils du plafond.

« Tu nous fais quoi là, ma chérie ?

— Je nous sauve...

— Cool. Tu m’excuseras si je suis pas trop emballée. »Railla Rainbow en tentant de tirer une flamme de son briquet.

« Fait chier, vide... »

M’approchant d’elle, je lui pris sa cigarette, claqua les doigts de ma main gauche et l’alluma grâce à la flammèche qui venait d’apparaître sur le bout de mon index. Je rendais son poison incandescent à sa propriétaire, surprise, avec mon plus beau sourire et un clin d’œil.

« C-c-comm-ent t’as f-fait ça ? » Balbutia-t-elle.

Je riais brièvement.

« Disons que j’ai mes petits secrets. »

La tête que les autres venaient de tirer me fit rire aux éclats alors que je me remettais au travail. Le sort que je venais de réaliser venait de mon grimoire. De nouveau, un magicien allait l’utiliser afin de protéger ses amies. Ce magicien, ou plutôt cette magicienne, c’était moi !

Sur une petite table, je créais un système très simple à partir du détecteur de fumée, de sa pile, quelques fils, deux tubes de PVC, quelques balles, des vis, deux capuchons de bouteilles et une mèche en corde imbibée d’alcool.

Assemblant le tout à la colle forte, je créais une grenade assourdissante et explosive, ressemblant aux vieux modèles allemands, les pointes de métal en plus.

« Ça devrait faire les attirer ailleurs. On pourrait ajouter de la viande et... »

Je n’eux pas le temps de finir ma phrase. Une main traversa la porte, cherchant la poignée, me faisant tomber par terre et de surprise.

D’une fulgurance peu commune, Rainbow tira sa machette et trancha le membre d’un coup violent. Du sang coagulé gicla dans toute la pièce. La jeune femme couverte d’hémoglobine m’apporta son trophée et me le jeta dans les mains.

« De la viande hein ? Vu que t’es notre unique chance, fais en sorte que ça marche.

— Manque plus qu’une fenêtre...

— Y en a une dans la salle des gardiens. C’est le seul truc qu’il y ait d’ailleurs...

— Tu veux dire que tu nous as coincées pour rien ? » Cria Rarity « Décidemment, t’es comme tous ces militaires, des brutes sans cervelle !

— Répète un peu pour voir ?

— Les filles » Hurlais-je. « Ce n’est pas le moment ! Si ça marche, il faudra courir et se couvrir mutuellement, compris ? Donc, soyez prêtes. »

Tout le monde se leva, chargea son arme et attendit un le signal. J’allumais la machine, faisant craquer un son ignoble de l’alarme amplifiée. Tous les non-morts réagirent et, comme prévu, furent attirés par le bruit. À ce moment-là, j’allumais la mèche, plantais l’avant-bras dans les pointes de métal et jetais le tout par la fenêtre. Celle-ci donnait sur la ruelle, à droite de la bâtisse. Tous les zombies s’y engouffrèrent, excepté ceux qui martelaient la porte par laquelle nous étions entrées.

Une occasion en or.

Pour gagner du temps, AJ tira du calibre 12 contre la vitre, ce qui la fit voler en éclat et attira quelques zombies. Ceux-ci furent rapidement maitrisés par Rainbow et ses réflexes fulgurants, Rarity et sa précision sans faille et moi-même, aidée par un mystérieux ralentissement qui me brulait la main. J’appris que mon arme était assez efficace au vu de la capacité de ses magasins, son faible recul, sa précision et sa prise en main. La course qui s’en suivit fut épuisante, mais un sourire malsain de satisfaction se dessina sur mon visage quand l’explosion retentit.

Je m’étais même retournée pour observer des dizaines de ces corps, alors que des centaines d’autres nous poursuivaient.

À l’aide de notre arsenal, nous nous frayions un chemin mortel et sanglant parmi la horde, alors qu’une gigantesque barricade de voitures empilées et de plaques de tôles fixées à la va vite. C’était derrière cette palissade que se trouvait notre salut.

« Si on arrive là-bas, on est sauvées ! » Cria AJ « Plus que 50 mètres !

— Ils sont trop nombreux ! » Hurla Rainbow.

— Pas pour longtemps ! » Répondit Rarity.

Celle-ci grimpa sur une voiture, enfonça une grosse cartouche dans le tube situé en dessous du canon de son arme et pressa la détente reliée à celui-ci. L’ogive s’envola dans un bruit sourd et un recul qui faillit faire basculer la dame en blanc. Arrivée à destination, au milieu des rangs de morts-vivants, l’ogive explosa, transformant ces derniers en une bouillie infâme de tripes et d’os.

« Joli tir ! » Clama Rainbow « Maintenant, tous à la barricade ! »

Abattant les derniers survivants, nous passâmes par la gigantesque flaque de sang qui faillit nous faire tourner de l’œil. Heureusement, l’adrénaline coulant à flots dans nos veines nous maintint conscientes. Nous frayant un passage à travers les cadavres, nous atteignîmes enfin la barricade.

À ce moment, Rarity se fit agripper la taille, par un de ces non-morts, se faisant mordre à l’épaule. Répondante à cette attaque, elle tira son arme de secours, enfonçant le canon dans l’œil du monstre, vidant en à peine deux secondes son chargeur de vingt coups dans le cerveau de son agresseur.

Elle s’était fait mordre, elle était infectée, et ça, Rainbow le savait. Elle leva son arme, pointant la riche couturière qui ne semblait pas souffrir de sa blessure. D’ailleurs, celle-ci ne saignait pas.

« Du calme… » Dit la dame en blanc, replaçant son arme sous sa veste. « Je n’ai rien, regarde par toi-même. »

Elle retira une manche de sa veste, ou ce situait la marque bien visible de la morsure sur le vêtement, dévoilant un morceau de sa robe blanche, elle totalement intacte.

« Formidable ce bio-steel, pas vrai ? Deux longues années de paperasse et une quantité astronomique d’argent pour arriver à ça, c’est mérité, je pense. »

Incroyablement surprise, Rainbow baissa son arme, laissant la dame lui passer devant, lui permettant de nous rejoindre.

« Formidable… Ouais, en effet… »

Nous montâmes alors sur la pile de voitures qui constituait un mur imperméable aux zombies de deux étages.

Du repos, enfin...

Adossées aux restes d’une berline noire et assises sur une voiture rouge compactée et cabossée, nous nous félicitâmes alors qu’une masse de morts-vivants s’amassait à nos pieds, dans l’incapacité de nous atteindre. Nous nous surprîmes aussi à chanter l’hymne américain en cœur, poussées par les voix rauques d’AJ et de Rainbow.

Nos voix portèrent à des mètres à la ronde, dans une magnifique harmonie.

Harmonie imparfaite, car il nous manquait une chose importante...

Le bonheur...

Le son de nos voix résonnait dans nos cœurs...

Mais l’écho reçu n’était pas celui attendu...

Les hurlements carnassiers de nos ennemis, de toutes parts.

Mais nous nous en fichions : nous étions épuisées, en sécurité et en vie.

Rainbow était assaillie de douleurs, qu’un duo de cachets blancs était sensé réduire, mais sa principale occupation était de gérer ce flot d’adrénaline en avalant quelques bouffées de son poison fumant, allumé une nouvelle fois par mes soins. AJ, elle, tira de son sac une flasque remplie d’un liquide dont l’ingestion d’une gorgée la fit rougir instantanément. À leurs côtés, nous ne savions que faire. Fluttershy resta enfermée dans sa bulle de tristesse et de frustration, Rarity but avec la cow-girl, chantant à ses côtés d’une voix enrouée, tandis que moi, j’essayais de trouver du réconfort dans une des cigarettes de la militaire. Une grave erreur : je faillis passer par-dessus bord en crachant mes poumons, tandis qu’une désagréable sensation m’emplissait toute la gorge. Une chose était sûre, je ne recommencerais pas.

