J'enchaîne les passages, profitez-en, je me connais, le rythme va redescendre !
_M'sieur, qu'est-ce qu'il y a sous la terre ?
La question de l'adolescente brisa la bulle de silence dans laquelle la classe s'enfermait dès que le professeur Regal ouvrait la bouche. Quelques poneys se retournèrent pour mieux voir leur camarade, surpris de l'entendre participer au cours, elle qui passait ordinairement son temps vautrée sur son bureau, à griffonner des dessins pour passer le temps.
Regal lui même semblait avoir du mal à croire que c'était Celestia qui venait de poser une question. Il aurait presque cru à une hallucination si l'ensemble de la classe n'avait pas réagi comme son professeur.
La licorne donna un petit coup de la corne de ses sabots sur ses lunettes, laissant ses yeux faire le point sur son élève.
_J'ai un peu de mal à comprendre votre question mademoiselle, dit Regal en posant le livre qu'il avait en patte sur son bureau. Il y a de nombreuses choses sous la terre : des grottes, des réserves de minerais, des restes d'anciennes civilisations...
_Y a des animaux aussi, non ? demanda Celestia, coupant son professeur dans son élan.
_Oui, effectivement, admit la licorne, trop surpris pour reprendre l'adolescente sur le fait que l'on n'interrompait pas son enseignant. Des taupes, des vers de terre, des ratons-laveurs...
_Et des avec des yeux jaunes et rouges ? Mais pas de la même taille ?
Regal retroussa le museau.
_Je ne suis pas zoologiste mademoiselle Celestia, je n'ai aucune idée s'il existe pareil animal. Vous devriez vous adresser à vos camarades terrestres, ils pourront sans doute mieux vous renseigner que moi.
Au détour de cette phrase, Regal fit clairement comprendre que la licorne qu'il était se désintéressait fortement de tout ce qui pouvait toucher les animaux et le monde de la nature en général. C'était du travail de poney commun ça.
_Maintenant, si cela ne vous dérange pas mademoiselle, j'aimerais reprendre mon cours là où vous nous avez interrompus.
Le professeur reprit son livre, l'ouvrit à la page qu'il avait préalablement cornée et se racla la gorge.
_Mais un animal intelligent, qui parlerait notre langue ? demanda Celestia, profitant du court silence qui s'était installé pour enchaîner avec une autre question.
_Vous avez une imagination débordante ma petite, lâcha sur un ton mordant le professeur, quel dommage que vous ne vous en serviez pas dans le bon sens.
Il marqua une pause, comme s'il voulait prendre son temps, puis :
_Vous resterez en retenue jeudi prochain après les cours pour rédiger une dissertation sur la vie des taupes. Vous qui semblez adorer la vie souterraine, je suis certain que vous trouverez ce devoir passionnant.
Le sourire de Celestia s’effaça alors qu'un gloussement moqueur agitait ses camarades de classe, comme à chaque fois qu'un élève se faisait punir par Regal.
Elle serra de frustration ses sabots les uns contre les autres et se mordit la langue pour ne pas insulter son professeur. C'était injuste, totalement injuste !
De quel droit est-ce que Regal avait osé la punir ? Qu'est-ce qu'il allait marquer sur la feuille de retenue ? « Punie pour avoir posé des questions en cours » ?
Ca n'avait pas de sens.
Et puis non alors, pas jeudi prochain ! C'était le jour où Séraphine organisait sa cutieañera, Celestia avait eu un mal de fou à décrocher l'invitation !
La fille d'un des plus gros négociants en épices de la ville, une des ponettes les plus populaires de l'école et peut-être même de Canterlot !
C'était sa chance d'entre enfin acceptée par les autres à l'école malgré le fait qu'elle même n'ait pas encore de cutie mark. Si elle faisait bonne impression à la fête elle était tranquille pour le reste de l'année ! Tout se jouerait jeudi prochain !
