Chapitre I/ Un cri dans l'espace

L'espace infinie. La mer de ténèbres et d'étoiles. Le voile divin de l'univers. La Grande Nuit. Une immensité à même d'étourdir le voyageur le plus expérimenté. Une merveille cyclopéenne. Un cauchemar silencieux.
Fluttershy prit conscience qu'elle flottait dans l'espace. Une de ses multiples phobies.
L'espace est quelque chose de véritablement effrayant. Un territoire si immense que les frontières ne s'y appliquent plus, où l'individu devient encore moins qu'une poussière. Une sorte de nuit éternelle qui étouffe même la lumière des étoiles, réduites à de simples confettis.
La pégase hyperrespirait, gagnée peu à peu par la peur. Elle tenta de bouger mais impossible! Elle flottait dans l'espace intersidérale, abandonnée par la gravité.
Et ce silence! Cet horrible silence! Cet absence de son, si perturbante, qui donnait l'impression constante d'être anesthésié!
Fluttershy commença à sangloter sous le coup de la nervosité. C'est en tentant de sécher ses larmes qu'elle s'aperçut qu'elle ne portait aucune combinaison! Brusquement, elle sentit d'un coup l'absence d'oxygène! Les deux sabots serrés sur sa gorge, poussant un cri d'horreur silencieux, Fluttershy sombra dans les ténèbres, lentement étouffée.

-Est-ce que tout va bien, dame Fluttershy?
Fluttershy reprit conscience, emmêlée dans les draps, au pied de son lit. Le garde, chargé de sa sécurité, tambourinait à la porte.
-Oui,oui, je...pas de soucis! Tout va bien!
La pégase se réinstalla dans son lit. La tête couchée sur l'oreiller, elle contemplait le plafond de sa chambre qui, quelques minutes auparavant, était le vide spatial. Ce cauchemar...Il revenait constamment!
Fluttershy fit ce qu'elle faisait d'habitude pour s'endormir: énumérer tous le protocole inhérent à sa fonction et à sa personne. Cette longue suite de titres et d'honneurs, où le prestigieux côtoyait le ronflant, qui reflétait un passé familial glorieux. Un honneur dont, compte tenues des obligations, elle se serait bien passée!
Encore baignée de sueurs, la pégase prit son inspiration et récita lentement:
-Mon nom est Dame Posey Fluttershy, de la grande famille Startree, membre d'honneur de l'armée Equestrienne, ...membre du conclave de l'Harmonie, ....citoyenne de l'Empire d'Equestria, sous la bienveillance... de l'Impératice Celestia et de la Reine-servante Luna,...

-Avec la découverte des pouvoirs psychiques, communément appelé "magie" par celles qui allaient devenir souveraines du futur empire, les poneys purent maîtriser les aspects les plus périlleux du voyage spatial par l'apparition d'une discipline qui doit tout à la magie: la cartographie stellaire.
Twilight récitait son cours tandis que l'ordinateur notait tout ce qu'elle disait. Habituellement ce rôle était dévolue à son assistant, Spike mais celui-ci s'était absenté pour plusieurs semaines. Il accompagnait son amie Rarity dans un de ses nombreux voyages d'affaires.
En tant que professeur à l'académie d'élite de l'Empire, Twilight enseignait l'Histoire aux jeunes recrues. Certains d'entre eux deviendront pilotes. D'autres soldats. Mais tous, d'une manière ou d'une autre, serviront l'Empire d'Equestria, dont elle leur racontait les exploits les plus impressionnants, les victoires les plus éclatantes et les défaites les plus instructives.
Elle s'aperçut soudain que cela faisait presque 10 minutes que la machine attendait la suite de son cours. Elle en reprit alors le fil:
-D'un peuple autrefois nomade, les poneys purent désormais revendiquer la possession des planètes qu'ils découvraient. La cartographie spatiale permit de retrouver des planètes déjà fréquentées et encore vierge de présence non-poney.
Ce furent les bases de l'Empire. Nous rencontrâmes d'autres peuples, certains pacifiques comme les ânes, d'autres plus agressifs comme les griffons et d'autres complètement neutres comme les dragons. Ces rencontres ne furent pas sans incidence sur le développement du tout jeune empire. Il fallut désormais adapter les techniques traditionnelles de vol à une utilisation guerrière. C'est ce que nous verrons au prochain cours....

Loin, aux frontières de l'Empire d'Equestria, quelque chose se tramait dans la Bordure Rouillée. Ce nom désignait un agrégat de vaisseaux en ruine set de déchets mécaniques, agglutinées en suspension dans l'espace. C'était ici que les autorités impériales plaçaient les épaves trop grosses pour être recyclées immédiatement, en oubliant souvent de revenir les chercher. On disait également que certains princes-marchands n'hésitaient pas à y enfouir des produits trop dangereux pour leurs bénéfices et trop interdits pour être remis aux autorités compétentes. Une décharge sauvage à cosmos ouvert, en somme.
De loin, on aurait pu considérer cet amas de ferraille comme un simple champs d'astéroïde – rôle qu'il remplissait accessoirement, au passage! Les pilotes évitaient soigneusement ce genre d'obstacle, susceptible d'endommager un vaisseau et de précipiter tout un équipage dans le néant spatial, la Noire comme le surnommait les membres d'équipage les plus vieux. On avait coutume de dire que seul les fous osaient amener leur vaisseau dans une zone pareil. Les fous ou les fouisseurs.

Le Cutie Mark Crusader arriva en vue de la Bordure Rouillée. Malgré son nom pour le moins belliciste, il s'agissait d'un vaisseau de petite taille, de ceux que les ingénieurs utilisaient sur les chantiers spatiaux: un (très petit) hangar, de la place pour trois personnes maximum (et encore) et une vitesse de pointe (tout juste) digne d'un cargo en fin de vie. A en juger par les différentes teintes des tôles qui composait la coque du vaisseau, celui-ci avait dû être construit de toute pièce, sûrement avec du matériel de récupération. Dernier détail rajoutant au pittoresque de l'engin, trois tête de poneys (l'une jaune, l'une blanche et l'autre orange) était taguées sur le flanc de l'engin.