Cependant, notre repos ne fut que de courte durée. Parmi les grognements de la masse stagnante, une voix s’éleva en même temps que le vrombissement d’une tronçonneuse :

« Je sais que vous êtes cachés là-dedans, bande d’enfoirées ! »

À ces mots, Fluttershy se redressa avant de chercher du regard d’où la voix pouvait provenir. Elle venait de derrière nous, sur la place à côté d’une grue de chantier, probablement celle à l’origine de cette barricade si inhabituelle. La fille aux cheveux pâles me fixa du regard avant de poser cette question à tout le groupe :

« Vous avez entendu comme moi ?

— Entendu quoi ? » Lui répondit AJ.

Mais la voix au lointain répondit à ma place :

« Vous allez morfler pour ce que vous lui avez fait ! »

Tirant ma paire de jumelles, je m’apprêtais à déterminer à déterminer la nature exacte du point rouge, se tenant face à « l’abri », d’où sortaient des dizaines de zombies, mais Fluttershy nous surprit toutes ; tirant sa machette et empoignant son arbalète, elle sauta dans le tas de morts-vivants qui nous bloquait la route. Prise d’une rage indescriptible et inconcevable, elle tranchait les têtes de ces mangeurs de chair, abattant de son arbalète tenue d’une seule main trois chasseurs qui en voulaient à son foie d’un tir parfait en pleine tête. Sous les insultes combinées de Rainbow et AJ et les indications tactiques de Rarity qu’elle n’écoutait pas le moins du monde, elle continuait son chemin.

Je ne savais ce qui la motivait, mais une chose était sûre, il fallait l’aider. Hurlant à mes coéquipières le même ordre que je me hurlais à moi-même. Faisant feu de nos armes et utilisant notre avantage de hauteur pour abattre proprement et rapidement la horde qui stagnait en bas et celle qui convergeait vers notre furie jaune.

À partir d’un moment, nous la suivions, faisant feu de toutes nos armes et éliminant le moindre zombie sur notre passage, et lorsqu’elle arriva au niveau de cette personne qu’elle tentait de rejoindre, elle sauta sur le capot d’un semi-remorque dans le but de finir sur son toit.

Reprenant son arbalète à deux mains, elle abattit le dernier zombie de toute la zone attirant l’attention de sa cible, une jeune femme coiffée d’un masque de paintball. Elle était habillée d’une tunique rose bonbon, aux éclats de sang, et était équipée d’une lourde tronçonneuse de la même couleur.

Le carreau traversa proprement la tête du mort-vivant, surprenant l’inconnue qui s’apprêtait à en finir.

« Non... Ça ne peut pas être vraiment toi... » Dit-elle à l’attention de Fluttershy. Elle retira son masque, libérant une coiffure fashion arrangée de façon anarchique. « Fluttershy... Ma Fluttershy... Comment as-tu pu survivre ? Je veux dire, je savais que tu survivrais aux zombies et tout ça, mais comment...

Elle sauta du toit, atterrissant sur le sol avec agilité fixant sa cible du regard.

« Pinkie... Tu parles trop. »

S’approchant lentement depuis tout à l’heure pour finalement sauter sur elle, elle enchaina un long baiser langoureux, les yeux fermés, au moment où nous arrivions. Elles restèrent ainsi à s’étreindre pendant plusieurs minutes qui se transformaient en heures pour le reste du groupe et moi-même, avec l’impression de n’être qu’une gêne.

Posant son arme par terre tout en s’accroupissant devant, AJ récita une prière, les mains croisées :

« Notre Père qui êtes là-haut, pardonnez ce couple et leurs pêchés et donnez-leur la force de buter tous ces fils de pute.

— Amen. » Conclu Rarity. « Ça fait du bien un peu de tendresse dans ce monde de brute, pas vrai ?

— J’me casse. J’vais vomir. » Brisa Rainbow.

Personnellement, je ne comprenais pas ce que ce baiser impliquait. Fluttershy n’était-elle pas déjà liée d’amour à quelqu’un d’autre ? Non, en fait, j’étais juste stupide. Stupide au point de croire que lorsqu’elle me parlait d’“elle” j’y voyais la personnification de « l’âme sœur » alors qu’en fait elle aimait une autre femme...

Ce monde de brutes méritait en effet un peu de douceur. Douceur que ce couple apportait et réchauffaient nos cœurs.

Elles s’étaient détaché l’une de l’autre, se tenant encore par la main, se regardant encore amoureusement et rougissant de plaisir, le plaisir d’un amour retrouvé…

Rainbow revint alors à ce moment, écrasant sous ses rangers un mégot de cigarette de plus.

Comme pour toutes nous remercier en même temps, la fille rose se jeta sur la militaire, la serrant de toutes ses forces dans les bras.

« Vous m’avez ramené ma Fluttershy, ma petite Fluttershy à moi ! Vous êtes toutes des héroïnes pour moi ! Je vous dois la vie ! Merci, merci, mercimercimercimercimerci ! »

Cependant, partagée entre la honte, la douleur et le dégout, Rainbow, devenue rouge comme une pivoine, hésita entre la repousser violemment ou attendre que quelqu’un s’en charge à sa place. Fort heureusement pour tout le monde, elle opta pour la seconde solution, laissant Fluttershy s’en charger.

« Pinkie ! Tu vas lui casser une cote à serrer si fort ! »

Se décollant, arborant une expression gênée et un grand sourire, la jeune fille s’excusa.

« Oupsie… Désolé, je serre si fort ? Tu ne m’en veux pas trop ? »

Le flot de colère et de douleur lui traversait le corps, ça se voyait. Elle serra ses poings tout en lui jetant un regard noir. La militaire aux cheveux arc-en-ciel, durcit par son expérience, son estime personnelle, ses préjugés, son travail, le stress et la dureté de notre monde s’apprêtait à corriger la jeune impertinente qui venait de faire « le geste de trop ».

Elle n’en fit rien.

Par respect pour Fluttershy, me déclara-t-elle plus tard.

Elle soupira, baissant la tête et la relevant doucement, arborant un léger sourire amusé, laissant ses cheveux tomber sur son visage.

« Écoute, ça ferait du mal à tout le monde que je m’énerve, et j’en ai trop bavé jusqu’ici pour me faire une ennemie de plus. Alors, on repart du début ; moi c’est Rainbow.

- Abigail Johnson. » Reprit la cowgirl en lui serrant la main. « Mais tu peux m’appeler AJ comme tout le monde. »

- Rarity, Miss Rarity, enchanté » Continua la dame en blanc, lui faisant la bise.

- Twilight, Twilight Sparkle. » Lui disais-je lorsqu’elle tourna la tête vers moi, avec un sourire amical.

- Ravie de toutes vous rencontrer ! Je m’appelle Pinkamena Diane Pie, mais on m’appelle Pinkie, Pinka, Pinkie Pie, Diane… Appelez-moi Pinkie, comme toutes mes amies. Dommage qu’elles ne s’en soient pas sorties. Bah, on va dire que c’est vous mes amies maintenant, alors vous pouvez m’appeler Pinkie ! » S’éloignant, elle ramassa sa tronçonneuse surdimensionnée et couverte de sang. « Chui sûre qu’on fera de grandes choses ensemble ! »

Cette phrase venait de nous arracher un sourire à nous toutes, avant qu’un terrible hurlement se fasse entendre, faisant trembler de peur chacune d’entre nous, glaçant notre sang.