Regal ne pouvait pas lui faire ça ! Pas là, pas maintenant !
Quand la cloche sonna cinq heures et que les autres élèves se battaient presque à coups de sabots pour arriver en premier en dehors de l'école, Celestia trotta jusqu'au bureau de son professeur qui rangeait son cartable.
_M'sieur Regal, j'voulais vous demander...
La licorne lui fit signe de poser sa question d'un geste ample du sabot, comme si elle l'avait pas vraiment d'importance à ses yeux. Celestia la formula quand même :
_Votre dissert', je pourrais pas plutôt la faire une autre fois ? Je pourrais vraiment pas jeudi.
_Le jeudi est le jour des retenues mademoiselle Celestia. Je pensais qu'à force d'y être abonnée, vous auriez fini par comprendre.
_Je sais bien c'est juste que jeudi, je pourrais pas ! Y a Séraphine qui fête sa cutie mark, je suis invitée, c'est super important pour moi, vous imaginez pas à quel point ! Je la ferais mercredi votre dissertation, vendredi ou filez en moi une double pour le jeudi d'après, j'm'en fiche mais laissez moi juste ce jeudi là.
S'il vous plaît, demanda l'adolescente, joignant ses sabots en un geste de prière.
Regal s'arrêta de mette de l'ordre dans son cartable un très court instant, en prenant le temps de toiser l'alicorne avec tout le mépris qu'il pouvait tacitement exprimer.
_Je ne vois pas pourquoi vous attachez tant d'importance à une cutieañera, dit-il en regardant ostensiblement le flanc vierge de toute marque de la pouliche. C'est sûrement un concept un peu dur à comprendre pour vous.
Laissant Celestia plantée sur place, frémissante de rage, Regal ferma son cartable, le fit passer sur son flanc et apposa magiquement son chapeau mou sur sa tête. Il fit trois pas en direction de la sortie avant de s'arrêter, de se retourner et de passer la tête par l'embrasure de la porte.
_Je disais ça parce que vous avez le flanc blanc, explicita t-il avec un visage froid et impassible.
A peine son professeur avait-il quitté pour de bon la salle de classe que Celestia laissait exploser sa colère. Hurlant et pleurant à la fois, elle rua à l'aveugle, donnant des coups de pattes sans regarder, ses sabots percutant le bois et brisant les encriers. Rapidement, le liquide noir inonda la corne de ses pattes mais elle ne s'arrêta pas pour autant.
Sans même se concentrer, elle finit venir à elle les deux chaises les plus proches et les projeta sur le tableau noir. Elles s'y écrasèrent avec fracas mais ne se brisèrent pas, au grand dam de l'adolescente.
Voir le tableau vierge lui donna une idée. Celestia se saisit d'un bâton de craie blanche et traça en grandes lettres capitales, sur toute la longueur du tableau :
LE PROFESSEUR REGAL AIME LES ETALONS
Elle aurait pu penser à une insulte un peu plus réfléchie, plus fine ou une insulte qui soit vraiment une insulte en fin de compte mais l'alicorne était juste trop énervée pour s'arrêter aux détails.
Elle paracheva son œuvre de quelques dessins aussi obscènes que laids, censés ridiculiser son professeur. Celestia savait très bien qu'elle devrait tout remettre en ordre avant que Regal ou quelqu'un d'autre ne s'aperçoive de ce qu'elle avait fait mais les tripes de l'adolescente étaient trop en feu pour lui permettre d'écouter la partie rationnelle de son cerveau.
Pour la forme, elle tira la langue devant la salle de classe vide avant de sortir de la pièce, dans sa colère, ne remarquant même pas qu'elle laissait des traces de pas encrés là où elle passait.
L'alicorne gagna la sortie de l'école et se mit à marcher droit devant elle, sourde aux appels de ses camarades de classe qui restaient encore à proximité de l'école.