-Rarity ne sera pas contente quand elle s'apercevra qu'on est sorti sans sa permission! Dit Sweetie Belle en fixant à travers le hublot, un vaisseau marchand, non loin de là.
-Rarity n'en saura rien, répondit Applebloom en examinant les divers cadrans du poste de contrôle. On sera revenus avant même qu'elle s'en aperçoive.
En tant que mécanicienne, Applebloom avait en charge la maintenance du vaisseau. Sweetie-Belle était chargée des communications et du radar. C'était elle qui avait entourloupé en beauté le surveillant du hangar du vaisseau de Rarity. Le plus dur avait été de ne pas rire devant la naïveté du garde! Décidément, Rarity n'embauchait pas que des finauts! En y repensant, les deux ponettes furent prises d'un début de fou-rire.
-Un peu de silence, j'essaie de manœuvrer, grogna Scootalloo. Étant la seule de l'équipage à avoir une licence de vol, elle était devenue de fait le pilote du Cutie Mark Crusader.
-Voilà-LA! Comme-ça! C'est bon, on est assez prêt! Vous pouvez sortir!
Sweetie-Belle et Applebloom se dirigèrent vers le fond du vaisseau, là ou se trouvait le sas. En enfilant les combinaisons spatiales, celles-ci se remémorèrent comment elles étaient arrivées jusque là.
Le prince-marchand Rarity, la grande sœur de Sweetie-Belle, les emmenaient souvent à travers la Grande Nuit, rencontrer d'autres planètes et découvrir des lieux uniques dans toute la galaxie. C'est au fil des voyages que les trois gamines décidèrent de devenir ce qui semblait à leur yeux le plus beau métier qui soit: fouisseur.

Ce métier est pratiqué par l'ensemble des peuples de la galaxie. Les fouisseurs fouillent les carcasses de vaisseau à la recherche de matière recyclable (métal), récupérable (carburants) ou de richesse oubliée (artefacts, butin). Ils doivent toutefois être déclaré auprès de l'administration impérial, même si n'importe qui peut devenir fouisseur: la seule condition est d'avoir un vaisseau et le matériel nécessaire. Malgré son coté "freelance", le fouisseur est tenu à certaines règles comme la récupération des corps trouvées dans les carcasses ou la remise à l'autorité compétente de toute cargaison illicite. Cette dernière règle est difficile à appliquer, certains princes-marchands peu scrupuleux n'hésitant pas à racheter TRES cher ce genre de marchandise. Un métier à la mesure de ceux qui n'ont pas froid aux yeux.

Les trois ponettes avaient fouiné pendant des mois dans les pièces usagés et les machines hors service du Levertine, le vaisseau de Rarity, pour récupérer du matériel. Devant tant de passion, la sœur de Sweetie-Belle avait décidé de les récompenser en leur fournissant la coque d'un vaisseau de chantier. Des mois après, devant l'air stupéfait de Rarity, l'engin, nantie d'une seconde jeunesse, décollait sous les applaudissements.

Applebloom, Sweetie-Belle et Scootalloo espérait bien utiliser leur réalisation dans leur rêve de devenir fouisseuse: découvrir des trésors inestimables tel que des artefacts extraequestres ou le butin de quelques corsaires de l'espace. Mais las! Rarity leur avait formellement interdit d'utiliser ce vaisseau dans l'espace! "Ce n'est pas un terrain de jeu, vous vous amuserez avec votre jouet quand nous aurons atterri", leur avait elle dit. Un JOUET! Le Cutie Mark Crusader, le vaisseau qui allait assurer leur renommée, un JOUET!

Mais les trois ponettes avaient bien l'intention de montrer à Rarity de quoi elles étaient capables. Le soir-même, le Cutie Mark Crusader quittait secrètement le hangar du Levertine.
-Nous sommes prêtes.
Scootalloo appuya sur un bouton et la porte du sas s'ouvrit. Applebloom et Sweetie-Belle s'y engouffrèrent. Un autre bouton, le sas se referma. A partir de maintenant, les radios incluses dans les combinaisons seraient le seul moyen de communication.
Applebloom et Sweetie-Belle firent enfin le grand saut dans l'immensité spatiale. Leur combinaison étaient harnachés ensemble à un câble d'acier: une mesure de sécurité élémentaire lors d'un saut dans la Noire.

Scootalloo, s'ennuyant déjà, suivait le moniteur, en buvant sodas sur sodas et écoutant les pubs débiles de la radio: "La nouvelle feta Arakis! Arakis, la bonne feta plein d'Epice!".
Les deux ponettes avaient fini par trouver une brèche en fouillant la surface de l'amas d'épave. C'est au cœur des ténèbres de ces ruines qu'elles trouveraient leur future fortune.

-...,donc en échange des cristaux, nous vous fournissons le matériel de construction; si vous rajoutez 30%, nous pouvons vous offrir l'installation, à moins que vous n'ayez des soieries et autres textiles, dans ce cas, nous serions très intéressé, mais nous avons aussi des céréales directement importé de nos colonies, sachant que le cours est 0,3% plus avantageux pour vous, vous faites une affaire; oh, et je ne vous parles pas des équipements que nous avons en réserve! Vous ai-je dit que les textiles m'intéressait?
Rarity jeta un regard aguicheur sur son interlocuteur, un griffon un peu enrobé dont la tenue élaboré soulignait son rang, probablement le descendant indirect de la famille royale de Gryffonya. Celui-ci s'essuya le front tout en tentant de rassembler ses esprits. Les gardes de Rarity faisait tout leur possible pour verrouiller leurs pensées: quiconque tentait de suivre leur maîtresse dans ses négociations commerciales était bon pour une migraine carabinée. Le sens du commerce de Dame Rarity était célèbre dans tout l'Empire.
Spike, son "secrétaire-provisoire", profita de ce moment de silence pour s'autoriser une pause. Il avait insisté pour suivre Rarity dans ses prochains voyages, délaissant la torpeur de l'Académie Impériale pour l'excitation des voyages spatiaux. Il y aurait sûrement réfléchi à deux fois s'il avait su que sa tâche ressemblerait trait pour trait à celle qu'il exerçait avec Twilight. Une chance qu'il disposa d'un clavier numérique pour écrire ses comptes-rendus: il y a quelques siècles, ça aurait été l'écriture à la plume sur du parchemin!
Le dragonnet en profita pour admirer la salle de discussion: celle-ci, circulaire, ressemblait à une sorte de jardin, avec ses plantes tropicales et importés des planètes les plus lointaines. Les meubles et les décorations, forgés en cuivre, s'épanouissait en arabesque et en liane. Le Levertine comportait une dizaine de salles de discussions. Toutes différentes et dessinées par la maîtresse des lieux en personne. Une œuvre d'art à la gloire du prince-marchand.