« Oh merde, oh merde… » Dirent Rainbow et AJ en cœur

Un grand bruit sourd se fit entendre, celui de la tôle froissée. Le mur de voiture par lequel nous étions venues tombait pièce par pièce. La chose qui en sortait était dotée d’une force surhumaine…

« TANK ! » Hurla Rainbow à pleins poumons, expulsant jusqu'à son dernier centilitre d’air.

« Un de ces gros enfoirés ? Je veux ! Laissez-le-moi ! »

Fluttershy, tremblante de peur, attrapa Pinkie par l’épaule.

« C’est pas un jeu Pinkie ! On risque vraiment de mourir ! Sois sérieuse pour une fois, je t’en supplie…

- Non, non, non, tu comprends pas… On va vraiment se marrer ! »

S’effondrant comme un château de cartes en acier, le mur libéra un flot morbide d’une cinquantaine de têtes, guidées par un monstre avoisinant les deux mètres, pour au moins un de large. La chose était constituée de deux énormes bras aux muscles surdéveloppés et d’un corps aux muscles saillants, disproportionné de façon exagérée, surmontée d’une petite tête ridicule. Face à ce mastodonte et son armée, nous n’étions que 6, terrorisées et épuisées.

Six, face à la mort…

« On court vers l’abri ? » Proposa AJ

- Tu as bien vu ce qu’a fait ce… Monstre à un mur de voitures, tu penses qu’une porte, même barricadée, l’arrêtera ? Ce serait utopique ! » Explosa Rarity

- Uto… Quoi ?

- On est obligées de faire face… » Avais-je dit froidement.

- Tout le monde en position ! » Cria Rainbow « Rarity, envoie tout dans sa tronche ! Twi, même chose ! AJ, tu pulvérises tout ce qui passe trop près ! Fluttershy, prends ce M-16, près du camion et tire sur ceux qui courent ! Pinkie tu… Pinkie ? Bon sang, elle est où ?

- Là ! Je cherche juste un truc ! » Dit elle, ouvrant des caisses d’armes, cherchant apparemment quelque chose en particulier.

- Bordel de merde, ouvrez le feu ! Chaque tir compte ! Rafales courtes ! »

Il y avait au moins 15 mètres nous séparant de la horde. Fluttershy se débrouillait bien avec un M-16, mais elle tomba vite à court de munition. À ce moment, Pinkie lui lança un pistolet visiblement issu des nombreuses caisses qu’elle ouvrait. Tout le monde commençait à tomber en rade de cartouches. Dans les fameuses caisses, il y avait de nombreuses armes, certes, mais rarement les munitions pour… de plus, nous ne faisions que ralentir la chose, déjà assez lente, mais visiblement terriblement obstinée. Passé la barre des 25 mètres, les chargeurs vides s’entassaient et nos espoirs s’évaporaient. Notre situation laissait à désirer. Plus de 20 têtes encore levées, convergeant vers nous et ce monstre, accélérant sa course, comme s’il venait de sentir notre chair fraiche et paniquée.

« Putain, putain, PUTAIN ! On le ralentit à peine ! » Ragea Rainbow

- Bingo ! » S’exclama Pinkie

- Mais bordel qu’est ce que tu fous ? » Reprit la militaire

Je voyais son visage changer radicalement, passant de la colère, à la surprise, puis à la terreur.

« Tout le monde à terre ! Ca va chier dans le ventilo ! »

Obéissant instinctivement à l'ordre, je plongeais à terre au moment où j'entendis un bruit très étrange, sorte de compromis entre la sarbacane et le réacteur d'avion.

Passant très près de moi, une roquette transperça l'air, l'aspirant avec elle, convergeant vers le monstre et sa horde macabre qui se pressait, 20 mètres en face de nous.

L’explosion déchira l’atmosphère, la chair, les os, la tôle qui trainait à terre, ce sentiment de désespoir qui prenait tant de place en nous pour les réduire en une gerbe de sang visqueux, mêlée à lourd hurlement d’agonie et d’abats humains.
Le monstre et ses subordonnés étaient morts, retournés à l’état de poussière par le missile anti-char.

Me relevant, je vis la fille toute de rose vêtue porter un lourd lance-roquettes couleur camouflage. Elle était tombée à la renverse à cause du recul de l'arme. Se relevant, elle vint à nos cotés contempler son œuvre macabre : une bouille infâme constituée de divers membres humains accompagnés de divers organes tels que des tripes ou des boyaux le tout, non pas brulé ou grillé, mais bel et bien calciné... Un plat à vous retourner l'estomac.

D'ailleurs, Fluttershy ne put se retenir de vider le contenu du sien sur le sol.

Pinkie, elle, sautait de joie en contemplant le carnage. Rainbow et moi étions surprises du peu de morale, probablement remplacé par de la folie, qui devait habiter cette fille. Les autres étaient juste soulagées de se savoir en sécurité, bien que Rarity du se retenir avec difficulté de vomir elle aussi, se joignant aux exclamations de la pile électrique rose.

Les réjouissances ne furent que de courte durée, car déjà les hurlements d’une seconde horde retentissaient au loin.

« Toutes à l’abri, on a bien mérité un peu de repos. Avec autant de blindage, aucune chance que l’un de ces connards entre nous faire la bise. Et pour sortir, on verra ça plus tard.

- J’suis pas sûre à cent pour cent. » Déclara AJ « Des zombies s'en sont bien sortis non ?

- Dit pas de bêtises » répondit Pinkie avec un petit rire « Rainbow a raison, les zombies viennent de l’intérieur. Quelqu’un s’est fait mordre et on l’a laissé rentrer, voilà tout.

- Imparable… » Déclara Rarity juste à côté. « À propos, personne ne s’est fait… »

Elle n’eu pas le temps de finir sa phrase qu’un bruit s’éleva dans l’air : le hurlement de quelques chasseurs depuis l’un des bords de la place.

« Courrez vers l’abri, je vais les retenir ! » dit la militaire, chargeant son ultime chargeur et engageant la première balle.

Désobéissant à l’ordre, AJ se plaça à côté de Rainbow.

« Interdiction de jouer les héros toute seule, t’en as assez fait. »

Tout le monde fit de même : Pinkie ramassant sa tronçonneuse, Rarity abandonnant son fusil vide pour son pistolet mitrailleur, Fluttershy engageant un carreau dans son arbalète, et moi, remplissant pour la énième fois le barillet de mon six coups, dont chacune de ses détonations manquait de peu de m’arracher le bras.

À ce stade, chaque balle devait compter. En cas de pépin, j’empoignais ma machette fermement de ma main gauche, brulante d’impatience, au premier sens du terme.

À partir de 10 mètres, les chasseurs n’étaient qu’à un bond de nous achever et la horde se pressant au nord de l’arène, elle, était encore loin. Nous faisions face, profitant de la puissance de nos armes pour mettre nos ennemis à terre, les achevant par la suite. Dans le feu de l’action, alors que l’une de ces horreurs m’avait fait tomber, AJ manqua de m’abattre en même temps que la chose sur moi, d’une gerbe de plombs dirigée vers son crâne, dont une partie malheureusement atterrit dans mon thorax.