Une chance qu'on soit que vendredi, se dit l'adolescente, c'était le jour où Luna terminait plus tard. Du coup, Celestia avait l'habitude de rentrer seule directement à la maison ou de traîner quelques heures en ville pour venir chercher Luna à la sortie des classes avec son père ou sa mère.
Là, Celestia avait besoin d'être seule, dans un endroit calme. Et il n'y en avait qu'un qui lui venait à l'esprit.
Evercon.
Moins d'une demi-heure après son échange avec le professeur Regal, Celestia se trouvait dans l'atmosphère protectrice du bassin asséché des bois d'Evercon, coupée du monde, au calme.
Elle avait volé avec rage jusqu'à la forêt, incapable de se sortir les mots cruels de son enseignant de l'esprit. Ca ne lui suffisait pas de l'humilier devant toute la classe en la faisant passer pour une idiote ? Apparemment, il pouvait aussi frapper là où ça faisait mal. Ou ça faisait très mal.
Après l'incident à l'école, Celestia avait regardé le haut de sa cuisse avec espoir, priant pour qu'un dessin de feu, de destruction, de colère ou n'importe quoi soit sorti de son pétage de plomb.
Mais il n'y avait rien. Rien de plus que sa robe immaculée, aussi blanche que celle de son père était jaune, celle de sa mère blanc cassé et celle de Luna violette.
C'était injuste de ne pas avoir de cutie mark. Surtout à son âge. Celestia grandissait chaque jour, elle le sentait, la nuit dans ses os. Déjà, sa corne avait poussé et il lui avait semblé apercevoir ses premières étoiles dans sa crinière. A moins qu'il ne s'agisse que de pellicules. Mais tout de même !
Elle n'était plus une petite pouliche ! Pourquoi est-ce qu'elle restait un flanc-blanc ?
Oh elle la connaissait la rengaine sur la chance de découvrir qui on était vraiment. Ceux qui proféraient ce discours, bizarrement, avaient leurs cutie marks depuis bien longtemps et n'avaient pas à composer avec des camarades de classes adolescents complètements demeurés qui se moquaient d'une des dernières de la classe à avoir encore le flanc blanc. Non, Celestia se corrigea. Séraphine donnait sa cutieañera la semaine prochaine. Elle devenait donc
la dernière à avoir encore le flanc-blanc.
Ca aussi c'était injuste. Celestia avait pris sur elle pour aller vers Séraphine pensant qu'entre flancs-blancs, elles pourraient se serrer les genoux.
Séraphine l'avait traitée comme une moins que rien, ce qui avait enseigné à Celestia qu'il n'y avait pas que les licornes qui pouvaient se montrer imbuvables.
L'alicorne avait fait tant d'efforts pour entrer dans le cercle des amies de Séraphine, elle avait rendu tant de services, s'était pliée en quatre pour la ponette.
Celestia avait cru ses efforts récompensés quand Séraphine, lui avait glissé dans le sabot, d'un air tout à fait condescendent, un carton d'invitation gaufré pour sa cutieañera.
L'adolescente s'était alors laissé à rêver, à imaginer quelle serait sa vie une fois affichée officiellement amie de Séraphine. Comment elle pourrait parler tranquillement avec le père de la ponette, une des plus grosses fortune d'Equestria, comment elles pourrait à son tour, aider des poneys à s'introduire dans des cercles fermés, comment un jour, elle regarderait derrière elle et découvrirait une cutie mark flambant neuve sur ses cuisses.
Et maintenant, ce rêve était à l'eau, à cause de ce salopard de Regal.
Ah si Celestia l'avait eu sous la patte rien que cinq minutes ! Juste le temps de lui sauter à pieds joints sur le cou et...
Celestia détourna la tête en sentant des larmes de colère et de dégoût lui monter aux yeux.