Rarity était le membre d'une communauté d'entrepreneurs, parfois de noble lignée, qui recevaient mandat de l'empire pour faire du commerce au-delà des frontières impériales.
Le rôle des princes-marchands ne se limitait toutefois pas à cela: ils peuvent louer une place à bord de leur vaisseau pour des particuliers (colons, explorateurs), doivent rendre rapport des produits circulant dans leurs cales (afin de lutter contre le trafic prohibé), participer financièrement à la reconstruction des colonies proches et peuvent même faire office d'ambassadeurs. Le genre de statut qui nécessite un bon secrétaire.

Le griffon réunit au fur et à mesure ses pensées avant de bafouiller son accord. Le sourire aguicheur de la licorne s'étendit encore plus. Elle allait enchaîner sur la suite des négociations lorsqu'un des garde de la porte se pencha à l'oreille de son employeuse. Spike parvint à reconnaître les mots "communication", "hangar" et "vaisseau disparu".
-Je vous prie de m'excuser Lord Archibald. Une situation urgente requiert mon attention. Pourquoi ne pas remettre la suite de la discussion à demain? Profitez donc des bains moussants du Levertine: vous verrez, cela détend comme jamais. J'achète les plantes aromatiques des bains directement auprès des zèbres. Il n'en y a pas de meilleur!
Le griffon acquiesça avant de se retirer. Spike le regarda sortir de la salle avant de tourner la tête en direction de Rarity. Ce qu'il vit commença à l'inquiéter: le visage fin et gracieux se recouvrait peu à peu d'une sorte de nuage sombre et mouvant. Comme une colère qui grandit.

-Attention à ta tête!
Sweetie-Belle se baissa pour ne pas heurter une câble pendu comme une liane. Les deux ponettes avançaient au cœur de cet amalgame de vaisseaux. Applebloom, équipée d'un laser de découpe, taillait un chemin à travers le métal rouillé. Sweetie-Belle tirait derrière elle un sac remplie d'objets prélevées de ça et là: des circuits intégrées à moitié mâchonnées, des puces de filtration de l'eau, des carcasses d'armes inutilisables et même un JEK (Jardin d'Enfants en Kit). De par l'absence d'oxygène et la faible gravité, le sac prenait l'allure d'une montgolfière miniature prête à s'envoler.
Soudain, Applebloom s'arrêta net et Sweetie-Belle faillit lui rentrer dedans:
-Eh! Pourquoi tu t'arrêtes?!
La ponette jaune régla la lampe de sa combinaison avant de prononcer faiblement:
-J'ai cru voir passer quelque chose...

La radio continuait à parler mais Scootaloo n'entendait même plus: les sabots sur le tableau de bord, en équilibre sur le siège du pilote, elle venait de passer de l'ennui à la somnolence puis à la sieste comatique. Sa poitrine, ornée d'un paquet de chips vide, se levait et s'abaissait au rythme de sa respiration tandis qu'un mince filet de bave commençait à descendre de la commissure de ses lèvres.
L'ordinateur de bord ronronnait, comme si lui aussi avait fini par s'assoupir. Mais il ne tarda pas à se réveiller. En sursaut.
-QU'EST CE QUE VOUS FAITES-LA??!!

La figure de Rarity, visiblement en colère, venait d'apparaître soudainement à l'écran. Les hauts-parleurs retransmirent à merveille son cri de rage, assourdissant Scootaloo. Celle-ci dégringola de son fauteuil puis se releva, la tête coiffée de son paquet de chips. C'est là qu'elle reconnut Rarity:
-Oh, oh..., fit -elle en se levant et en s'appuyant sur un des boutons du tableau de bord.

Les deux ponettes sentirent soudain un frémissement au niveau de leur combinaison. Avant qu'elles n'ait pu esquisser le moindre geste, le câble d'acier se tendit, les arrachant d'un coup aux entrailles de l'épave. Hurlantes de surprises, elles traversèrent à toute vitesse le tunnel creusé à travers le métal avant de manquer de s'assommer contre la paroi du Cutie Mark Crusader.

-Je vous avais formellement interdit de sortir du Levertine ! Et je vous avais aussi interdit d'utiliser votre jouet ! L'espace n'est pas un jardin d'enfants !
Rarity sermonnait l'équipage du Cutie Mark Crusader en se dirigeant vers les ascenseurs du Levertine. Spike les précédait.
Les trois ponettes étaient rentrées toutes penaudes au vaisseau. Rarity détestait qu'on lui désobéisse. Et détestait encore plus qu'un de ses ordres ne soit pas promptement suivi d'effets. Elle et Spike les avait cueilli dès leur atterrissage dans le grand hangar et ils se dirigeaient à présent vers la salle des machines.
Le Levertine était un vaisseau gigantesque. Comme tout les vaisseaux de cette taille, il a été construit dans l'espace (et ne peut pas se poser sur les planètes). Il s'agit d'un standard pour les vaisseaux-marchands: ce n'est ni plus ni moins qu'un croiseur impérial configuré à des fins civiles.
Tout vaisseau marchand comporte un hangar et des soutes où sont stockées les marchandises. Les étages supérieurs comprennent les appartements et les salles de négociations, parfois richement décorées.
On trouve beaucoup de personnes à bord de ce genre de vaisseau: il y a l'équipage, le prince-marchand et ses auxiliaires, les gardes (il s'agit d'un service de sécurité privé, à ne pas confondre avec les gardes impériaux), les manutentionnaires (ingénieur logistique, majordome, transporteurs...) et les éventuels passagers supplémentaires (fouisseurs, voyageurs) qui paient un "loyer" en échange de l'accès au hangar et à une chambre à coucher.
L'emblème du prince-marchand est affiché sur la coque avant du vaisseau. Le Levertine est également reconnaissable à sa proue, représentant une sirène.
Enfin, un tel vaisseau étant une proie pour les pirates, il comprend à son bord un petit nombre de chasseurs et un système de bouclier. Un véritable petit royaume.