Elle s’excusa platement, bien qu’elle, et mon gilet pare-balles m’aient sauvé la vie.

C’était le dernier des 4 qui nous avaient attaqués, cependant, ce n’était pas fini.

Alors que l’on avait baissé notre garde, et comme sortie de nulle part, un lasso attrapa Rainbow par son torse, ceinturant ses bras, lui faisant lâcher son arme et la tirant en arrière dans une terrible injure prononcée par la fille aux cheveux arc-en-ciel. AJ me relevant, elle se jeta sur la pauvre Rainbow pour la libérer de cette corde qui la tirait en arrière. Et cette corde n’était pas réellement une corde. C’était la langue d’un de ces monstres, longue de plus d’un kilomètre, tirant notre amie depuis le haut d’un toit voisin, à une centaine de mètres de nous.

Une fois Rainbow coincée entre deux caisses, la langue remonta jusqu'à son cou, commençant à l’étrangler.

« Baveux ! La langue… » Suffoquait Rainbow entre deux brèves respirations que lui offraient AJ et Fluttershy, tirant de concert de toutes leurs forces sur la corde organique essayant désespérément de libérer notre amie. Encore sonné, je sortais mon couteau commençant à scier l’appendice à une vitesse folle.

Sans succès. La langue était plus solide que l’acier de mon arme.

« Bouge pas ! » hurla Pinkie avant de me venir en aide, faisant rugir sa tronçonneuse, la plaçant sur le morceau de chair, sciant avec vigueur, mais sans résultats apparents.

« Bordel de merde ! Trouvez vite un moyen de nous débarrasser de ce truc ! » Ragea AJ en couverture des hurlements de la horde de macchabés qui se pressaient sur nous par les entrées nord, est et ouest de notre position. « Rarity ! Couvre-nous ! Je peux pas laisser Rainbow s’étouffer !

- J’ai plus que deux chargeurs, je ne pourrais pas tenir très longtemps !

- Fais de ton mieux ! »

Sortant mes jumelles, je suivais le long câble de chair jusqu'à sa source.

« Fluttershy ! L’immeuble d’en face ! Empale-le avec ton arbalète ! » Criais-je sur cette pauvre fille.

- Je… J’ai plus de carreaux…

- Quoi ? Et merde !

- Twi… aide… » Suffoquait Rainbow, luttant avec peine à l’évanouissement, tandis que l’odieuse et hideuse corde vivante serait tout son corps, s’enroulant autour de ses jambes, bloquant jusqu'à l’expansion de son thorax et serrant avec puissance.

Il fallait que je trouve une solution…

Soudain je la voyais. Je voyais la solution. Je voyais cette bouteille de gaz à côté du monstre pervers. Si seulement elle pouvait exploser…

L’atteindre avec une de nos armes actuelles relevait du défi, mais la magie n’avait pas les mêmes limites.

Levant ma main gauche, je l’alignais avec la bouteille, concentrant toute ma force sur elle, donnant à cette impulsion qui brulait mon bras tout entier ma force combinée avec le peu d’espoir qui me restait.

Faire grimper la température, augmenter la pression, engendrer l’explosion…

La bouteille réagissait, je le sentais. Ma marque s’illuminait, l’air autour d’elle se troublait, tout mon bras se consumait.

J’en étais qu’au début de mon apprentissage de cette magie qu’était la mienne, mais je sentais, par la douleur que me causait son utilisation, qu’elle n’était limitée que par ma simple volonté.

Je voyais le gant noir se désagréger, fondre sous l’effet de la chaleur, révélant la marque rouge incandescente au dos de ma main, crépitant comme du bois de chauffe, carbonisant ma chair autour.

« Twi… Light… » Réussit à articuler Rainbow, les yeux exorbités, pointés vers moi. Et elle n’était pas la seule. Rarity qui reculait pour demander son arme à AJ, Fluttershy et la cowgirl entre deux épreuves de force, Pinkie, sciant désespérément la corde organique, toutes m’observaient, me voyant opérer, faire volte face de la douleur qui me parcourait, et élançait jusqu'à ma dernière force dans ce sort.

La puissance… Me dominait… Je sentais toute la marque s’étendre, serpenter autour de mon bras, carbonisant ma chair et mes vêtements sur son passage, illuminant mon bras et le reste de mon corps.

Je me sentais me surélever, puis je fermais les yeux.

« Tu les as tués… Mais jamais tu ne t’en souviendras… »

J’ouvrais les yeux.

Encore cette pièce noire…

Il se tenait en face de moi, dos tourné, les ailes déployées, illuminant la scène d’un noir de jais. Il se retourna face à moi, mais je ne pouvais savoir à quoi il ressemblait, l’obscurité de la pièce me permettant à peine son contour. Il tendit vers moi son bras droit, couvert de plaques osseuses noires, parcouru de sinuosités rouges, terminé par des griffes acérées.

« Je ne voudrais cependant pas te laisser seule dans le néant… Si ça venait à se reproduire, ça serait dramatique. Je te propose de tout oublier. Simplement, rapidement. Le chaos est une chose magnifique, mais il y a des limites qui ne doivent pas être franchies. Si tu attrapes ma main, tu oublieras tout, jusqu'à notre existence, mais nous serons là, quand tu t’en souviendras. »

Sans réfléchir, je tendais la main, attrapais la griffe et regardais à terre.

À mes pieds trainaient les cadavres de mes parents, inanimés, ceux de mes amis, de mes ennemis, des témoins, des policiers…

Je les avais tués…

Tout mon village natal…

Mes parents…

Tout devait bruler…

S’effondrer…

Je rouvris les yeux.

L’immeuble entier explosa. Étage par étage, l’immeuble se fissura, éclata de part en part, brisant chaque vitre dans une gerbe de flamme rouge orangé, le tout dans un grand fracas. La langue qui retenait mon amie inanimée claqua sur le coup de la dernière explosion, celle qui pulvérisa le monstre.

Je restais suspendue en l’air, sentant une force me maintenir par le dos. Elle disparut peu à peu, me laissant doucement retomber sur mes pieds.

Je me sentais vide…

Vide et heureuse…

Comme si tout ce qui était resté caché au fond de moi émergeait soudainement. Je voyais trouble, mes oreilles sifflaient… J’avais brulé jusqu'à mon dernier gramme d’énergie…

Je regardais la marque incandescente, mais difficile de la retrouver avec une vision floue au milieu de ma chair carbonisée. Cependant, elle était bien là : ce cercle d'alchimie entouré d'inscriptions et au centre éclatait une étincelle rouge, grande et étincelante. Soudain, le texte prit tout son sens :

« À notre élève la plus studieuse, Twilight Sparkle. »

J’étais perdue, et tout se passait si vite autour de moi…

Fluttershy et Pinkie ramassaient Rainbow, encore évanouie. De son côté, AJ faisait face à la horde, hurlant des ordres que je n’entendais pas, repoussant les zombies pour nous créer un passage. Rarity lança son arme dans les mains d’AJ, puis se précipita sur moi. Voulant la rejoindre, je tombais à genoux, vidant mon estomac sur le sol. La grande dame me prit par l’épaule et nous fîmes une série de pas ensemble, en direction de l’abri. De son autre main, elle repoussait nos agresseurs de son arme automatique.

L’ouïe me revint enfin grâce au crépitement des armes.

« … Et on ferme cette putain de porte ! » Criait AJ à nous toutes.

Pressant le pas, Rarity faillit me faire trébucher, mais je m’efforçais de reprendre le rythme de la marche.