A quoi bon ? Ce n'était la faute ni de Regal, ni de Séraphine si elle n'avait pas encore sa cutie mark, n'est-ce pas ? Celestia ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. Elle était la seule responsable de son malheur.
_Pourquoi est-ce que tu pleures ?
Masquant son visage avec son sabot droit, Celestia fit volte face. Devant elle, toujours dans l'ouverture sombre du mur du bassin, les yeux jaunes et rouges étaient à nouveau là. Le plein jour rendait la scène encore plus étrange. Le soleil éclairait l'ensemble du bassin mais le trou par lequel les yeux la fixaient restait aussi noir que la nuit précédente, quand Celestia était venue avec sa sœur chercher le ballon.
La voix était là aussi, toujours aussi étrange.
_C'est pas tes affaires, renifla l'adolescente en s'essuyant le nez à même la patte.
_A toi de voir, dirent les yeux.
Le ton marqua Celestia. Ce n'était pas le ton qu'on entendait quand la personne voulait nous faire cracher le morceau en faisant semblant de nous laisser le choix. Là, les yeux s'en moquaient vraiment. Pour de vrai.
_Est-ce que t'existes ? demanda l'alicorne en s'asseyant sur ses fesses, bien en face au trou.
_Bien sûr que j'existe. Je suis même en train de te parler, tu entends ? A moins que tu ne sois folle et que je ne sois qu'une création de ton cerveau malade.
Mais même là j'existerais, même si ça serait que dans ta tête.
La remarque n'était pas idiote. Presque philosophique. Une des rares disciplines enseignées par Regal qui ne barbait pas complètement l'adolescente. Elle aimait bien se tordre le cerveau sur des questions sans réponse. Plus jeune en tout cas, c'était le cas. Un peu moins peut-être maintenant qu'elle était ado.
_Moi aussi des fois, j'aimerais vivre dans un trou.
_Et pourquoi ça ?
_Parce que t'es à l'abri en dessous. Personne te voit, t'es tranquille, y a personne pour t'embêter.
_Peut-être que je me cache pas parce qu'on m'embête. Peut-être que je me cache parce que c'est moi qui embête les autres.
Ce qui quelques minutes auparavant semblait d'une logique implacable à Celestia venait d'être démonté en quelques mots par la voix.
_C'est idiot, dit Celestia après quelques secondes de réflexion, l'exercice éloignant de sa pensée la cutieañera et les mots cruels de Regal. Si tu te caches, tu peux embêter personne. Et puis les brutes sont pas du genre à se cacher dans l'ombre, au contraire.
Le silence fut pendant un long moment, la seule réponse qu'obtint l'alicorne. Seuls d'imperceptibles mouvements des yeux prouvaient que son interlocuteur était toujours éveillé et dans la conversation.
_Ok, admit-il en reprenant brusquement la parole, aussi facilement qu'il avait laissé un blanc gigantesque l'espace d'avant. Je me cache parce qu'on m'embête.
_Et pourquoi est-ce qu'on t'embête ?
_Parce que je suis un monstre.
La voix avait dit ça sans effet comique, ni dramatisation. C'était un fait pour elle, dit aussi sûrement que si Celestia avait affirmé que sa crinière était rose ou celle de sa cadette bleue.
_Un monstre ? répéta Celestia, levant un sourcil. Quel genre de monstre ?
_Le genre qui préfère justement rester dans l'ombre et l'obscurité.
_Mais tu t'ennuies pas trop là dessous ? Si t'es dans le noir tout seul comme ça...ça doit être lourd non ?
_Pas forcément, dirent les yeux, y a de l'animation de temps en temps. Des fois, c'est trop de la balle.
Et elle l'entendit pour la première fois. Son rire. Un rire qui n'en était pas vraiment un tant il semblait plutôt être une succession de gloussements et de ricanements qu'un vrai rire. Celestia supposait qu'il avait voulu faire un jeu de mot concernant le fait qu'il avait gardé leur ballon.