Spike était à bord du Levertine depuis plus d'une semaine et pourtant, il se rendait compte à quel point il connaissait mal le vaisseau. Quelques étages en dessous les salles de négociations, le spa et les appartements, soigneusement séparé du hangar et des quartiers d'équipage, ce situait la partie "vitale" du Levertine : la salle des machines.
Les portes blindés s'ouvrirent en reconnaissant le joyau que Rarity portait autour du cou. Spike eut le souffle coupé : si les étages supérieurs n'étaient que raffinement et luxe, la salle des machines était un immense bazar de câbles, de dendrites et de machinerie complexe. Un jet de vapeur s'échappait de temps à autres des colonnes qui se dressaient de par et d'autres de la salle. En Levant la tête, Spike reconnut un cristal énergétique sise dans chacune des structures, chacune alimentant une section entière du Levertine. Rarity se dirigea vers le centre de la salle des machines, où trônait un cristal immense, celui qui alimentait les moteurs du vaisseau.
-Applejack !
La ponette, le visage et la tunique recouverte de cambouis et de tâches, leva la tête en entendant son nom. Elle pris un chiffon posé sur une des machines et s'essuya le visage.
-Tu pourrais surveiller ta petite sœur ! On les a attrapés en train de fouiller les carcasses dehors !
-Ah, fit Applejack en finissant de s'essuyer. Big Mac ! (elle tourna la tête en direction du grand poney rouge, qui manipulait un caisson remplie de cristaux énergétiques usés). Tu surveilles la bête (dit-elle en posant un sabot sur le réacteur central) quelques minutes, j'ai à faire !
-Yep !
Applejack se dirigea vers Applebloom. La petite ponette baissa la tête, attendant l'inévitable colère.
-Alors... il fonctionne votre vaisseau ?
-Oh oui ! On est allé jusqu'à la Bordure Rouillée, s'exclama la ponette en levant la tête et en affichant un air de fierté.
-C'est du bon boulot.
-Applejack ! S'exclama Rarity.
-C'est un vrai travail d'équipe. Scootaloo n'a eu aucun mal à le piloter. Et on a même réussi à ramener du butin !
-C'est super, ça ! Tu as trouvé des objets de valeurs ?
-Applejack !
-Bin, quelques circuits, deux ou trois armes,... De la récup, quoi !
-Bah, faut un début à tout ! La prochaine fois, vous...
-APPLEJACK !!
L’intéressée et Applebloom tournèrent la tête en direction de Rarity.
-J'aurais préféré que tu lui fasse la leçon, pas que tu l'encourages dans ces bêtises !
-Que veux-tu ? Faut les comprendre, c'est pas facile de rester tout le temps à bord de cette épave.
-Epave ? EPAVE ? Le Levertine, une épave ?! Comment ose-tu ?! J'ai dessiné moi-même les plans, il a été fabriqué avec les meilleurs matériaux, c'est l'incarnation même du luxe, c'est...
-Là c'est l'artiste qui parle. Moi, je suis ici tous les jours et je parle d'expérience quand je parle de ce tas de ferraille.
Spike sentit immédiatement la tension qui grandissait entre les deux poneys. Rarity était le prince-marchand, la propriétaire du Levertine. Mais Applejack était la chef mécanicienne et c'était grâce à elle si le vaisseau fonctionnait. On avait coutume de dire que la gestion d'un vaisseau spatial, surtout de cette taille, était une affaire d'équipe. Rarity la propriétaire et Applejack la chef mécanicienne se disputaient souvent, de par leur caractère opposé. Encore heureux, le capitaine du Levertine, Snowflake, était dévoué à la sécurité du vaisseau et veillait à ne jamais se mêler de ce genre de querelles. Attitude prudente et parfaitement sensé, quand on y pense.

-Avouez que vous êtes quand même pas doué.
L'imposant Snowflake, le capitaine du vaisseau, s'adressait à Thunderlane, un des gardes de Rarity. Celui-ci était de surveillance pour le quai. Et pour son plus grand malheur, c'est lui qui s'était fait avoir par Sweetie-Belle, pour qu'il les laisse sortir, le laissant désormais devant ses responsabilités : faire face au capitaine.
Les deux personnages discutaient sur le quai, juste devant le Cutie Mark Crusader. L'objet du délit.
-Elles... elles ont été très convaincantes... je pouvais pas me douter...
Snowflake expira d'un coup par ses naseaux. Cela voulait dire chez lui "Pas ce genre d'excuse avec moi, mon petit bonhomme." Thunderlane se souvint des ragots parmi l'équipage qui disait que le capitaine avait du sang de minotaure dans les veines. Maintenant qu'il faisait face au courroux de l’intéressé, il se dit au fond de lui même que décidément, les mauvaise langues ont toujours raison.
Tout deux étaient revétu de l'uniforme des gardes du prince-marchand : une combinaison blanche, rehaussé de violet. Les points vulnérables étaient renforcés par des plaques souples et un casque à panache, orné du symbole de Rarity, protégeait la tête.
-Bon. Vous m'inspectez vite fait cette poubelle (en désignant du menton, le Cutie Mark Crusader) et vous me rejoignez dans mon bureau, que je réfléchisses à une sanction qui vous vaccinera de votre naïveté.
Tandis que l'imposant pégase s'éloignait, Thunderlane grogna en pensant qu'il devait cette remontrance aux caprices de trois gamines. En se dirigeant vers le petit vaisseau, il disserta à lui-même les bienfaits d'une bonne fessée.

Maugréant à propos de l'irrespect des techniciens pour l'art et l’esthétisme, Rarity sortit de la salle des machines, suivie de près par Spike. Applejack retourna à sa besogne, entretenir les machines du vaisseau. Les trois petites ponettes se mirent à la tâche, aider Big Macintosh à tirer les wagons de cristal au rebut et à vérifier l'alimentation des machines.
-Alors, c'était comment ?, demanda Scootaloo tandis que les trois amies essayaient de pousser un wagon deux fois plus gros et large qu'elles.
-Il nous ai arrivé un truc bizarre, dit Applebloom. Juste avant que tu nous "ramènes" au vaisseau. Elle lança un regard appuyé à Scootalloo qui répondit par un sourire gêné. Le pilote ne doit jamais s'endormir à son poste, surtout si le reste de l'équipage est en vadrouille.
-Après, on a pu le temps de voir, intervint Sweetie-Belle. On a peut être juste mal vu. Il paraît que dans l'espace, on peut être victime d'hallucinations.