« Va falloir m’expliquer comment-tu as fait ça, ma chère Twilight. » Me dit ma sauveuse d’une voix brisée et essoufflée. « Mais pour le moment, dépêche-toi et cours ! »

La horde de plus d’un millier de zombies se pressait sur nous. Les plus rapides avaient été éliminés, cependant le flot se faisait incessant. Le temps jouait contre nous, et je me sentais trop faible pour l’arrêter.

C’est in extremis que nous entrions, frôlant l’impossibilité de fermer la lourde porte en acier renforcé. Elle fut condamnée à l’aide de tout le mobilier disponible, même si nous avions sauvegardé un canapé et des chaises de camping.

Le petit magasin de sport, aux entrées sellées, venait d’accueillir de nouveaux clients. Face à l’apocalypse, il est resté debout et a sauvé nombre de survivants.

Nous étions en sécurité… Pour l’instant.

On était toutes vraiment mal en point. La plus souffrante, Rainbow, essayait difficilement de reprendre ses esprits ainsi qu’un rythme respiratoire régulier en restant allongée sur le canapé, l’un des seuls meuble que nous avions pu sauver, sous le regard bienveillant de Fluttershy. La jeune femme aux cheveux longs et roses, elle, s’était visiblement fait mordre une seconde fois lors de notre repli. Nous savions que ce n’était qu’une formalité pour elle, mais sa blessure à la taille avait l’air terriblement douloureuse, à défaut de saigner. Outre le fait d’avoir un système immunitaire impénétrable, elle possédait cette terrible capacité à faire passer la santé des autres avant la sienne, ne laissant que transparaitre le silence et une volonté de fer. Une vraie sainte… Ce n’était qu’une façade renfermant une souffrance constante, aussi bien physique que mentale, et d’une joie de vivre s’étant évaporée sous un soleil de plomb ayant accompagné notre voyage au centre de l’enfer. Une joie de vivre que Pinkie essayait de faire réapparaitre chez nous toutes.

La fille aux cheveux rose bonbon, accrochée à « sa Fluttershy chérie », insufflait en nous cette joie d’un amour retrouvé, au-delà d’un mur de non-morts, vite tombé en lambeaux. Pinkie est une gentille fille, même si elle possède une personnalité… aléatoire, voire proche de la schizophrénie. Tantôt sérieuse, tantôt heureuse, tantôt joueuse. Elle était assez envahissante, mais pas désagréable, jamais. Elle était très possessive, mais qui pouvait lui en vouloir ? En tout cas, elle semblait inépuisable, une vraie pile électrique…

AJ restait collée à la porte, trop fatiguée pour faire quoi que ce soit. Elle était un vrai mur, aussi bien physiquement que psychologiquement. Je l’ai vue se battre avec une dizaine de zombies, sans armes, sans se faire mordre une seule fois, enchainant des coups efficaces, mettant à terre ces morts-vivants d’un simple coup dans le crâne. Aucun doute, personne ne pouvait être assez fou pour se battre contre elle.

Sur l’une des chaises de camping, Rarity essayait tant bien que mal de faire fi de la douleur qui meurtrissait son corps, de se reposer un peu. Elle avait sur son corps, « fin et délicat », disait-elle, les marques de la survie : de petites coupures, des ampoules aux pieds et du sang sur ses vêtements.

Ces deux dernières me regardaient, avec plus ou moins d’attention, AJ étant bien trop occupée par ce qu’elle buvait et par le fait que sa sœur d’arme fût tombée dans le coma. Elles m’observaient, moi, frustrée et prostrée dans mon coin, à m’interroger sur moi même.

J’avais l’impression de devenir complètement folle : j’avais des voix qui hurlaient dans mes oreilles, cette chaleur qui me prenait dans tout mon corps et que je ne pouvais réguler, ces pseudo-visions et ces souvenirs qui me transperçaient, et cette longue et étrange marque que je m’étais déterminée à cacher sous le pull violet qui trainait au fond de mon sac.

J’avais l’impression de n’être que fiévreuse, d’halluciner tout bêtement. Mais la puissance dégagée, celle qui avait ravagé cet immeuble, celle qui l’a fait éclater, était réelle, même si totalement surnaturelle. Cette magie, je m’efforçais de la contrôler, mais je la sentais bel et bien m’envahir et, bientôt, c’est elle qui me maitrisera. C’est pour ça que je lisais ce vieux livre poussiéreux, c’est grâce à lui que je peux utiliser cette puissance qu’est la mienne.

J’avais peur de ce qui pouvait arriver, et l’atmosphère que dégageait le petit magasin n’arrangeait rien. Des mares de sang et d’autres fluides corporels non-identifiés, des piles de douilles, des paquets de chips éventrés, des livres, des magazines, des prospectus piétinés, mais pas un cadavre, étant donné qu’ils étaient tous dehors à frapper aux vitres et à la porte blindée. Par expérience, je savais que, si nous ne faisions que peu de bruit, ils arrêteraient au bout d’une heure.

Sur le comptoir, à côté d’une caisse enregistreuse, se tenait une vieille station radio. Personne à part Rainbow ne savait la faire marcher, il fallait donc attendre son réveil.

D’ici quelques heures, nous serons loin d’ici, de tous ces cadavres ambulants, de cette maudite ville, c’était certain.

Ou du moins, nous l’espérions.

Il suffisait d’attendre.

« Eh twi' ! » Me lança Pinkie, penchant sa tête vraiment très près de moi, arborant un très large sourire, me faisant sursauter tout en m’extirpant de mes pensées. Elle s’était approchée de moi vraiment très silencieusement, ou alors ce sont ces voix qui se répétaient dans ma tête qui avait couvert le bruit. « Hey, fais pas cette tête ! Regarde, on est en sécurité et toutes saines et sauves. » Portant son regard sur les autres, elle révisa son jugement. « Ouais… Enfin plus ou moins.

— C’est bon Pinkie. » Lui répondais-je en lui souriant. « Je suis juste un peu fatigué et pas encore en sucre…

— Eh, on l’est tous, idiote ! Allez, reste pas planté là, viens avec nous ! »

Acceptant l’invitation, j’avais tenté de me lever. Une fois remise sur mes deux jambes, je ne fis qu’un pas avant de perdre l’équilibre et à deux doigts de m’étaler face contre le sol. La jeune fille aux cheveux roses me rattrapa au dernier moment.

« Un peu fatiguée, hein ? » Railla-t-elle innocemment, tentant de me maintenir debout en me tenant par l’épaule et la taille, plaçant ma main sur son épaule droite. « Encore un peu et tu finissais par terre. »

Elle rit un bref instant puis m’aida à m’asseoir sur une chaise, comme une personne âgée. Me sentir si vieille à mon âge…

Les autres avaient placé une table basse de camping et des chaises autour. J’étais de ce fait entourée par AJ et Rarity. Pinkie était en face de moi, sur le canapé occupé dans sa quasi-totalité par les 1 mètres 71 de Rainbow, avec Fluttershy sur ses genoux. Elles rougissaient de gène.

Histoire de briser la glace, j’avais entamé la narration de notre périple à la fille en rose fuchsia. Elle était captivée par chacun de nos mots. Elle avait même ajouté que je « pouvais en écrire un livre », ce que j’ai fini par faire. Le passage le plus important pour elle fut celui où je sauvais « sa » Fluttershy, ma chère voisine de palier.