En plus d'un rire bizarre, la personne à qui appartenaient ses yeux avait un sens de l'humour assez déplorable.
Celestia se força toutefois à afficher un petit sourire. Le mystère de ce lieu et de cette personne l'intriguait et elle ne voulait pas la froisser. Elle se dit qu'après tout, la raison de son amertume n'était pas secrète et elle raconta à la voix l'incident de cet après-midi, en mettant l'accent plus sur la méchanceté de Regal que sur le reste, peut-être de peur que la voix se moque d'elle à son tour à cause de son flanc blanc.
_Si je comprends bien, demanda la voix, tu as tout cassé dans la salle de cours après que ton professeur soit parti ?
_Oui, confessa Celestia, réalisant soudain quel comportement infantile elle avait eu.
_Je comprends, dit la voix.
L'alicorne dressa l'oreille, intriguée. La voix avait dit qu'elle la comprenait c'était bien ça ?
_Tu avais besoin de passer ta colère sur quelque chose, dit la voix sans se départir de son ton caressant. On tape dans quelque chose quand on est énervé, c'est un geste naturel. Ce qui aurait été contre-nature, ça aurait été d'accepter que ton professeur t'humilie comme ça sans réagir.
_Tu crois ? Demanda l'alicorne, cherchant dans l’assurance de la voix, la force de balayer ses propres doutes.
_Je vois pas quel intérêt j'aurais à te mentir.
Celestia se mit à entortiller une de ses mèches de cheveux autour d'un de ses sabots.
_Je vais quand même sacrément me faire punir pour ce que j'ai fait. J'ai quand même cassé la classe, insulté le prof, je vais...
_Est-ce qu'il y a des preuves ? questionna la voix, coupant l'alicorne dans sa pensée. Est-ce qu'il y a la moindre preuve qui te relie avec le matériel cassé à ton école ?
Celestia plissa le front pour s'aider à réfléchir. Puis ses yeux se perdirent sur le sabot encore noir autour duquel elle avait entortillé quelques mèches de sa crinière.
_L'encre, dit-elle en reposant brusquement sa patte à terre et en grattant la corne contre la pierre pour en faire tomber le liquide séché. J'ai cassé des encriers et quand je me suis en allé de l'école, j'ai dû laisser des traces dans la salle. Regal connait mes fers. Je suis morte.
_Pas forcément, répliqua la voix. Les cours sont finis dans cette classe-là, c'est ça ?
Celestia hocha la tête.
_Y aura personne avant demain huit heures.
_Alors t'as jusqu'à sept heure cinquante neuf minutes, cinquante-neuf secondes pour y retourner et effacer l'encre. Sans ça, personne pourra prouver que c'est toi qui a fait le coup.
_Mais comment est-ce que j'efface de l'encre qui a séché ? demanda Celestia, sentant la panique la gagner à l'idée que Regal aille répéter à ses parents ce qu'elle avait fait.
_Tu grattes, dit la voix d'un ton didactique. Ou tu finis le travail.
_Comment ça je « finis le travail ? ».
_Ne te fais pas passer pour plus bête que tu l'es. Fonce faire ce que tu as à faire. Ton école va bientôt fermer.
Celestia leva la tête vers la position du soleil et jura. La voix avait raison si elle perdait encore de temps, le reste du bâtiment allait être verrouillé et l'adolescente ne pourrait plus sauver ce qui pouvait encore l'être. L'alicorne courut hors des bois le plus vite possible et dès qu'elle le put, elle déploya ses ailes et retourna à Canterlot.
Les cloches de l'école annonçaient la fermeture imminente quand l'adolescente se posa devant le bâtiment. Les parents et les familles des poneys plus jeunes attendaient leurs enfants d'une minute à l'autre. Celestia reconnut la robe jaune de son père.