-"Une poubelle", qu'il a dit. Non, capitaine ! Une poubelle, c'est encore quelque chose de solide ! Ça, mon capitaine, c'est un gruyère métallique, un tas de rouille et d'ordures, une honte de la technologie !
Thunderlane continuait sa litanie de plaintes tandis qu'il inspectait l’intérieur du vaisseau. C'était sa manière à lui de passer ses nerfs : crier de plus en plus fort ce qu'il avait sur le cœur, là où personne ne pouvait l'entendre. Et surtout pas le capitaine.
Le fait qu'il se prit plusieurs fois les sabots dans les câbles qui traînaient par terre ou qu'il se cogna le genou dans une des machines, montée à une hauteur trop basse (mais pas pour son équipage habituel), n'arrangea pas son humeur :
-C'est pas ma faute si la petite sœur de Dame Rarity est une gamine insupportable ! C'est pas non plus ma faute si celle-ci a des copines aussi insupportables qu'elle !
"Naïveté" ? Mais mon capitaine, ce mot, on a déjà du vous le sortir quand vous étiez en bas de l'échelle, non ?! "Naïveté" ? Pour une infime erreur de rien du tout ? Vous me prenez pour quoi ? Vous me prenez pour qui ?
Et ce n'est pas la peine de me faire votre regard ! Malgré tout le respect que je vous dois, vous mériteriez que je vous colle mon sabot dans votre sale...
Un petit bruit métallique l'interrompit d'un coup.
Stupéfait, il resta fixe, dans l'attitude menaçante qu'il avait pris en "s'adressant" au capitaine. Il finit par se baisser et tendre l'oreille contre le sol.
A cet heure, le quai était peu fréquenté et la plupart des machines de manutention était à l'arrêt. Sans ce silence inhabituel, jamais il n'aurait pu percevoir ce bruit infime, presque étouffé. Un bruit de mastication.

Le garde inspecta du regard le sol du vaisseau. Pas de d'ouverture visible, bien qu'avec ce tas de ferraille, il n'aurait été qu'à moitié surpris si le sol avait soudainement cédé sous son poids. Juste une trappe, au milieu du hangar, permettait d'accéder à l'espace entre la coque et les machines. Trop étroite pour lui.
Le pégase sortit du vaisseau, l'oreille attentif. Arrivé sur le quai, il tourna autour du Cutie Mark Crusader, d'un air méfiant. Pour Thunderlane, ce tas de ferraille avez pris l'apparence d'un bernard-l’hermite : sous son air rouillé et inoffensif, la coque abritait peut être un prédateur affamé. C'est en passant la tête sous l'engin qu'il remarqua un trou dans la coque. Le métal à la peinture écaillée semblait avoir été rongé. L'ouverture était assez grande pour faire passer un poney suffisamment mince. Il s'éloigna du vaisseau et revint après avoir pris quelque chose sur le quai.

C'était un rayonneur de taille moyenne, le modèle standard.
Alimenté par un minuscule cristal énergétique, cette arme émet un tir de laser, de puissance et de portée variée selon les différents gabarits. Il est activé par une impulsion neural, inséré dans l'armure ou le vêtement du porteur, sur simple volonté. Les modèles les plus petits peuvent être fixés sur le casque et servaient en combat rapproché. Les modèles moyens, comme celui que tenait le pégase, se fixent sur l'épaule et sont les plus répandues. Enfin, les versions les plus lourdes nécessitent un trépied (ou une bleusaille au dos solide) et servent d'ouvre-boîte contre les cibles blindées.

Jaugeant un moment l'ouverture de la coque, Thunderlane se décida finalement à entrer de nouveau dans le vaisseau. Là, il prit son arme et ouvrit d'un coup sec la trappe.
Les secondes s'écoulaient tandis qu'il scrutaient les ténèbres, prêt à tirer. Le silence se faisait de plus en plus oppressant, il pouvait carrément entendre son propre cœur battre.
Une sorte de liquide tiède dégoulina lentement sur le canon du rayonneur. Avec une lenteur dramatique, le pégase leva la tête vers l'intrus. Cet intrus qui avait été assez malin pour sortir de la coque pendant sa brève absence, assez silencieux pour se faufiler, suspendu au plafond, jusqu'au pégase et surtout, assez rusé pour mettre au point cette tactique.
Quel pitié que Thunderlane ai désactivé la radio de son casque, pour pouvoir vomir son flot de colère sans risquer d’être surpris par le capitaine. Quel pitié qu'il n'ai pas non plus songé à un seul instant, à chercher de l'aide ou avertir quelqu'un.
-Oh, bordel de... prononça le brave pégase, juste avant de sombrer.

Si j'ai bien compris, Fluttershy est très haut gradé, un truc genre chef des armées ou pas loin ?
Rarity en princesse marchande, pas mal. Ha si, une coquille, on dit princesse marchande si c'est une femme ( jument dans ce cas )
AJ et Big Mac en mécano "normal" j'ai envie de dire.
Twilight en simple professeur ? Je la verrai plus commander une flotte entière, mais tu fais ce que tu veux.
J'imagine déjà des trucs pour Pinkie et RD, des trucs amusants.

La fin me fait penser vaguement à Alien

Vuld Edone a écrit:

on a compris le Levertine est nettoyé avec Moulilessive

...La référence m'échappe, désolé.

Vuld Edone a écrit:

En bref, à chaque fois que j'entends la voix du narrateur je soupire.

J'espère pouvoir corriger ça dans les prochains chapitres. Mais faut dire que j'ai l'habitude de faire des "transitions brutales" dans mes fics.

Vuld Edone a écrit:

où je m'attends à tomber sur les changelins de l'espace

Vuld Edone a écrit:

et plus de références évidentes comme Starship Troopers question de saliver.

...euh... ça doit être l'un des rares univers de sf dont je ne connais quasiment rien.

Tounicoon a écrit:

Ha si, une coquille, on dit princesse marchande si c'est une femme ( jument dans ce cas )

En fait, je trouvais que "princesse-marchande" sonnait bizarre. Du coup, j'ai préféré rendre le titre invariable.

ToroPicana a écrit:

La fin me fait penser vaguement à Alien

Chapitre II/Le 99éme passager
Le soleil, l'astre divin de l'Empire, s'était levé sur Equestria.
Cet empire avait vu le jour il y a des siècles, guidée par l'impératrice Celestia, la reine immortelle du peuple poney et qui avait fait du soleil le symbole de son pouvoir. C'était sur Equestria, la planète-capitale, qu'elle veillait sur ses sujets, éparpillés sur des dizaines de planètes.
Un étranger qui descendrait sur ce monde serait ébahi. Imaginez tout une planète dédiée à représenter la puissance et la gloire de l'Empire d'Equestria : de vastes allées embellies par les plus belles fleurs de la galaxie, d'immenses spires à l'architecture raffinée et aux couleurs mêlées d' ivoire et d'argent, des ruelles bordées d'échoppes mêlant le pittoresque au raffiné...