« T’es une héroïne pour moi ! » Finit-elle par dire « Pas la drogue ! Je veux dire, euh… Une héroïne, comme dans les livres, ou comme dans les films, avec plein d’effets spéciaux ! »
J’aurai dû me sentir gênée ou flattée, mais j’avais peur. Peur qu’elle aille trop loin dans son raisonnement. Bien sûr, c’est ce qu’elle fit.

« Et comment t’as fait ton truc tout à l’heure ? T’as levé ta main, y’avais cette lumière et paf ! Tout a explosé ! T’es magicienne ? T’avais un lance-grenade dans ta manche ? T’as des pouvoirs comme Dark Vador ?

- Je… Euh… Non… Je… Dark Vador ?

- Allez, comment t’as fait ? Dis-le-moi ! Je te promets que je ne le dirais à personne ! Je te fais même une Pinkie-promesse !

- D’autres aussi voudraient savoir… » Dit AJ d’un ton autoritaire des plus difficiles à ignorer.

J’étais piégée…

« À vrai dire… » Balbutiais-je « J’en sais pas grand…

— N’nous prends pas pour des billes non plus. » Articula durement la cowgirl. « Si quelqu’un en a une idée sur ton truc, c’est bien toi. Et c’est quoi ce bouquin que tu te trimbales ? Allez mam’zelle, on se met à table, et on crache le morceau.

— Je ne vois pas du tout…

— Le coup du tir fulgurant, sur le toit ! » Accusa Rarity « Le coup du briquet invisible, dans l’hôtel ; l’immeuble qui explose sous nos yeux ! Tu vas nous expliquer tout ça, oui ou non ? »

Je regardais désespérément autour de moi, cherchant du soutien. Personne. Tout le monde m’accusait de sorcellerie du regard.

Je soufflais lourdement, puis enlevais mon pull, dégageant mon bras gauche, couvert d’un étrange marquage : trois courbes sécantes entrent-elles en plusieurs endroits, comme des brins d’ADN, prenant pour source le bord du cercle entourant une étoile noire à 6 branches et se jetant dans mon dos et ma poitrine. Le cercle comportait des inscriptions étranges, écrites dans une langue que j’étais la seule à déchiffrer.

« Sympa le tatouage, mais c’est quoi le rapport ? » Demanda AJ.

Comme pour répondre à toutes les attentes, je me levais, me remémorait un sort, puis claquait des doigts de ma main gauche.

Une vague rouge déferla de mon omoplate jusqu'à ma main et, instantanément, une flammèche s’était mise à danser entre mon index, mon majeur et mon pouce.

Face à des regards de surprise et de peur, j’intensifiais le sort, faisant crépiter d’étincelles rouges tout le marquage. La petite flammèche se transforma en une flamme, brulant la totalité de ma main, la carbonisant petit à petit. D’un seul mouvement, j’arrêtais tout, à la manière d’une flamme que l’on éteint d’une gazinière.

Mon « public » restait ébahi. Je m’assis une nouvelle fois alors que ma tête commençait à tourner.

« C’est incroyable ce que t’arrives à faire Twilight ! » Me lança Pinkie.

— Je savais que t’étais bizarre comme fille… » Déclara AJ encore sous le choc « Mais à ce point…

— Et ça ne te fais pas… Mal ? » Demanda Fluttershy, de sa voix la plus empathique.

— C’est la seule contrepartie. Chaque… Sort, faut dire ce que c’est, m’épuise plus ou moins, mais, apparemment, les possibilités ne sont limitées que par moi. Mais autant vous dire qu’un sort comme celui de tout à l’heure m’a vidé…

— C’est le moins que l’on puisse dire. » Ajouta Rarity « C’était limite si tu savais encore marcher.

— Ça ne fait que quelques jours qu’elle est là. » Reprenais-je « Mais depuis, tout se détraque sur le plan mental. J’ai des tas d’hallucinations, auditives, visuelles… Je fais des cauchemars à répétition… Je ne sais plus où donner de la tête… »

Rarity, compatissante, posa sa main sur mon épaule non marquée.

« Tout le monde fait des cauchemars, mais je comprends que les tiens soient plus… violents. Mais dis-moi, depuis quand as-tu ces pouvoirs ?

— Depuis… » Je me creusais la tête. « Depuis quelques jours seulement. En fait j’avais déjà ressenti quelque chose quand j’avais tué mon premier zombie, et à chaque fois que je tue je ressens la même chose. Une sorte de flamme m’envahit, un plaisir immense…

— Et pourquoi tu ne nous l’as pas dit plus tôt ? » Demanda AJ

Je me mis à rire cyniquement.

« Et tu m’aurais cru ? Déjà que je n’y ai pas cru moi-même… Vous m’auriez traité de folle et laissée en plan, ou attachée à une voiture pour les occuper.

— Dis pas ça…

— Bon, je crois qu’on peut arrêter… Merci Twilight. Merci surtout d’avoir sauvé Rainbow et je pense que, sans toi, personne n’aurait pu aller jusque-là.

— Comment va Rainbow ? » Demandais-je à Fluttershy, brisant la glace qui s’était formé pendant une petite minute.

— Oh, euh… Elle se stabilise tranquillement depuis tout à l’heure. Je lui ai donné un puissant antidouleur, et ça l’a vraiment assommée. Je ne sais pas du tout quand elle se réveillera… Ce soir, ou dans le pire des cas demain.

— Espérons le plus vite possible, je n’ai pas envie de moisir dans ce trou à rat… » Lança Rarity.

— Et sinon, j’ai vu que tu t’es fait mordre, ça va pour le mieux ?

— En fait, je me suis fait mordre à 2 endroits, à la taille et une nouvelle fois à l’épaule. Je ne saigne plus, et je n’ai pas de fièvre. C’est bon, je crois…

— C’est tout de même une chance pour toi, tu serais morte plusieurs fois sans ça. Bon, je crois que l’on peut dire que l’on est en sécurité, alors autant en profiter. »

Sur ses mots, Rarity sortit de son grand sac de haute couture, qu’elle portait en bandoulière, une bouteille de champagne de grande marque conservée dans une épaisse couche de papier bulle.

« Je la gardais pour une occasion spéciale, et je crois que le moment est venu. Désolé qu’elle soit à chaleur ambiante, désolée aussi que Rainbow ne soit pas apte à boire avec nous. » Avec une infinie précaution, la grande couturière déboucha la bouteille et remplis 6 verres en plastique transparent. « Désolé aussi de n’avoir pas plus belle verrerie… »

Alors qu’elle versait le précieux liquide dans nos gobelets, je cherchais mon vieux livre poussiéreux dans mon sac. Je savais qu’il y avait un moyen de rendre ça plus agréable encore.

Page 118. Je levais ma main en l’air, comme indiqué dans le manuel, la baissais, me concentrant sur ce que je voulais obtenir. Ma marque était parcourue d’éclats bleus et des marbrures apparaissaient sur ma main. J’avais du mal à la bouger et j’avais la chair de poule en plus de tout ça. Je me concentrais encore plus et refermais violemment ma main.

« Aie… »

De cette dernière venais de jaillir une vingtaine d’éclats de glace pure et ma main était givrée. Ces cristaux étaient transparents et assez épais. Ils avaient transpercé instantanément ma main, fondant déjà à la chaleur ambiante. J’ouvrais difficilement mon membre, dévoilant des morceaux de glace pilée à l’assistance.

« Un peu de glace dans votre verre ?

— Pas contre. » Dit simplement Pinkie.

— Volontiers. » Lança rapidement Rarity avec un grand sourire.

Fluttershy hocha positivement la tête, encore surprise par ma magie.