L'alicorne se fit la plus petite possible, se faufilant au travers de la foule et profitant du tumulte pour se glisser derrière le débarras. Elle colla son nez contre la vitre et vit ou plutôt, revit les dégâts qu'elle avait commis plus tôt. Seule une petite série de pas noirs qui s'éloignaient indiquaient l'auteur du forfait.
Comment faire pour effacer ça ? Elle ne pourrait pas rentrer gratter alors pourquoi est-ce que la voix lui avait conseillé de finir le travail.
Hey, une minute. Et si « finir le travail », ça voulait dire...
Celestia se concentra et utilisa sa magie pour prendre télékynésiquement trois autres encriers pleins qui dormaient sur une étagère avant de les amener au dessus des pas. Puis, elle les lâcha.
Les petites bouteilles vomirent leur contenu sur le parquet et un soupir, les traces de fer étaient avalés par une gigantesque tache noire.
Bonne chance pour m’identifier avec ça Regal ! pensa une Celestia toute sourire.
L'alicorne regagna l'entrée de l'école et faisant mine d'arriver d'ailleurs, vint se placer à la droite de son père qui ne cacha pas sa surprise de la voir à ses côtés.
Celestia lui répondit avec assurance qu'elle avait voulu attendre sa petite sœur avec son père. Hélios n'eut pas le temps de pousser ses réflexions plus loin puisque Luna apparut en tête de ses camarades de classe, Monsieur Sîn dépassant à moitié de son cartable.
La petite alicorne bondit de joie en voyant non seulement son père mais aussi si grande sœur qui avait fait l'effort d'être là pour elle.
Celestia poussa son rôle jusqu'à soulager Luna du poids de son cartable, lui laissant garder serrée contre elle sa peluche. Comme une véritable grande sœur en somme.
Bien plus tard cette nuit là, Celestia était de retour au bassin asséché, pour s'entretenir avec la voix. Elle avait eu du mal à faire le mur mais voulait discuter avec la mystérieuse personne qui vivait dans le trou et qui l'avait tirée d'un bien mauvais pas. L'alicorne avait commencé par raconter comment elle s'était servie des encriers pour effacer ses traces, à la fois métaphoriquement et au sens propre, avant d'enchaîner sur son jeu de rôle auprès de son père et de sa sœur et de comment elle avait discrètement décollé de la maison familiale pour venir ici.
Le récit fit rire la voix de nombreuses fois. Et mine de rien, Celestia aussi.
Puis, au détour d'une phrase, Celestia estima que la personne a qui appartenaient cette voix et ses yeux, quelle qu'elle soit, l'avait bien plus aidée que certaines de ces soi-disant amies de l'école. A cet égard, elle méritait que l'adolescente lui pose une question :
_Tu veux bien être mon ami ?
_Je ne sais pas ce que c'est, répondit la voix avec franchise.
Celestia marqua un temps d'arrêt. Comment quelqu'un pouvait-il ne pas savoir ce que c'était que l'amitié ? A moins que...c'est vrai qu'il vivait tout seul dans le noir. Il ne devait pas voir beaucoup de monde, il l'avait dit lui-même.
_Je t'apprendrais, lui promit Celestia.
_Comment ça marche ?
_Déjà, on commence par se donner nos noms. Moi, c'est Celestia.
_Discord, dit-il du bout des lèvres, comme s'il avait honte de s'appeler ainsi.
_Discord, répéta l'adolescente plusieurs fois pour s'habituer au prénom de son nouvel ami. Ok. Et ben Discord, je pense qu'on peut commencer par se taper dans la patte, déclara t-elle en joignant le geste à la parole et en tendant son sabot droit devant elle.
Celestia vit une patte de lion sortir timidement du trou où Discord se terrait pour heurter avec douceur son sabot. L'adolescente sourit alors que la patte de lion rentrait immédiatement sous terre, presque comme tirée en arrière par un ressort.
Ca allait être quelque chose cette amitié avec Discord.
Celestia était prête à le jurer.