Baigné de la douce chaleur matinale, la propriété Startree, un manoir à l'architecture d'une sobriété maîtrisée, s'éveillait. Comme chaque matin, la maîtresse de la maisonnée démarrait sa journée dans son sanctuaire. Le dojo.
-Je vous sens préoccupée, ma dame
Iron Will, le maître d'arme-précepteur du manoir et minotaure de son état, prononça cette remarque tandis que Fluttershy, revêtue d'un kimono tout comme lui, enchaînait les mouvements de luttes et les techniques d'autodéfense.
Le minotaure servait la famille Startree depuis sa jeunesse. Il avait connu Fluttershy quand elle n'était qu'un nourrisson, l'avait surveillé et éduqué quand elle était un poulain et, désormais, était le plus proche confident de l'héritière de cette noble lignée.
Les minotaures étaient un peuple de farouches guerriers, au niveau technologique assez bas. D'une loyauté sans égal, ils fesaient de parfaits subordonnés pour nombre de gens de la noblesse désireux d'un serviteur compétent ou d'officiers soucieux d'avoir une aide de camp intimidante.
Il est difficile de croire qu'une douce dame de la noblesse Equestrienne puisses trouver le moindre intérêt pour les techniques de lutte de ce peuple, et pourtant !

La pégase se décida à répondre après avoir mis le minotaure au tapis :
-J'ai encore rêvé cette nuit...
-Je vois, prononça Iron Will, toujours au sol. Encore ces cauchemars.
Fluttershy s'éloigna du tatami et s’arrêta à la fenêtre : le ciel n'était plus le noir ponctué de lumières sinistres de la nuit mais la douceur bleutée du jour.
-Twilight m'a convoqué demain. Je ne peux m’empêcher de me demander si...
-... si elle est au courant de votre "phobie" , répondit Iron Will en se relevant.

L'Académie Impériale se dressait fièrement, rivalisant avec les plus hautes spires de la ville. C'était un bâtiment immense dont chaque mur était gravé de scènes de l'Histoire Equestrienne et le moindre petit élément de maçonnerie tenait de l’œuvre d'art. Une statue d'alicorne, ces êtres puissants à la fois semblables aux poneys et différents tout à la fois, soutenait chacun des angles de l'édifice, leurs ailes formant des arches qui épousaient l'architecture. Des tours se levait de l'édifice principal, abritant des bibliothèques particulières ou des ateliers spéciaux. Des dômes dépassaient des murs, comme s'ils avaient été encastrés, abritant des terrains d'entraînement pour les futurs soldats de l'Impératrice.
Cet endroit était l'un des plus réputés de l'Empire et pourtant, elle faisait pâle figure face au Palais Impérial – même si c'était difficile à croire !

Twilight présentait son cours dans l'un des immenses amphithéâtre de l'Académie. Ce n'était pas une salle très sophistiquée : juste des gradins où les élèves venaient s'abreuver des récits de la licorne sur l'Histoire de l'empire.
-... les derniers jours de la grande guerre contre les griffons fut marqués par l'apparition de multiples héros et de faits d'armes dignes de légendes.

Twilight Sparkle s'occupait habituellement des archives du palais impérial, avec une dizaine d'autres licornes. Elle avait donc toutes les compétences pour faire ce cours, elle qui manipulaient indifféremment papier de rapport, journaux de bord et enregistrements mentaux mais ce n'était pas pour ça que les élèves buvaient chacune de ses paroles. En effet, elle avait le privilège d'aller rencontrer régulièrement les alicornes du Planétaire Impérial et, plus encore, de converser directement avec l'impératrice Célestia. Être un interlocuteur du monarque solaire, une déesse vivante parmi les poneys, la fondatrice de l'empire... Qui ne serait pas impressionné ?

Savourant un instant le regard passionné et plein de dévotion de ces élèves, elle continua :
-Pêle-mêle, je pourrais vous citer Gandahar la bleue, qui tint la planète Gaouoïl contre la flotte Equestrienne pendant 2 ans - avec une flotte réduite de moitié et un ratio de 1 vaisseau pour 3 ! Je pourrais vous citer Haskill Startree, qui réussit à défaire la flotte de l'archi-amiral de Gryffonya, prononçant cette phrase très célèbre juste après sa victoire -"Je l'ai dans le cul du griffon !". Je pourrais vous citer...
-Regardez, c'est Rainbow Dash !
Le cri fut poussé par un des étudiants, parmi les plus proches de la fenêtre. D'une seul mouvement, tous les élèves de l’amphithéâtre se pressèrent aux fenêtres. Twilight, frustrée, étouffa un grognement.

En temps normal, les aspirants pilotes s'entraînaient au sein des dômes de l'Académie.
Il s'agissait d'espaces clos mais, une fois allumé, les mécanismes du terrain faisait apparaître des obstacles flottants ou des hologrammes figurant des ennemis. Manœuvres de retraite, esquive, combat, avec ou sans vaisseaux..., ce modèle de piste permettait de former rapidement n'importe quel pégase aux rudiments du combat spatial.
Mais Rainbow Dash était déjà pilote et tenait à faire son entraînement matinal dehors. Juste sous la fenêtre où, chaque jour, Twilight faisait son cours.

Rainbow Dash. L'idole des jeunes recrues et de nombres d'élèves. La meilleure pilote de l'académie.
Quelle spectacle de la voir s'entraîner ! De la voir enchaîner cascades , piqués et acrobatie, à une vitesse folle et sous les yeux admiratifs de ses fans.
La pégase dansait littéralement avec la gravité, savourant sans même jeter un œil, l'attention que lui prêtaient les étudiants de Twilight. Lorsqu'elle passa suffisamment près de la fenêtre, elle adressa un clin d’œil à la masse agglutinés contre le verre et sourit en devinant la frustration de leur professeur.

Twilight, accoudée au bureau de l’amphithéâtre, attendant que ses élèves veuillent bien se rappeler qu'ils étaient en cours.
A quoi bon s'échiner à apprendre l'Histoire à ces gosses quand ceux-ci ont à portée de fenêtre, les exploits athlétiques d'une pilote reconnue?! Et encore, ils ne l'ont pas vu à l’œuvre, avec son Rainbow Jet ! Un chasseur spécialement modifié pour supporter les accélérations dont elle raffole et dont le capot était peint tout entier à sa gloire ! Comment lutter contre ça ?...
-Je me demande ce que Spike fait en ce moment...