« Te blesse pas trop Twi, on a encore besoin de toi ! » Ajouta AJ avec cynisme.

— Faut bien que je m’entraine, non ? Ce n’est pas comme si j’avais fait apparaître l’iceberg qu’a heurté le Titanic ! Quoique… J’étais où au moment du Titanic ? »

La cowgirl éclata de rire, frottant sa main dans mes cheveux, les faisant s’ébouriffer, ce qui fit rire Rarity, et au final, tout le monde.

« Alors, à quoi buvons-nous ? » Demanda Rarity

— À nos prouesses, à notre survie et à ceux qui n’ont pas réussi à nous barrer la route ! » Lista AJ en levant son verre.

— À l’amitié. » Énonçai-je tout de suite après.

Mon cœur s’emplit de joie quand, après un petit silence, tout le monde répondait en cœur :

« A l’amitié ! »

Alors que nous buvions, appréciant le breuvage et gardant un verre pour notre militaire, Pinkie se leva, vidant son verre d’un trait, déplaçant Fluttershy sur l’accoudoir du canapé.

« Le meilleur que j’ai jamais bu ! » Dit-elle en posant le gobelet sur la table. « Mais là je vais… Où vous savez, sinon je vais exploser. »

Elle s’était approchée de la porte, tourna la poignée…

« Occupé. »

Une espèce de brute en tenue militaire en sortit, attrapant la pauvre Pinkie par le cou de sa main gauche, la plaquant contre le mur derrière elle dans la surprise la plus totale, faisant perdre à la jeune femme le contrôle de sa vessie. De sa main droite, il tira de son gilet tactique un pistolet chromé, semblable à celui de Rainbow, qu’il pointa d’abord sur la pauvre fille aux cheveux roses bonbon puis sur nous.

Il portait un treillis militaire gris et noir surmonté d’un gilet pare-balles aux poches multiples, de genouillères, de coudières, et de plaques de protection improvisées en métal. Dans son dos dépassait la crosse d’un fusil d’assaut assez court. À sa ceinture était accrochée une panoplie d’outils ainsi qu’une machette noire mate.

Il avait des cheveux longs et bruns, ébouriffés, et une barbe de trois jours. Assez beau, si l’on exclut son expression sévère donnant la chair de poule.

Dans un réflexe assez lent, AJ se leva d’un bond, ramassant son fusil le pointant sur le militaire. Du même mouvement, Rarity ouvrit sa veste, tirant son pistolet mitrailleur déchargé, espérant que le bluff marcherait.

« On peut régler ça facilement, lâche ton arme ! » Cria AJ

Changeant de position sa prise, il s’en servit comme bouclier humain. Celle-ci se débâtant en l’insultant, il la sonna d’un coup de la crosse de son pistolet sur sa tête.

« Vous avez deux solutions ! » Reprit Rarity « Ou bien on règle ça rapidement et sans victimes, ou, dans le cas contraire, nous ouvrirons le feu sans condition.

— Vous avez trente secondes. » Dit-il enfin d’une voix calme et grave très séduisante « trente secondes pour me dire laquelle d’entre vous est infectée. »

Nous restâmes perplexes face à l’accusation.

« Je vous ai entendu. L’une d’entre vous s’est fait mordre, 2 fois. Une fois à la taille et une fois à l’épaule. L’une d’entre vous est une bombe à retardement vivante. Ne vous faites pas d’illusions, seule la mort la désarmera.
— Écoutez, Caporal » M’interposais-je en lisant le grade sur son uniforme. « L’une d’entre nous est mordue, c’est vrai. Mais cette même personne possède le vaccin en elle, une immunité à la maladie ! »

Il se mit à rire.

« Je veux bien croire à une « immunité naturelle », mais pas sans preuves concrètes, comme des examens, des prises de sang, des analyses d’urine, ou je ne sais quel autre truc médical. J’ai de l’expérience derrière moi, je sais déjà ce qui va se passer. Pourquoi étais-je planqué dans les chiottes ? Pourquoi l’abri est-il tombé ? Parce que j’ai eu le malheur de croire des gens comme vous. Vous essayez de sauver une personne, moi c’est tout votre groupe que j’essaye de sauver. » Il s’arrêta une seconde en me dévisageant. « Comment vous appelez vous ? »

La question était assez inattendue, cependant, alors qu’il venait de la poser, il baissa doucement son arme.

« Sparkle… Twilight Sparkle. »

« Twilight… Un très joli nom sur une très jolie fille. Cependant miss Sparkle, je sais que vous êtes quelqu’un d’intelligent. Je sais aussi que vous savez que c’est la seule solution pour le moment. Je ne pense pas que vous laisseriez quelqu’un infecté voyager avec vous…

À moins que ce ne soit vous. »

L’accusation me fit froid dans le dos, paralysant tout mon corps.

« Judicieux de vous placer sur le devant de la scène, sous les feux des projecteurs. »

C’était faux, mais assez construit pour laisser planer le doute. Il me tua en prononçant sa dernière phrase.

« J’aurais aimé vous connaître, dommage que ce ne sera que dans l'au-delà. Adieu. »

À ces mots, il baissa le percuteur de son arme, pointa celle-ci dans ma direction et tira.

Le coup de feu retentit dans l’air. Je vis la balle arriver à une vitesse fulgurante, droit vers mon visage. Instinctivement, je fermais les yeux, sentant quelque chose réagir dans ma main gauche. Au moment où la balle allait m’atteindre, la balle dévia dans un son métallique qui me fit ouvrir les yeux, passant très près de mon oreille gauche, coupant quelques mèches de mes cheveux, décrivant une magnifique courbe, sifflant près de l’oreille droite d’AJ et finissant sa course un peu plus loin dans l’encadrement de la porte, déchirant au passage l’épaule de Fluttershy.

Celle-ci s’était tant bien que mal écartée du combat, se cachant loin derrière nous. Le projectile eu assez de puissance pour la faire basculer en arrière, lui arrachant un cri de douleur, semblable à un sifflement, et quelques larmes en plus d’une gerbe de sang.

Réveillée par le coup de feu, Pinkie fut perdue. Mais quand elle vit Rarity quitter la ligne de front pour aider Fluttershy à l’épaule ensanglantée et AJ sortir toutes les injures qu’elle connaissait, elle décida qu’il était temps d’agir.

Profitant de la surprise occasionnée par, de toute évidence, mon sort de chance, elle se redressa violemment, donnant un terrible coup de tête dans la mâchoire de son agresseur, ce qui lui fit perdre son arme et sa prise. D’une fulgurance exceptionnelle, elle se retourna, enchainant un coup de genou dans l’entre-jambe. Encaissant aussi ce coup-là, le militaire recula, sorti son fusil, essayant tant bien que mal de se débarrasser de la furie rose qui voulait en finir avec lui.

Réagissant au quart de tour, Pinkie donna un coup de pied rotatif dans le canon de l’arme, l’envoyant voler un peu plus loin. Une seule rafale en sortit, et sur les trois balles tirées, une d’elle atteint la jeune femme, arrachant d’elle une gerbe de sang, la faisant vaciller, la rendant furax à la vue de son sang.

Dans sa rage grandissante, elle se jeta sur lui, donnant un grand coup de tête, faisant craquer l’os nasal de son adversaire, le plaquant sur le même mur, en face des toilettes, avant de lui assener de multiples coups de poing dans la tête.