Rarity avait invité le dragonnet dans ses appartements : une pièce faussement intimiste, où le prince-marchand mettait en valeur ses collections tels que des sculptures ésotériques caractéristiques des zèbres ou des tableaux peints par les artistes les plus en vue de l'Empire. Le reste de la salle était occupé par un lit à baldaquin capable d'accueillir une dizaines de poneys et divers meubles, à l’esthétisme et au raffinement discutable et probablement outrageusement chers. Et au milieu de tout ce fatras trônait... ce truc.
-Mon petit Spikounet, je te présente le nec plus ultra de la technologie en matière de standing.
Le dragonnet se gratta la tête, d'un air gêné :
-...Euuh... Qu'est ce que c'est ?...
La "chose" ressemblait à un poney métallique, dont on aurait remplacé les pattes par des chenilles. Il portait une tenue de valet, sa tête était surmontée d'une perruque poudrée et la surface lisse de son châssis abritait des mécanismes ouvragés et complexes. En fait, il ne dépareillait pas vraiment parmi la collection hétéroclite de Dame Rarity.
-Un cyber-majordome. Un de mes fournisseurs s'est assuré que je puisse obtenir ce modèle assez spécifique. Oh, bien sûr, on en a inventé de plus performant depuis mais... je trouve du charme à ces vieux modèles ! Bon, voyons comment ça marche...
Rarity abaissa le capot de l'equuoïde et, à l'aide de sa corne, activa les circuits. Le cyber-majordome vibra doucement en s'éveillant. Ses optiques brillèrent d'une couleur jaune et il tourna lentement sa tête en direction de Spike – qui recula comme si la machine allait lui sauter dessus.
-++Entrée identifiant propriétaire++, émit le majordome d'une voix sans chaleur.
-Rarity, prononça la dame d'une voix claire.
-++Entrée titre propriétaire++.
-Prince-marchand.
-++Entrée identifiant programme++.
Rarity réfléchit pendant plusieurs minutes avant de finalement prononcer :
-Tom.
Le majordome se mit soudainement à vibrer, tandis que son unité centrale enregistrait ces informations. Peu rassuré, Spike s'abrita derrière un des canapés. Des fois que ça exploserait...
-++Enregistrement du produit effectué. La société Sweetibot vous remercie pour votre acquisition. Téléchargement des dernières mises à jours avant démarrage. Veuillez patienter...++
"Tom" s’arrêta finalement de bouger et ses yeux se mirent à clignoter. Spike sortit de sa cachette.
-Alors... C'est bon, ça marche ?
-Il se met à jour. Il suffit juste d'attendre.
-++Téléchargement effectué à 0,02 %. Veuillez ne pas mettre hors-tension ou débrancher la machine.++

L'équipage du Cutie Mark Crusader, après plusieurs heures de boulot exténuant dans la salle des machines, rejoignit le hall du Levertine. Ce grand espace, semblable à une agora, accueillait la "petite clientèle" de l’immense vaisseau : des voyageurs, des marchands, qui louaient une place à bord du Levertine afin de rejoindre des destinations que leurs propres vaisseaux ne sauraient effectuer. Quiconque rentrait dans le hall ne pouvait que constater la diversité des différents peuples de la galaxie : il y avait des poneys, bien sûr, les sujets de l'empire mais aussi des griffons, des diamond dogs, des ânes et des zèbres.
On parlait de hall mais il serait plus exact de le désigner comme une "petite ville au sein même du vaisseau-marchand" : la salle, grande et large de plusieurs dizaines de mètres, abritaient chambres, échoppes et cantines. Oh, bien sûr, rien à voir au niveau du confort avec les étages supérieurs : nombres de chambres avaient pour lit des hamacs, il était facile de se prendre les sabots dans des sacs de voyages étendu au sol et une odeur de tabac flottait constamment dans l'air. Mais paradoxalement, cela n'en rendait l'endroit que plus vivant. L'ingénieur discutait avec le garde, le transporteur plaisantait avec le fouisseur et le zèbre jouait aux cartes avec le griffon. Les origines, le métier et le rang n'avait aucune place ici : seule la camaraderie régnait. Pour un temps, quelque soient leur destination et leur but, ils étaient tous des passagers du Levertine.

Regardant de droite à gauche pour apprécier la diaspora réunie par le vaisseau, les trois ponettes heurtèrent quelqu'un :
-Oops, excusez-nous, m'sieur, on était juste...
L'équipage du Cutie Mark Crusader se raidit d'un coup. Là, devant elles, se tenait Thunderlane. Celui qui gardait le hangar. Celui que Sweetie Belle avait berné, le laissant à la merci du capitaine !

Plusieurs secondes passèrent, où le pégase lorgnaient les trois amies, affichant une face imperturbable. Finalement, il tourna la tête et continua son chemin. Pas la moindre émotion. Pas même le moindre regard glaciale ou la moindre volonté d'ignorer royalement les trois ponettes. Comme si Thunderlane les avaient complètement oublié.
-Ça, c'est pas normal... murmura Sweetie-Belle.

Elle fut interrompu par un jet d'eau :
-Prend ça, horrible alien de l'espace !
Rumble, le petit frère de Thunderlane, tira sur les trois ponettes avec son pistolet à eau, figurant un rayonneur en plastique.
-Hey ! Ça va pas !
-On est trempées, maintenant !
-Fallait pas mettre mon frère dans le pétrin, fit le petit pégase en prenant la pose avec son "arme".
Rumble avait la réputation d'être très éveillé pour son âge. Les mauvaises langues allaient même jusqu'à dire que c'était lui qui veillait sur Thunderlane et non l'inverse. Plus surprenant, c'était l'un des rares, sinon le seul, à oser tenir tête à Sweetie-Belle, malgré le fait qu'elle soit la propre sœur du Prince-marchand.
-Dis-nous, Rumble, fit Applebloom à voix basse, tu lui trouve pas un air bizarre à ton frangin ?