Dans un ultime effort de désespoir, le militaire éloigna son adversaire d’un coup de pied, tirant sa machette. AJ allait tirer, mais après que le caporal ait donné un coup de sa lame que Pinkie esquiva sans peine, elle lui brisa le bras, lui prit son arme et, dans sa profonde folie, lui enfonça la lame en plein poumon. Elle s’amusa même à tourner la lame dans sa plaie uniquement pour le plaisir de l’entendre hurler, implorer sa pitié, cracher son sang et le bruit du déchirement des os et de sa chair.

Face à une telle cruauté, AJ et moi restions abasourdies, ne sachant ni comment réagir, ni comment détourner les yeux de ce massacre.

Il respirait difficilement, les yeux exorbités par la douleur et par la folie de la jeune fille. Il était… Fichu.

Rassemblant ses dernières forces, il lui cracha au visage.

Riant légèrement, elle s’essuya du dos de sa main gauche, avant de lécher langoureusement l’amas de postillons et de sang mêlé.

Le sang de l’homme cessa de couler, car son cœur s’était arrêté. Elle retira la lame de son corps, lui tranchant la tête d’un coup expéditif. Elle tomba en même temps que le reste du cadavre aux pieds de la fille et AJ vida son estomac sur le sol.

Reculant pour contempler son œuvre, elle rit lourdement avant de se retourner vers nous, arborant un sourire, baignant dans une expression cauchemardesque.

La tortionnaire changea radicalement en voyant le bandage ensanglanté à l’épaule de Fluttershy, lui rappelant sa propre blessure. Une large et profonde plaie à la taille de laquelle s’écoulaient désormais des litres de son sang. L’adrénaline coulait à flot dans ses veines pendant le combat, inhibant la douleur. Maintenant que ce n’était plus le cas, elle s’effondra sur le sol, son corps réalisant qu’il n’avait plus beaucoup de sang à pomper.

Elle frisait l’inconscience quand AJ et moi nous jetions sur elle, l’allongeant sur le sol. Je compressais la plaie des deux côtés, espérant vainement stopper l’hémorragie.

« Pinkie, Pinkie ! Reste avec nous ! Marche pas vers la lumière, bon dieu ! On va t’aider ! » Hurlait la cowgirl.

« Je voulais… Seulement… M’amuser… » Répondait la fille couverte de sang.

« Elle perd la boule, fait quelque chose ! » Cria mon équipière à mon attention « Trouve un bandage, vite !

— Ça ne marchera jamais ! Elle a perdu trop de sang…

— Et ta magie, bordel ? »

Elle avait raison, même si c’était ultra risqué pour nous deux.

Le temps passait trop vite pour peser le pour et le contre. Fluttershy s’était ajoutée à l’équation, mais Rarity l’empêchait de rejoindre son aimée. « Pour son bien » m’a-t-elle dit. AJ me regardait, implorant ma raison, désespérée.

Seul un miracle pouvait désormais sauver Pinkie.

Et en miracle, j’étais désormais une pro.

« Compresse la plaie, donne-moi trente secondes, continue à lui parler.

— Tu vas où, bordel ?

— Chercher un miracle ! »

Je m’étais levée, fonçant sur mon livre, m’essuyant les mains avant de l’ouvrir vers le milieu.

Je savais ce que je cherchais, mais où le trouver ?

« Bingo ! » M’exclamais-je « Page 416 ! »

Posant mon grimoire près de Pinkie, j’exécutais à la suite les premières manipulations, chargeant progressivement le sort jusqu'à son paroxysme.

Je sentais… Mon âme se faire aspirée, à défaut d’une vigueur déjà pompée. Remplaçant AJ qui restait à mes côtés, je passais à l’étape deux.

Le soin par imposition des mains. Si ça marchait si bien, je crois que je ferais fortune.

AJ m’avait décrit comme « un putain de fantôme flippant » : pâle, presque transparente, entourée d’une espèce de halo violet, les cheveux détachés entrainés par un vent imperceptible. Je reconstruisais la chair, recréaient les connexions, fit revenir son sang. Elle s’en sortait difficilement, mais elle gardait conscience.

Fluttershy, s’étant libérée de Rarity, se rapprocha de la jeune femme. Je fermais les yeux au moment où ses lèvres se rapprochaient des siennes. Dans les textes officiels, le sort m’avait assourdi, mais je comprenais bien ce qui c’était passé.

« Comment tu te sens ? » demanda Pinkie à un moment.

— Ça… Peut aller… » Répondit la fille aux cheveux pâles. « Mais toi, comment tu te sens ?

— Oh, euh… » Elle réfléchit profondément. « Tu te souviens… La fois où l’on a fêté l’anniversaire d’Alexey ? Sa mère avait fait du punch… Lui l’avait épicé…

— T’as fini par chanter, en étant complètement saoule. Je m’en rappelle, j’ai dû te ramener chez moi, mais je ne savais pas qui tu étais… C’est là où l’on s’est vraiment rencontrée…

— Ça commence à dater… C’est super que tu t’en souviennes… » Elle posa ses mains sur les joues de la jeune fille. « Il faut que je te dise que… Que je te dise que… »

J’étais terrifiée d’horreur.

Je sentais son cœur s’arrêter petit à petit…

« Pinkie, Pinkie ? Pinkie ?!? » Supplia-t-elle.

Plus rien. La fille en rose laissa tomber sa main et ferma les yeux.

« AJ ! » Criais-je à la Cowgirl paniquée « Compression thoracique ! Grouille !

— De quoi ?

— Fais-lui un massage cardiaque, tu dois bien avoir appris ça, non ? Son cœur ne bat plus, putain ! Rarity, vire Fluttershy de là ! »

Tout le monde fut surpris pas mon soudain gain en autorité, mais s’exécuta. Fluttershy protesta, hurlant à la trahison. Elle avait raison, et j’étais loin d’avoir les choses en main.

« On y arrivera pas comme ça ! Elle ne repartira…

— Attends encore…

— Fais quelque chose, nom de Dieu ! »

Je réfléchis. J’avais fait le plus gros du sort. Je pourrais laisser ça à plus tard, et ça ne servait à rien de finir si la pauvre fille mourait aussi bêtement.

« Fais chier, écarte-toi ! »

Enlevant mes mains ensanglantées, dévoilant la chair reconstruite de Pinkie, je faisais passer entre elles quelques arcs électriques comme démonstration.

« T’es folle ? Tu veux l’achever ?

— Quoi ? Jamais vu un défibrillateur ?

— Fait chier, tu vas la griller si tu fais ça !

— On dégage ! »

Plaçant mes mains à l’avant et à l’arrière de son cœur, je relâchais une décharge électrique courte d’une milliseconde, illuminant ma marque d’un beau violet. Je hurlais de douleur quand le choc électrique revint dans tout mon corps, me causant d’innombrables douleurs.

« J’y crois pas… merde, ça a marché, je l’ai senti battre ! Pendant 3 secondes, t’y étais presque ! »

Me concentrant, n’alignant plus une idée en face d’une autre, voyant trouble, je recommençais.

« Tu ne partiras pas aussi facilement ! Tu m’entends ? » Criais-je dans le vide.

Au moment où la décharge passa, tout le corps de Pinkie se courba, cherchant de l’air. Elle ouvrit les yeux en grand et inspira un grand coup.

Un nouveau miracle… Décidément, j’aurais dû être rémunérée…

Plus rapide que la mort… Mais à quel prix ?

Avait-elle changé de cible ?

Parcourue par la douleur et les spasmes, j’étais bloquée au sol, comme grelotante de froid.

Derpy, le Docteur, Vinyl Scratch, Octavia, Spitfire, Shining Armor, Soarin et ?celestia?