Les quatre poulains tournèrent la tête en direction du pégase. Celui-ci continuait son chemin, rejoignant une des sorties du hall. Imperturbable, il finit par marcher sur la queue d'un griffon qui jouait aux cartes avec ses congénères.
-HEY ! Fais-gaffe où tu met les sabots, canasson !
Thunderlane continuait à marcher, comme s'il n'avait rien entendu. Courroucé, le griffon se leva et agrippa l'épaule du pégase :
-Hé, j'te par...
En un mouvement, Thunderlane avait saisi la serre avec ses dents et avait projeté le griffon contre le mur d'en face. Le silence retomba dans le hall. Tout le monde regardait tour à tour le garde à la mine blasé puis le griffon encastré dans le mur. Puis, après plusieurs instants de flottements, les voyageurs retournèrent à leurs occupations.
-Je ne vois rien d'anormal, conclut Rumble en haussant les épaules.

-++Téléchargement effectué à 3 %. Veuillez ne pas mettre hors-tension ou débrancher la machine.++
-Heu... C'est toujours aussi long ? demanda Spike.
-Ces vieux modèles prennent toujours leur temps pour se mettre à jour. Laissons-le là et allons manger. J'ai demandé aux cuisiniers de nous préparer de l'avoine, pour changer. On dit que c'est bon pour la ligne.
Spike grimaça à l'évocation de cet aliment tandis qu'ils se dirigeaient vers la sortie. Pour lui, rien ne valait un bon rubis ou une appétissante gemme. Heureusement que les cuisiniers étaient au courant de son régime alimentaire. En y repensant, ils aurait bien goûté aux cristaux énergétiques de la salle des machines...

Thunderlane continuait à marcher à travers les couloirs du Levertine. Imperturbable, il passait et repassait dans le vaisseau, comme s'il n'était pas entré en ces lieux depuis longtemps et qu'il tenait à comparer ses souvenirs avec la réalité. Il finit par prendre l'un des ascenseurs, qui menait aux étages supérieurs, ceux des invités de marque. Tandis que les battants se refermaient, il pensa un bref instant à ce qu'il avait laissé dans le Cutie Mark Crusader. Le genre de chose que personne ne devrait jamais découvrir. Oui, tout ira pour le mieux tant que personne ne découvre cette "chose"... D'ailleurs, il faudra songer à une meilleure cachette... Et au moyen de s'en débarrasser le moment venu.
Les battants se rouvrirent, dévoilant un long couloir à la propreté impeccable, bien loin de la crasse industrielle des niveaux inférieurs. Un sourire apparut sur la mine inhabituellement austère du pégase. Oui. Le moment venu.

-Je suis affamée, fit Scootaloo en massant son estomac.
-Ils vont bientôt servir le repas là-haut, lui répondit Sweetie-Belle. Enfin, si tu es capable d'avaler de la nourriture un peu... sophistiqué.
-Et que tu ais encore faim, poursuivit Applebloom en rappelant silencieusement au pégase orange sa consommation de chips à bord du vaisseau. … Le vaisseau....
-LE VAISSEAU !
Les deux ponettes sursautèrent. Applebloom poursuivit en s’agitant en tout sens :
-On a pas débarqué le butin ! J'avais promis à Applejack de lui montrer tout ce qu'on avait trouvé !
-C'est pas grave, on peut y aller apr...
-Non ! Après, elle bosse sans arrêt et je ne pourrais pas avoir son attention. Il faut absolument que je lui montre durant sa pause-déjeuner !
-Oh là là, que de bruits pour tant de ferrailles, fit Rumble en apparaissant derrière les trois ponettes.
Vous avez décidé de vous attirer encore des ennuis ? Excusez-moi, je voulais dire, d'en attirer aux autres ?
Applebloom grogna :
-T'as l'intention de nous cafter ?
-Ce serait responsable.
Le couloir resta silencieux pendant plusieurs minutes. Le petit pégase blanc rompit finalement le silence :
-Et si c'était moi qui m’en occupais ?
-Tu ferais ça ?
-Dame Rarity vous a interdit de remonter à bord de votre vaisseau. Je ne suis pas concerné par cette interdiction.
Il poursuivit, gêné par le regard plein de reconnaissance d'Appleboom :
-En plus, si ça peut éviter à quelqu'un d'autre d'être puni à cause de vous...

-La galanterie me perdra...
Le petit pégase soupira tandis qu'il s'approchait du Cutie Mark Crusader. Un coup d’œil à droite, un coup d’œil à gauche... personne ! Tant mieux.
Jaugeant un moment le vaisseau spatial, se demandant si ce machin pouvait vraiment décoller, Rumble se décida à entrer.
Contrairement à son grand frère, il était à la bonne taille et n'eut aucun mal à se déplacer. Après quelques minutes de fouilles minutieuse – craignant que des pièces du vaisseau se détachent si on frottait trop fort les sabots contre le sol – il finit par trouver ledit sac, dissimulé sous les combinaisons.
-Rangé en urgence, conclut le petit pégase. Dame Rarity n'aime pas attendre.
Il se prépara à repartir quand il perçut quelque chose.

En temps normal, il n'aurait rien remarqué mais, à force de traîner et de fouiller dans le vaisseau, son oreille s'était habitué à l'environnement et percevait ce son. Un son humide et étouffé, comme si quelque chose respirait sous de l'eau. Rumble parcourut les parois du regard, cherchant la moindre trace de fuite. Puis, ses yeux se posèrent sur la trappe de manutention. Fermée avec un cadenas.
Le petit pégase plaqua son oreille contre la petite porte et sentit le son filtrer à travers le métal. Il y avait quelque chose là-dessous !

Rumble, après quelques instants de flottement, fouilla le vaisseau et finit par repérer une large pince. Tenant l'un des manches dans sa bouche, l'autre maintenue par sa patte, il glissa les mâchoires de l'outil autour du cadenas et appuya la tête. Recommençant deux ou trois fois, le dispositif finit par céder et la trappe était de nouveau ouvrable.

Respirant un grand coup, sur ses gardes, Rumble ouvrit la trappe d'un coup et attendit en fermant les yeux. Rien ne sortit des ténèbres, nul monstre ne vint l'agripper. Poussant un soupir de soulagement, le petit pégase essuya son front baigné de sueur et se pencha dans l'ouverture.
Ne voyant rien, il avisa une lampe-torche "rangée" par terre. Ainsi équipé, il repartit en direction de la trappe et se prit les sabots dans les quelques câbles qui couvraient le sol.

Avec fracas, le poulain dégringola dans le trou et fut pétrifié de stupeur. Là, éclairé par la lampe, se tenait quelque chose d’effrayant et lourd de sens.
-Qu'est ce que...